Chapitre 33 : Promenade nocturne.

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Ils marchaient ensemble, main dans la main, sans parler, à travers une foule de gens inconnus qui regagnaient bien vite leur pénates avant la nuit. Le soleil commençait à peine à se coucher, éclairant la ville entière de ses rayons d'or et de lumière aux couleurs chaudes de l'automne des feuilles qui s'accrochaient désespérément aux arbres. Raquel observait la ville en silence, appréciant chaque contact visuel avec les gens qui l'entouraient malgré qu'ils soient des étrangers et de possibles menaces pour elle ou son compagnon et leur équilibre fragile. Elle se sentait à sa place dans cette ville animée comme ça n'était pas arrivée depuis bien longtemps. Se balader simplement dans les rues avec Sergio lui permettait de se situer autre part que dans son tourbillon de pensées sombres qu'elle peinait à calmer parfois. Elle sentit le pouce de Sergio caresser le dessus de sa main avec douceur comme si il sentait ses pensées s'insinuer en lui et qu'il les comprenait parfaitement, cherchant ainsi par ce geste à la rassurer du mieux qu'il pouvait malgré qu'il soit inquiet lui aussi. Il savait que chaque sortie était un danger de plus, une trace supplémentaire pouvant mener à lui ou à Raquel et sa famille, les replongeant tous dans l'enfer d'une justice espagnole hypocrite au possible. Seulement, à cet instant précis, aucun des deux ne semblaient se préoccuper autant de cela. Ils profitaient simplement de ce qui les entouraient, savourant comme au premier jour la présence de l'autre près d'eux. Les reflets orangés des rayons flamboyants du soleil se réfléchissaient sur les cheveux ondulés de Raquel, les faisant resplendir comme mille lumières, paillettes, étoiles dans ce décor moderne d'une ville surpeuplée. Les couleurs jouaient à peindre les nuages tandis que les feuilles des arbres entamaient une valse endiablées les unes avec les autres, tournant, tourbillonnant sur elles-mêmes et ensemble dans une synchronisation que nul chorégraphe, même le meilleur de tous, ne pouvait réaliser. Seule la nature parvenait par sa beauté du hasard à créer cette perfection, cette harmonie qu'eux seuls semblaient voir et apprécier, les madrilènes étant bien trop absorbés dans leur monde monochrome aux couleurs tristes, dans un quotidien si répétitif que la création n'avait plus sa place. Même l'amour semblait être devenu une routine à leurs yeux alors que toute la beauté de l'humanité résidait dans ce seul sentiment des plus impressionnants de par sa force et sa puissance. Seul à travers lui pouvait s'épanouir une vision différente des choses, du monde et de nous-même. Ce sentiment connu de tous et qui pourtant reste un mystère complet pour ceux qui ne l'ont jamais vécu tout comme pour ceux qui ont déjà croisé sa route était plein d'un mystère énigmatique. En même temps, comment, expliquer que ce soit cette personne et pas une autre ? Quand on demande à quelqu'un pourquoi il aime cette personne, il répondra toujours qu'il ne sait pas, c'est quelque chose en cette personne qui fait comme un écho en lui. S'il donne une autre réponse, alors peut-être ne sont-ils pas destinés ou ne l'ont-ils pas suffisamment cherché. Raquel et Sergio étaient le reflet de l'un, la résonance de l'autre. Ils n'avaient nullement besoin de mots pour parler, leurs gestes et leurs regards le faisaient pour eux. Et quand bien même ils ne faisaient rien, leurs âmes semblaient entrer en communion pour mieux s'unir dans le fil de leurs pensées  hasardeuses respectives. L'entrée du parc se profilait devant eux et sans qu'il n'est besoin de la prévenir, Raquel bifurqua en même temps que lui pour y entrer. Sergio sourit quand il comprit la similarité de leurs esprits. Raquel lui sourit en retour, ses yeux trouvant les siens pour un échange muet des plus romantiques. Le parc se vidait. Seuls subsistaient encore les rares marchands de glaces et de fleurs qui rangeait leurs étalages. Raquel posa sa tête sur l'épaule de Sergio, soupirant d'extase devant le magnifique paysage qui s'offrait à elle. Sergio la guida jusqu'à un banc de bois qui se trouvait en face d'un petit lac miniature dont l'eau immobile le faisait ressembler à un miroir naturel. Ils s'assirent sur le banc toujours sans parler, Raquel se blottissant contre Sergio tandis qu'ils passaient un bras autour de sa taille. Posant sa tête sur la même épaule de Sergio qu'auparavant, celle de Sergio se posa sur la sienne pendant qu'ils observaient le reflet du ciel aux couleurs de feu sur la surface inerte du petit lac miniature. Un peu plus loin, un groupe de roseaux s'agitaient dans le vent tardif et froid du soir, les faisant chanter de par leurs frottements les uns contre les autres. Quelques oiseaux piaillaient dans les arbres aux alentours, remplissant l'atmosphère du parc d'une paix tacite le temps d'un instant. La végétation de ce parc semblait s'être accordée avec le ciel pour se parer de couleurs semblables. Les nuages orangés et rosés étaient autant de feuillages célestes dansant dans le vent d'altitude tandis que le vent de terre faisaient frémir avec douceur leurs jumeaux terrestres. La communion des deux étaient si parfaite que s'arrêter pour l'admirer vous aurait coupé le souffle. Tandis que le soleil disparaissait lentement à l'horizon, remplissant l'atmosphère chaude du parc de la fraicheur nocturne de Nyx, l'horloge de l'église à proximité sonna 19h00. Toujours l'un contre l'autre, se réchauffant de par leur proximité, les deux amoureux ne se lassaient pas d'admirer les milliers de lanternes célestes qui s'allumaient les unes après les autres dans le firmament bleu nuit qui se réfléchissait sur la surface de l'eau et sur leurs yeux éblouies par la beauté de l'obscurité de la nuit naissante. Leurs souffles synchronisés ensemble étaient autant de nuages vaporeux qui montaient vers le ciel, disparaissant après plusieurs secondes de leur course folle pour gagner les étoiles. Les doigts gelés de Raquel trouvèrent les mains encore chaudes de Sergio, s'y réfugiant tandis qu'il frémissait de ce froid inattendu et pourtant si agréable de par sa propriétaire. Qui aurait cru il y a quelques mois voir même quelques jours qu'ils se retrouveraient ici, sur ce même banc où Sergio avait passé tant de nuit à réfléchir à ce qu'il devait faire, ne jamais revenir au prix de son âme qui réclamait désespérément sa jumelle pour assurer la protection de tous ou suivre son coeur et la revoir pour ne plus jamais souffrir d'être loin d'elle ? Raquel elle-même se demandait comment un tel paradis était possible. Elle savait au fond d'elle que cela ne durerait pas mais elle voulait y croire, ne pas penser au fait que Sergio était recherché par tellement de monde que la possibilité qu'il soit là près d'elle à cet instant précis tenait d'un miracle insolant balancé à la face du monde. Il avait tout risqué pour elle tout comme elle avait tout risqué pour lui. Un temps de décalage séparait leurs deux risques pris par amour mais cela ne changeait en rien leurs similitudes. Dans leurs esprits qui pensaient et réfléchissaient trop, une question tournait en boucle : Qu'allait-il se passer ensuite ? Cela dépendait de tant de variables incontrôlables que le fait d'y penser donnait des sueurs froides à Sergio. Il n'avait en vérité plus le contrôle sur la majorité des choses qui faisait varier la réponse, la majeure partie dépendant d'autrui. Malgré cela, il tentait de se convaincre que tout irait bien, sentant au fond de lui que montrer ses craintes ne servaient à rien tout comme les expliciter car elle avait les mêmes.

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