Chapitre 23

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Je marche aussi rapidement que je le peux à travers les couloirs. Alwin m'a raccompagné jusqu'à une rue pas très loin du lycée pour être sûr que je ne me perde pas. Ensuite nous nous sommes séparés. Il ne veut pas que les élèves de notre école sachent que l'on traîne ensemble, que nous sommes amis. Il fait ça pour me protéger. Me protéger du regard des gens, des rumeurs, de toute cette horreur que peuvent être les personnes au lycée.

Je suis plutôt reconnaissante envers lui de vouloir me protéger des autres. Même si je ne me préoccupe pas - ou plus maintenant - du regard des gens et des rumeurs qu'ils peuvent lancer, c'est mieux de ne pas être le principal sujet de conversation. On ferait une belle paire pour nourrir les esprits et faire marcher leurs imaginations. Deux personnes qui ne parlent jamais, n'ont pas d'amis, sont étranges. Nous sommes ceci à leurs yeux : des phénomènes de foire. Car nous ne sommes pas comme eux tous. Alors si quelqu'un apprenait qu'une sorte d'amitié s'est créée entre nous, les on-dits circuleraient partout.

Je n'ai pas envie de revivre la même situation qu'il y a deux ans. En effet j'ai été le sujet de ces rumeurs. Après cette affreuse soirée passée avec mon père, la dernière fois où je l'ai vu, toutes les théories probables comme impossibles se sont développées et proliférées au sein du bahut.

Après tout ce n'est pas étonnant quand on disparaît durant plusieurs mois de la circulation, sans aucune nouvelle. Je n'étais déjà pas quelqu'un qui se faisait remarquer et avait beaucoup d'amis mais c'est devenu bien pire quand je suis revenue au lycée. J'ai passé plusieurs mois chez moi ou à l'hôpital après cette soirée.

Tout le monde s'était empressé de créer des millions de conjectures. Peut-être que j'étais morte, ou bien dans le coma - enfin ils avaient eu plus ou moins raison sur ce point là. Peut-être bien que j'ai été kidnappée, que j'avais abandonné les cours. Peut-être même qu'en fait je me faisais discrète car j'étais la fille de quelqu'un d'important : un politique qui a dû déménager, une star qui a voulu changer de pays. Et puis pourquoi pas des parents espions qui travaillent pour des services secrets ? Ou j'avais très bien pu m'échapper avec un mec car je m'étais rebellée contre des parents stricts. Si seulement ils savaient la vérité sur ce qu'il s'était passé, je ne pense pas qu'ils seraient allés aussi loin.

Je ne leur en veux pas vraiment ils ne pouvaient pas savoir. Mais ils auraient dû garder leur langue dans leur bouche. Car même lorsque je suis revenue avec encore quelques bleus, égratignures et cicatrices, ils ont continué. Même avec mon crâne sur lequel ne se trouvaient plus que quelques centimètres de cheveux à cause du choc qui m'avait ouvert la tête, ils ne se sont pas arrêtés. Et si je m'étais faite violée ? Et si j'avais eu un accident de voiture ? Et si on m'avait agressé ? Et puis, si j'avais une vie si banale à leur goût car je reste dans mon coin, que j'avais sauté d'un immeuble, en plein désespoir à cause de ma vie ennuyante ?

Je me reconcentre sur le moment présent. Mon portable, que je viens tout juste de regarder depuis ce matin, affiche plusieurs appels manqués de Sandra. Il y a également des messages qu'elle m'a envoyé. Je m'en veux de plus en plus.

[Sandra : T'es où ?]

[Sandra : Tout va bien ? Pourquoi t'es partie aussi vite ?]

J'aurais dû la prévenir. Lui envoyer des SMS ou l'appeler.

