Chapitre 39

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Je ramène mes genoux contre ma poitrine et pose ma tête sur ceux-ci. Je repousse une mèche de cheveux derrière mon oreille afin de pouvoir voir Alwin à côté de moi. Cela fait maintenant une semaine que Sandra et moi nous sommes disputées. J'ai essayé plusieurs fois d'aller la voir mais à chaque fois elle a fait en sorte de l'éviter et de pouvoir s'échapper. Elle ne veut plus me parler. Ça me fait mal de la voir si loin de moi. Je ne peux plus être avec elle et elle me manque.

Personne ne peut s'imaginer à quel point je m'en veux. Sandra doit penser que je ne lui fais pas confiance, que je ne la considère pas comme elle me considère. Je ne sais pas quoi faire pour lui faire comprendre que je tiens vraiment à elle. Je ne sais pas comment me faire pardonner. Je ne peux pas lui dire pour Alwin. Je ne m'en sens pas capable et j'ai l'impression que cela ne ferait qu'empirer la situation. Si je lui avouais tout maintenant je pense qu'elle serait encore plus en colère. Je vais sûrement attendre. Ça me parait être la meilleure des solutions pour l'instant. Je lui expliquerai tout quand elle sera moins fâchée contre moi, quand sa colère sera redescendue. Peut-être qu'elle le prendra déjà un peu mieux que si j'en rajoute une couche maintenant. Dans tous les cas, je ne peux pas aller la voir sans me faire rejeter.

Je sens une larme couler le long de mon visage. Cette histoire me rend folle.

— Je suis désolé pour vous.

Il sait que je pense sans arrêt à Sandra. Je n'arrive pas à me sortir notre conversation de la tête. Je lui ai raconté il y a quelques jours et Alwin fait maintenant tout pour me remonter le moral. Tout comme en ce moment où nous sommes posés sur cette table de pique nique dans un petit jardin public. A la base nous devions réviser mais il n'a pris que les matières qui m'intéressent le plus. De plus, il nous a acheté deux énormes cookies à la boulangerie.

— Je me sens coupable pour Sandra et toi. C'est à cause de moi que vous vous êtes disputées.

Je m'empresse de le contredire et de le rassurer. Si c'est de la faute de quelqu'un c'est de la mienne, surtout pas de la sienne.

— J'ai mal géré la situation de A à Z. C'est tout sauf de ma faute. Ne t'en veux pas.

— Oui mais...

— J'aurais dû faire les choses autrement.

Il m'observe, sceptique.

— Je ne pouvais pas lui parler de toi, elle ne t'apprécie pas trop. Elle ne te connaît pas. Je m'étais quand même promis de le faire. Je me suis dégonflée. C'est moi le problème pas toi.

Il soupire puis finit par hocher la tête.

— Ne te rends pas coupable pour ça, je le rassure.

— Je me fais juste du souci. Ta meilleure amie t'as tourné le dos. Ce serait normal que tu n'ailles pas bien. Surtout quand je suis indirectement le sujet de votre dispute.

— Merci.

Son inquiétude m'attendrit. C'est trop gentil de sa part, je refuse qu'il s'en veuille dans cette histoire.

— Ça va aller, Pégase ?

Son ton est plus que sérieux. Je hausse les épaules.

— J'étais censée aller chez elle ce soir.

Pour de vrai, pour une fois. On avait prévu ça la veille de cette journée où elle m'a dit tout ce qu'elle pensait de moi en ce moment. Je vais devoir expliquer à ma mère qu'on a annulé et je dois lui donner une excuse solide. Quelque chose comme quoi Sandra avait oublié qu'elle devait voir Paul. Ce n'est pas si faux. Maman ne me posera pas de questions.

— J'imagine que tu n'y vas pas.

— Disons que son message avait de quoi être clair.

En effet, elle m'a bien fait comprendre qu'elle ne voulait pas me voir. Je montre la conversation à Alwin.

[De Sandra : N'essaye pas de venir chez moi ce soir pour me parler car ma mère te laissera rentrer. Je viendrais te voir quand je le voudrais. Dans tous les cas je vois Paul ce soir.]

[A Sandra : Je suis désolée, passe une bonne soirée]

Je lui ai répondu rapidement, si j'en avais le courage et que je n'avais pas peur de la froisser encore plus je lui aurais écrit des tas de lignes pour m'excuser et lui dire qu'elle me manque et que je veux la revoir.

— Elle est vraiment en colère.

— Pas qu'un peu.

Alwin m'observe et laisse ses doigts courir sur ma main, tracer la forme des mes veines. Je ferme mes paupières et apprécie le contact.

— Tu veux venir ce soir ?

Je rouvre doucement les yeux et l'observe. Il a un air tout à fait sérieux.

— Juste venir chez moi et passer la nuit ici. A moins que tu veux qu'on sorte regarder les étoiles et qu'on passe notre nuit dehors comme d'habitude.

C'est vrai que cela fait longtemps depuis la dernière fois que nous nous sommes posés pour voir les étoiles. Mais cette fois ci j'ai envie de rester juste avec lui. Qu'on soit ensemble au calme chez lui.

— On gardera les étoiles pour une prochaine fois. On saura très bien s'occuper tous les deux.

Les sourcils d'Alwin se lèvent un peu et il garde ses yeux dans les miens. Il paraît étonné de ce que je... Oh. Je vois. Ce que je viens de dire a une connotation bizarre.

— On trouvera bien un film, des jeux de société ou sujets de discussion, je me rattrape.

Un petit sourire apparaît sur ses lèvres. Un rire discret s'échappe de mes lèvres. On échange des regards amusés. On s'est tous les deux compris.

— Cela te ressemble mieux d'un coup, rigole-t-il.

Je secoue la tête de désespoir en pouffant. Nos yeux se croisent de nouveau et nous nous mettons à rire franchement en cœur. Je déplie mes jambes et Alwin passe un bras autour de ma taille pour embrasser le dessus de ma tête. Je souris et m'approche de lui. Je repose ma tête contre lui et passe mes bras autour de son torse.

Je me laisse aller à notre étreinte. Notre conversation repasse dans ma tête. Jamais je n'avais vraiment abordé le sujet de la première fois avec quelqu'un. On nous a parlé des relations sexuelles en cours, on a eu des interventions. Mais avec Sandra ce ne fait pas partie de nos discussions. Je sais que beaucoup de gens de notre âge en parlent et que beaucoup l'ont déjà fait, ce n'est juste pas mon cas.

Ma mère ne m'en a jamais parlé et ce n'est pas comme si elle en avait eu l'occasion. Elle ne sait pas que j'ai un copain et que je fréquente Alwin. Les seules personnes avec qui j'avais du aborder le sujet du sexe étaient cette médecin et cette policière. Elles avaient besoin de savoir si mon père avait utilisé d'autres types de violences physiques. Autant dire que ce n'était pas la conversation la plus agréable du monde. J'étais dans ce lit d'hôpital, entourée de bandages et de machines. J'en garde un plutôt mauvais souvenir.

— Du coup ça veut dire oui pour ce soir, me demande-t-il.

— Oui, je viens regarder un film et jouer à des jeux.

Je sens la forme de son sourire se dessiner.

Penser à faire ma première fois avec Alwin ne me fait pas peur. Je suis confiante et je n'ai aucune hésitation. Cette idée me plait et m'attire. Mais je ne veux rien forcer, ce moment arrivera quand il devra arriver. Je suis juste en confiance avec Alwin. Je sais que je suis prête à le faire avec lui. Ça me parait comme une évidence.

Cicatrices LunairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant