Chapitre 47 : Intemporels.

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C'était fini. Fini. Enfin. Voilà tout ce que Raquel parvenait à se dire dans le silence de la rue et la paix que son esprit venait de retrouver pour la première fois depuis des années. Cela lui faisait un bien fou de savoir que pour une fois, elle n'aurait plus à craindre qu'il revienne. Ce sentiment de sécurité, elle l'avait presque oublié durant ses années de peur sourde. Celle qui vivait dans ses entrailles depuis qu'il avait commencé à la détruire elle et sa vie. Elle se rendait compte à présent que toutes ses années, elle n'avait pas vécu. Elle avait survécu. Malgré la peur, l'angoisse de le  voir un jour revenir et commettre l'irréparable. Malgré le danger constant qu'il représentait pour elle mais aussi pour sa fille. Malgré tous ses efforts pour le maintenir à distance de sa vie. Malgré tout ce qu'elle avait essayé de mettre en place pour se protéger elle et sa famille. Elle avait survécu même si il la menaçait toujours. Et enfin, enfin ce soir, elle pouvait dire : « Oui. Je suis libre. Ma vie recommence aujourd'hui. ». Parce que ce n'était pas qu'une simple arrestation pour elle. Pour Raquel, c'était l'acte de protection ultime, celui qui montrait qu'à présent, on ne la traiterait plus de folle, de jalouse, de menteuse et de tout ce qu'on avait pu dire d'elle avant. C'était la preuve qu'Alberto était bien le monstre qu'elle avait toujours décrit. Elle se sentait si bien qu'elle avait presque envie de crier au monde entier la vérité, sa vérité, celle qu'on avait toujours dénigré. Elle aurait voulu appeler la terre entière juste pour dire c'est quelques mots : « C'est fini. Il est coupable. ». Deux phrases aux pouvoirs magiques qui lui enlevaient toute la culpabilité qu'elle avait bien malgré elle acquise au cours des ans, en venant parfois à se remettre en question elle et ses souvenirs. Combien de fois s'était elle demandé : » Et si j'avais tort ? Et si j'exagérais ? Et s'il avait raison ? Et si ils avaient raison ? Si je n'étais qu'une menteuse, une jalouse ? Et si ce que je pensais grave ne l'était pas ? Peut-être que je mérite tout ça après tout... » ? Questions sans raison d'être qui pourtant l'avait hanté durant tant d'années. Et aujourd'hui, c'était enfin terminé. L'enfer prenait fin. Pour elle mais aussi pour sa soeur qui pourrait revivre et peut-être parvenir à aimer à nouveau comme elle aujourd'hui, sa mère qui avait tout vu sans rien pouvoir faire, pour Sergio impuissant et pour Paula qui n'aurait plus jamais à craindre son père.

Raquel traversa la rue, le coeur léger. La fatigue physique et l'épuisement mental la suivaient à la trace mais malgré leurs poids sur ses frêles épaules, elle se sentait forte. Plus qu'elle ne l'avait jamais été durant toute sa vie. Un vent de liberté soufflait dans ses cheveux châtains, envoyant valser ses mèches colorées de miel et chassant toutes ses peurs restantes. Elle savait où aller. Il le lui avait dit.
C'est heureuse qu'elle pénétra dans le parc silencieux de Madrid, le même où ils étaient allés après le repas au Hanoï la dernière fois. Elle le chercha des yeux et enfin le vit. Il était là, comme promis.

- « Sergio... » souffla-t-elle d'un ton inaudible sauf pour lui.

Il se retourna lentement, lui offrant un sourire empli d'une fierté et d'un amour sans borne, plus grand encore que l'univers lui-même.

- « Raquel... » répondit-il.

Elle sourit puis courut vers lui, se jetant dans ses bras tandis qu'il la serrait si fort qu'elle crut mourir étouffée un instant. Il desserra un peu son étreinte rassurante, conscient de la force exercée sur le corps à la fois plus fort que le sien et qui lui montrait pourtant toute sa fragilité dans cet instant hors du temps. Les mots étaient autant de fantômes qui n'avaient pas encore leur place ici. Plus tard probablement mais là, ils souhaitaient juste se sentir l'un l'autre, comme seule preuve que la réalité était bien là, que ce n'était pas juste un doux rêve au creux d'un corps emmitouflé dans ses draps de coton.

Le petit lac près d'eux reflétait le Soleil, le faisant scintiller comme mille étoiles liquides que la Terre offrait à son amour le Ciel comme preuve de la pureté simpliste d'un amour qu'ils ne pourraient jamais consommer. Le couple intemporel se laissa glisser jusqu'au sol, la femme enfouissant son doux visage dans le cou de son partenaire, respirant le seul air qui pouvait la maintenir en vie contre vents et marées : le parfum de son compagnon. L'homme, lui, enserrait dans ses bras le corps de sa partenaire, refusant que même le vent puisse emporter avec lui ne serait-ce qu'une pincée d'elle. Il passait sa main dans les cheveux délicats, conscient de la magie de l'instant.

M'aimeras-tu encore ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant