Chapitre 12

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Je me frotte les yeux et me lève. Je plaque ma main contre ma bouche en baillant. Eh bien ! qu'est-ce que c'est que ça ? Jamais je ne m'étais sentie aussi épuisée depuis plus d'un an, après que j'ai arrêté de faire des insomnies. J'arrive en traînant des pieds dans le salon, doucement je tire la chaise de dessous la table et m'y installe.

- Est-ce que ça va ? Comment tu te sens ?

Je remonte les yeux au niveau de ma mère. Elle aussi parait exténuée.

- Je suis crevée et toi ? On dirait que tu viens de faire une nuit blanche.

Elle me sourit délicatement.

- Pratiquement. Tu ne t'en souviens donc pas, comme toujours ?

Je fronce les sourcils et la dévisage, de quoi parle-t-elle ?

- Tu as refait une terreur nocturne cette nuit.

Je cligne plusieurs fois des yeux en encaissant l'information. Cela faisait si longtemps que je n'en avais pas fait. Pourquoi c'est revenu d'un coup ?

- Ça a duré longtemps ?

- A peu près une demi-heure.

Je soupire et laisse tomber ma tête en arrière. Je ferme mes paupières. Dis donc ! Trente minutes... D'habitude quand je faisais mes terreurs nocturnes cela durait plus ou moins une dizaine de minutes avant de s'arrêter seul, aussi vite que c'était arrivé. Enfin, d'après ma mère. Jamais on ne se souvient de ses terreurs nocturnes. Tant mieux car apparemment je suis tellement terrifiée que moi-même je fais peur quand ça arrive.

- Je suis désolée.

- Ce n'est pas ta faute.

- Je sais mais je ne veux pas que tu passes de mauvaises nuits parce que je fais des terreurs nocturnes.

Ma mère me sourit et secoue sa tête de gauche à droite comme pour m'indiquer que ce n'est pas grave.

- Je me suis fait une tasse de thé, ça devrait aller. Et toi ? Tu veux quand même aller au lycée ?

Je hoche la tête vigoureusement. Aujourd'hui j'ai une heure d'option grec et puis je déteste rater des cours, après je dois passer du temps à rattraper les leçons et ce n'est pas forcément facile d'y trouver la motivation ou tout simplement de comprendre ce qu'ils ont fait alors que je n'étais pas là.

- Et si ça recommence, Thémis, promets-moi d'en parler à Isabelle.

- Promis.

Je me mets à petit-déjeuner avant de repartir dans ma chambre pour m'habiller. Je n'en reviens pas. J'ai fait de nouveau une terreur nocturne. Je me sens désemparée face à cette information. Je n'aime pas ça. Je 'en ai plus de souvenir mais le fait que je sache ça me perturbe. D'un coup, ça arrive, sans prévenir, comme ça. Je m'en étais débarrassé avec les psychologues, psychothérapeutes, psychiatres et tout ce qui commence en "psy-".

C'est à croire que Epialès avait décidé de passer sa nuit avec moi. Après tous ses pouvoirs ressemblent grandement à ce que l'on est censé ressentir lors des terreurs nocturnes. Epialès viendrait la nuit après Morphée pour agresser les êtres qui dorment de son souffle glacial et faisant apparaître des visions horrifiques pour sa victime lui provoquant ainsi des cauchemars.

Des frissons me parcourent en pensant à ceci. Je revois les milliers de cauchemars que je faisais auparavant. Déjà quand mon père était là ça n'allait pas très bien, j'enchaînais les mauvais rêves mais jamais je ne faisais de terreurs nocturnes. Mais à partir du jour où il n'était plus là j'ai commencé à totalement débloquer. Je me réveillais en sueur la nuit puis me mettais à pleurer, incapable de savoir ce qu'il se passait et me sentant déboussolée. C'était comme si j'étais encore dans le cauchemar. Je me sentais oppressée et j'avais l'impression que n'importe qui allait sortir d'un coin de ma chambre pour m'agresser.

J'avais été diagnostiquée avec un trouble de stress post traumatique par les psychiatres qui m'avait prise en charge. Cet enfer qu'était devenu mes nuits n'a cessé il y a très peu de temps, peut être quatre mois environ. C'est parti petit à petit à force de thérapie et de patience. Je n'ai donc aucune envie que cela revienne. Je ne veux plus me réveiller au beau milieu de mes nuits car mon cerveau me projette un film d'horreur. Ce sont toujours des scénarios semblables, peu de choses changent : mon père est de retour alors ma mère qui n'est plus là pour me protéger, je me retrouve à sa merci, incapable de me défendre tellement la peur me tétanise.

Je chasse au plus vite les images qui me reviennent à l'esprit. Hors de question que j'y repense. J'ai tourné la page, il n'y a aucune raison pour que j'y repense. Je suis déjà chanceuse de ne pas être plus traumatisée que ça, autant ne pas aggraver mon cas en m'imposant des images désagréables. Je sais très bien que des personnes ressortent de ce qu'on a vécu avec des traitements à vie car ils souffrent de dépression ou autres troubles psychiatriques. C'est le cas de ma mère, elle est maintenant sous anxiolytiques.

Pour mon cas mon SSPT a duré quelques mois où j'étais incapable de contrôler mes émotions ainsi que les vagues d'angoisse, de peur. Les flash-backs étaient impossible à repousser. C'est peu à peu parti mais je ne dirais pas que cela a totalement disparus. En effet, ce n'est plus comme avant, je ne me mets plus dans un état second d'un coup. Malgré tout je suis sensible aux cris des personnes, d'autant plus s'ils sont dirigés vers moi, et à la moindre violence. Dès que quelqu'un lève la main, le poing, que ce soit juste entre deux personnes ou à la télévision, je sens mon cœur battre bien trop fort.

Cette situation est plutôt ironique. Je suis en train de me rapprocher de quelqu'un qui traîne un tas de casseroles derrière lui et qui serait violent. Si c'est vraiment le cas alors je suis en train de me lancer dans quelque chose de bien trop dangereux pour moi qui pourrait juste faire revenir de très mauvais souvenirs, surtout ceux d'une soirée en particulier. C'est la dernière chose que je désire.

Et pourtant...

Quelque chose ne tourne pas rond chez moi car je prends le risque. Je suis consciente du danger et je veux tout de même continuer à me rapprocher d'Alwin. Je suis prête à me mettre dans un guêpier. Le pire de tout est que je n'ai pas peur. Penser au potentiel risque qu'il puisse représenter pour moi ne me fait ni chaud ni froid et je crois bien que c'est la première fois depuis longtemps que je prends en toute conscience une telle décision.

Décidément je ne me reconnais plus mais je sens cette étrange sensation dans mon corps, comme si je pouvais faire ce que je voulais, mon sang palpite me procurant des picotements dans mon ventre, effets de l'adrénaline qui me vient de je ne sais où. J'ai l'impression d'être libre et que rien ne peut me faire du mal. Je crois que je n'ai jamais connu cette sensation, ou alors très rarement. 

Cicatrices LunairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant