Je porte mon verre à mes lèvres, les yeux baissés. J'apprécie énormément mon professeur mais cette situation est légèrement déstabilisante et gênante. Je ressens un petit malaise. Je vais certainement me sentir mieux dans une petite vingtaine de minutes quand je me serais habituée à sa présence. En attendant, j'essaye d'agir normalement dans cette situation qui ne l'est pas.
— Comment ça va, Thémis ?
— Très bien et vous ?
— Ça va.
Ma mère fait de nouveau son apparition avec deux tasses de café et un plateau de petits gâteaux qu'elle a cuisiné spécialement pour l'occasion.
— Tu veux quelque chose en particulier ?
Je mordille mes lèvres. Ils en sont même au point de se tutoyer. Je commence vraiment à me demander s'ils ne se sont pas déjà vus avant et que ma mère aurait omis de me mentionner ces quelques précédentes rencontres.
— Non merci, c'est gentil Estelle.
Je tends la main pour attraper un cookie sur le plat.
— Thémis ! Laisse les invités se servir en premier.
Malheureusement je suis arrêtée par ma mère avant que je puisse en toucher un. elle attrape délicatement ma main de la sienne. Malgré ce geste doux, je sursaute et ramène immédiatement mes mains près de mon corps.
C'est encore arrivé. Encore. Ces étranges réactions sont en fait banales chez nous. Que ce soit moi ou ma mère dès qu'une de nous deux fait un geste un peu plus brusque que d'habitude ou cassons un plat nous nous protégeons. Maman sait que je ne lui ferais pas de mal tout autant que je sais qu'elle ne me ferait pas de mal. Pourtant c'est devenu automatique après plusieurs années à devoir le faire. Heureusement ces réflexes partent peu à peu et sont de moins en moins récurrents.
— Désolée, dit on en chœur.
Je soupire et ferme les yeux pendant quelques secondes
— Je suis désolée, murmure ma mère.
— Pas de problème.
— Allez y monsieur, j'annonce en montrant les biscuits.
Mais celui-ci nous observe, tour à tour, toutes les deux dans un silence de mort. Ma mère paraît très gênée, son visage affiche un air désolé.
— Tout va bien ? finit il par demander.
Nous échangeons un regard entre mère-fille. Je me tourne vers mon professeur.
— C'est juste à cause de...
— Ton père, termine-t-il.
— Exactement. Ça arrive quelquefois.
— On a des réactions un peu extrêmes par moments, complète Maman.
Il hoche la tête puis attrape un cookie. Il le goûte et sourit. George a l'air plus que satisfait du gâteau.
— Ces gâteaux sont délicieux !
Je vois le visage de ma mère s'illuminer tandis qu'elle s'assied en face de lui.
— Vraiment ?
— Tout à fait. Ils sont parfaits et en plus j'ai mon café alors c'est parfait.
— Merci beaucoup ! Ce sont les préférés de Thémis depuis qu'elle est petite.
— Je la comprends tout à fait. Tu peux en prendre d'ailleurs ma puce.
Je laisse une échapper un sourire en remarquant qu'il vient de m'appeler "ma puce". J'attrape tout de même un cookie que je me mets à déguster. Ils sont vraiment délicieux.
— J'ai amené un cadeau de remerciement.
Alors que ma génitrice commence à répliquer il attrape un petit paquet cadeau qui a la forme d'un pavé et lui tend.
— Il vous profitera à toutes les deux.
Ma mère s'empare de l'objet et commence à ouvrir délicatement l'emballage. Elle sourit à la vue de ce que c'est. Elle le pose sur la table pour que je le vois. A mon tour je ne peux m'empêcher d'afficher la même expression heureuse que ma mère.
— Je sais que ce n'est pas ce ne sont pas tes livres préférés mais ce sont ceux de ta mère et je sais quand même que t'aimes beaucoup l'histoire.
Je souris et le remercie en effleurant la couverture du livre. C'est une version reliée contenant l'Odyssée et l'Iliade d'Homère. La couverture est magnifique. Presque autant que celle du livre que monsieur Leroux m'avait prêté en début d'année.
— C'est une version illustrée, précise-t-il.
Je lève la tête vers Maman. Elle a des étoiles dans les yeux. Elle finit par se tourner vers George. Elle le prend dans ses bras pour le remercier et lui fait la bise. Je me sens soudainement en trop. Ils sont vraiment proches. Cette petite scène ne fait que confirmer mes soupçons. Ils se sont déjà vu avant. Si j'avais des doutes maintenant j'en suis certaine.
Je m'excuse et m'éclipse discrètement dans ma chambre en remerciant mon professeur. Je vais les laisser seuls, je ne devrais pas être là.
Je regarde mon téléphone et y vois un message d'Alwin.
[Alwin : Ça se passe bien ?]
Je souris face à la préoccupation qu'il me porte. Je dois bien avouer que ces dernières semaines nous nous sommes beaucoup rapprochés. Depuis que je sais ce qu'il a vécu et que je lui ai révélé ce qu'il s'était passé pour moi, nous avons franchi une barrière. Échanger nos histoires nous a lié. Surtout que je doute que d'autres personnes savent quelque chose à propos de notre passé. J'ai l'impression que notre relation est assez fusionnelle. Nous nous comprenons tous les deux, sans forcément avoir besoin de tout se dire. Contrairement au tout début, ce n'est plus aussi compliqué. Au contraire maintenant que Alwin m'a acceptée dans sa vie en tant que proche il est bien plus ouvert.
Il me parle de lui même, engage les conversations. J'aime beaucoup notre relation. Elle me paraît si naturelle. Tout est simple.
[A Alwin : Très bien. Néanmoins je pense qu'ils se voient depuis longtemps.]
En envoyant mon message je prends encore plus conscience de la situation. Je crois que ma mère et mon professeur de grec sont en train de construire une relation amoureuse. Car oui. Je ne suis pas aveugle, il n'y a rien de cordial et c'est plus qu'amical. C'est déstabilisant. Ma mère n'a rien vécu de tel depuis mon père et encore ce n'est pas ce que j'appellerais une relation amoureuse. Seulement, j'espère que tout se passera au mieux entre eux. Dans le cas contraire, cela me mettrait dans une situation délicate tout autant que je ne sais pas comment réagirais ma mère. Mais il n'y a aucune raison que ça aille de travers. Surtout au vu de leur situation. Ma mère a été une femme battue et mon professeur a perdu sa femme, aucun des deux ne voudrait que ça se passe mal.
Je serais plus qu'heureuse de savoir que maman soit totalement heureuse et épanouie. Elle l'a largement mérité après toutes ces années. Alors si George pouvait la faire de nouveau rire et sourire j'en serais à mon tour plus qu'heureuse.
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Coucou ! J'espère que vous allez bien. Voici un tout nouveau chapitre
Je sais, je ne pouvais pas résister à créer une histoire entre le prof de Thémis et sa mère... mais entre nous, ils vont bien ensemble, non ? Quel est votre avis sur cette relation ?
Et comme vous avez pu le remarquer les choses avancent entre Thémis et Alwin, eheh ;)
Passez un très bon week-end !
Bisous bisous 🙃
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Cicatrices Lunaires
RomanceRomance ********* Etant très introvertie, Thémis, se réfugie dans sa passion pour la mythologie et ses livres. Elle ne parle qu'avec une toute petite poignée de gens : Sandra sa meilleure amie, sa mère, son professeur de Grec et Irène sa psychothéra...