Je commence à balayer du regard la cour. Je n'arrive pas à retrouver Sandra. Je n'ai même pas idée de l'heure qu'il est. Peut-être est-elle déjà partie ? Je m'en veux de l'avoir laissée. J'aurais pu au moins lui envoyer un message mais je ne l'ai pas fait. Je soupire en me rendant compte que je suis vraiment une mauvaise amie. Je décide de jeter un coup d'œil à la cafétéria - sans résultat - avant d'aller dans le bâtiment. Je monte jusqu'à nos casiers, espérant l'y retrouver.

Malheureusement elle n'y est pas. Je me mets alors à marcher jusqu'à ma salle de cours quand j'entends mon prénom. Je me retourne et vois enfin mon amie. Elle se dirige vers moi.

— T'étais passée où ? T'es partie si vite, je n'ai rien compris.

Je sens mon ventre se tordre. Je déteste mentir, encore plus à celle qui est ma meilleure amie, mais j'y suis bien obligée. Je suis moi même surprise de la vitesse à laquelle mon cerveau réussit à trouver une excuse et construit un mensonge. Mais je suis encore plus surprise de la facilité avec laquelle les mots passent à travers les lèvres, sans que je donne mon autorisation à ce bobard de sortir de ma bouche.

— Désolée de t'avoir laissée seule. J'avais oublié quelque chose de très important à faire chez moi.

Sandra hoche doucement la tête. J'ai l'impression que mon excuse est passée comme une lettre à la poste.

— Tu as eu le temps de manger au moins ?

Je souris face à sa bienveillance et le fait qu'elle s'inquiète pour moi.

— Oui, j'ai pu manger une assiette de pâtes avant de repartir.

Au moins une information qui est vraie.

— Super alors.

— Excuse-moi de ne pas avoir répondu à tes appels et de ne pas t'avoir prévenue. Je ne voulais pas que tu t'inquiètes.

Sandra me sourit en secouant la tête. Son expression est rassurante.

— Ce n'est pas grave. Ça avait l'air d'être urgent.

Je m'en veux. Elle a sûrement dû se retrouver seule à midi. Je n'aime pas cette situation mais ressent le besoin de lui cacher cette relation qui se crée entre Alwin et moi. Elle ne l'aimait pas avant de l'avoir rencontré, elle le craint sans le connaître. Je pense que sa réaction sera exactement celle que j'imagine et ça ne sera pas très positif.

— J'ai entendu un truc de dingue !

Je tourne ma tête vers elle. C'est bon signe, elle passe au-dessus de ce qu'il s'est passé.

— Quoi donc ?

— Apparemment, le délinquant, Alwin...

Je me retiens de répliquer. J'en ai assez que tout le monde catégorise tout le monde sans connaître ne serait ce qu'un bout de leur vie. Je suis passée par là et même si je sais parfaitement que Sandra ne veut pas mal faire, ça me met mal à l'aise d'entendre ce genre de choses.

— Il a failli se battre avec un autre mec. Et y'a une fille qui l'en a empêché !

Je sens un frison me parcourir et mon ventre se serrer. C'était sûr que ça allait me retomber dessus. Elle n'a pas l'air de savoir que c'est moi. Mais si cette scène venait à se reproduire ou si quelqu'un nous voyait ensemble je peux être sûre que Sandra l'apprendra dans la minute qui suit.

— J'ai vraiment envie de savoir qui c'est ! Tu penses que c'était juste une personne un peu trop consciencieuse ? Ou c'est peut-être sa copine ? Non ! Tu penses que lui pourrait avoir une petite amie ? Elle est tombée pour le bad boy ancien taulard !

Je ne dis rien et me contente de hausser les épaules comme d'habitude quand elle me raconte des on-dits. Je déteste sa manière de parler d'Alwin mais je ne peux rien dire. Si seulement elle le connaissait un peu. Le dégoût qu'elle avait s'est senti quand elle a précisé qu'elle ne pensait pas qu'il pouvait avoir une petite amie. Surtout que c'est quelqu'un de vraiment appréciable et gentil. C'est quelqu'un qui mérite d'être heureux et de vivre une relation amoureuse heureuse.

Cicatrices LunairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant