J'entends la porte d'entrée claquer puis des voix retentir.
— On a presque cinquante ans. Peut-être que ce n'est pas ton cas mais j'ai envie d'une relation stable, retentit une voix masculine.
— J'en ai envie aussi.
— Alors passe à autre chose. Tu allais me mentir encore combien de temps ?
Ma mère et Georges viennent de rentrer. Je sais qu'ils étaient sortis cette après-midi, tous les deux. Mais leur conversation me montre que tout ne s'est pas particulièrement bien passé. Ça ressemble plutôt à une sorte de dispute. Et je ne pense pas qu'ils soient au courant que je suis là. Je vais rester dans ma chambre jusqu'à ce que ce soit terminé, ça vaut mieux.Si j'apparais pendant leur conversation la situation va rapidement devenir gênante.
— Je n'ai pas menti !
— Tu m'as clairement caché une partie de la vérité. T'as menti par omission et ça en revient au même.
— Ça ne veut pas dire pour autant que je ne souhaite pas avoir une relation sérieuse avec toi.
— Alors pourquoi tu ne me dis pas tout ?
— C'est dur de comprendre que la situation est compliquée ?
Pourquoi se disputent-ils ? Je n'ai pas la moindre idée de ce que ma mère a bien pu lui cacher.
— Ecoute Estelle, on en discutera plus tard. Okay ?
Un long soupir retentit dans le salon.
— Ça marche.
Puis le bruit de la porte qui s'ouvre et se referme m'indique qu'il repart. J'attends quelques minutes avant de ressortir de ma chambre. Je pénètre doucement dans le salon. Maman écarquille les yeux et sursaute en me voyant.
— Je ne voulais pas te faire peur.
— Tu étais là ?
J'acquiesce. Elle sait donc que j'ai entendu leur querelle.
— Ça va entre vous ?
J'obtiens pour simple réponse un haussement d'épaule.
— De quoi parlait George ?
Elle ne répond pas immédiatement mais me donne quand même une réponse.
— De ton père.
Je fronce les sourcils. Pourquoi parlaient-ils de mon père ? Et comment, même dans le coma, peut-il encore lui attirer des ennuis ?
— Il ne savait pas qu'il était encore en vie.
Je mets toutes mes forces pour ne pas montrer mon étonnement. Comment se fait-il qu'il ne le savait pas ? Comme si elle avait pu lire dans mes pensées elle me donne la réponse juste après.
— Je lui avais raconté comment ça s'était terminé, comment j'avais... poignardé ton père. Je n'ai pas précisé qu'après il s'était retrouvé dans le coma car les médecins avaient pu le sauver. Et que depuis deux ans il l'était toujours. Du coup il a pensé qu'il était mort de ce coup et que j'avais obtenu la légitime défense.
Je n'aurais jamais cru que ma mère lui cacherait ça.
— Comment a-t-il pu l'apprendre ?
— Ça m'a échappé pendant une discussion.
— Pourquoi tu ne lui as pas dit ?
C'est ce qui m'intrigue le plus dans cette histoire. Je n'arrive pas à comprendre ça. Je vois pourquoi George réagit comme ça. Elle baisse la tête. Une autre interrogation me percute soudainement. Je sens cette désagréable sensation d'inconfort dans ma poitrine. Je viens de réaliser quelque chose.
— Pourquoi tu ne l'as pas débranché depuis ce temps ? je demande.
Je vois bien qu'elle aussi est déstabilisée par cette question, cette idée. Après deux ans, il est toujours en vie alors qu'on pouvait très bien le débrancher. Surtout qu'il ne se réveillera sûrement jamais et qu'il ne mérite pas de se réveiller.
— Maman... Pourquoi ?
Les larmes sont apparues sans que je m'y attende. Cette situation n'est pas normale. Je mets toutes mes forces pour m'empêcher de pleurer. Le regard de ma mère est perdu dans le vide.
— Je n'en sais rien. Il... il ne devrait pas être vivant c'est pour ça que je ne lui en ai pas parlé. Ça ne compte pas, il est dans le coma et...
— Pourquoi tu n'as jamais voulu le débrancher ?
Ma question avait un ton de supplication. Je sens une larme tomber sur ma joue. Je ne prends pas la peine de l'effacer. A quoi bon ?
— C'est compliqué Thémis.
Je repose la question. J'ai besoin d'une réponse. J'ai besoin de ça plus que tout à cet instant précis.
— J'en suis incapable. Je ne peux pas le tuer.
Soudainement je comprends. Elle a l'impression que si elle le débranche elle le tuera, qu'elle donnera le coup de couteau final.
— Il est déjà mort depuis deux ans, j'annonce la voix tremblante laissant couler d'autres larmes.
Elle tourne son visage vers moi, ses joues sont trempées de ses pleurs.
— Je ne veux pas m'occuper de tout ce qui va suivre.
Je sais ce dont elle veut parler : les funérailles.
— On trouvera une solution.
— C'est dur, Thémis de faire ça. Ça veut dire qu'on va devoir de nouveau penser à tout ce qu'il s'est passé. Je ne veux pas retourner deux ans en arrière.
Elle est terrifiée, voilà le problème. Elle déteste tout ce qu'il s'est passé et elle reste loin de tout ça. Sauf que ça n'arrange rien.
— On est toujours bloquées deux ans en arrière. Toute notre vie repose sur lui. Il nous pourrit encore la vie alors qu'il est inconscient, c'est un légume. Tant qu'on ne l'aura pas laissé partir alors il sera encore là.
Je me rappelle de la dispute que j'ai eu avec Alwin. Une phrase qu'il m'avait dite me revient en tête : "T'es autant bloquée que moi dans le passé." Je lui avais répondu qu'il avait tort mais il a raison. Tout tourne autour de mon père et de ce qu'il a fait. J'ai peut-être tourné une page mais je n'ai pas refermé le livre. Et c'est de ça dont on a besoin. La seule solution est de le laisser partir, de recommencer notre vie, prendre un nouveau départ.
— On doit le faire, je murmure.
Maman s'approche de moi et me prend dans ses bras. C'est sûrement la première réelle discussion qu'on a depuis que je lui ai avoué à propos d'Alwin. Je crois bien que cela enterre la hache de guerre. Elle passe sa main dans mes cheveux et je l'enlace.
— On va le faire. Laisse moi juste régler deux trois choses avant.
Un souffle de soulagement passe mes lèvres.
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Hello !
Voici un nouveau chapitre ! L'histoire est bientôt terminée sachant qu'elle fait 55 chapitre ;)
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Cicatrices Lunaires
RomanceRomance ********* Etant très introvertie, Thémis, se réfugie dans sa passion pour la mythologie et ses livres. Elle ne parle qu'avec une toute petite poignée de gens : Sandra sa meilleure amie, sa mère, son professeur de Grec et Irène sa psychothéra...