Chapitre 27

64 7 1
                                    

Je lève la tête de mon livre alors que ma mère rentre. Je sens son regard sur moi. Il y a quelque chose qui cloche. Je le ressens. Nous nous dévisageons.

— J'ai croisé la maman de Sandra et on a un peu parlé, annonce-t-elle.

J'attends la suite. Il y a quelque chose qu'elle veut me dire. Soudain mon cœur se met à battre bien trop vite. Mes organes se liquéfient. Et si elle avait appris que je n'étais pas avec Sandra l'autre soir ? Si elle le sait, c'est une catastrophe. Je ne sais pas comment lui expliquer. Je n'ai pas de mensonge à raconter. Celui que j'ai dit à Sandra ne fonctionnera pas sur ma mère.

— Est-ce que c'est vrai qu'il y a ce Alwin dans ta classe ?

Un poids s'enlève de mes épaules. J'ai eu bien trop peur.

— Oui, c'est vrai.

Elle va dire exactement ce que je ne veux pas. Elle va dire la même chose que tout le monde, ces choses que je ne veux plus entendre, que je ne supporte plus. Je prie tous les dieux et déesses de ne pas la laisser faire mais en vain.

— Écoute moi, il faut que tu l'évites le plus possible. Il est dangereux.

— Qu'est-ce qu'il a fait pour avoir cette réputation ?

Dès que ces paroles sont sorties de ma bouche, je le regrette. C'est ce que je pense mais ne vaut mieux pas débattre avec ma mère. Il ne faut pas qu'elle se doute de quelque chose.

— Thémis ! Je ne rigole pas, ne l'approche pas. Il est violent, on raconte qu'il a tabassé quelqu'un juste parce qu'il était en colère. Je n'en reviens pas qu'il puisse aller au lycée. C'est un danger pour tous les élèves. Ils l'ont quand même accepté. Ce n'est pas normal.

"On raconte". J'ai envie de crier sur tous les toits que les rumeurs ne veulent rien dire. Tant qu'on ne connaît pas ce qu'il s'est passé par la bouche de la personne concernée alors on ne sait rien. Quoi qu'on dise c'est forcément déformé, jamais la vraie version ne sortira des on-dit.

De mon côté, je ne connais pas les raisons de son séjour en prison mais je sais que peu importe ce qu'il a fait c'est quelqu'un de bien. Il n'a pas vécu des choses faciles. Pourtant c'est quelqu'un de sympathique, il est capable d'éprouver des sentiments et de la compassion. Il l'a fait avec moi, il a été là quand ça n'allait pas et que j'étais seule.

Il ne mérite pas qu'on dise tout ça sur lui. Personne ne le mérite.

— Je fais attention, ne t'inquiète pas.

— Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? Il est là depuis quand ?

— Il est là depuis deux semaines après la rentrée. Je ne t'en ai pas parlé pour ne pas que tu t'inquiètes. Je te connais, je savais que t'allais réagir comme ça. Je suis grande maman, je sais de quoi il faut me protéger. Tu n'as pas à t'en faire.

Et je sais également qu'il n'est pas dangereux, je le sens. J'ai cet instinct que je ne saurais expliquer, j'arrive à sentir le danger, la violence chez les gens. De plus, j'ai appris à le connaître. Cette nuit qu'on a passé ensemble signifie quelque chose. Nous nous sommes encore plus rapprochés.

Par ailleurs, je mets discrètement mon téléphone en veille qui affiche ma conversation par message avec Alwin. Nous avons échangé nos numéros de téléphone la nuit que nous avons passée ensemble. Il a relevé le fait que c'était mieux que je le prévienne à l'avenir si je voulais refaire quelque chose plus ou moins équivalent, c'est-à-dire venir sonner à sa porte à n'importe quel instant.

— Tu me promets de prendre soin de toi ?

Je nous revois, nos deux corps l'un contre l'autre alors qu'il était un support psychologique quand je lui racontais mon histoire. Tout lui conter m'a fait du bien. J'ai l'impression de m'être libérée d'un poids.

Cicatrices LunairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant