Chapitre 36 : Répartie blessante.

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Couchée dans son lit, Laura réfléchissait à sa vie. Comment avait-elle fait pour tout perdre en à peine quelques mois ? Ça la dépassait. Perdue dans ses pensées, son regard divagua à travers la pièce, se posant au gré de ses découvertes sur des formes obscures semblant être du matériel médical ou autres. À sa gauche, l'appareil contrôlant son pouls bipait à intervalle régulier. Il était stable et cela la rassurait. Machinalement, son regard passa sur le lit de camp occupé par le médecin. Il avait insisté pour lui administrer une nouvelle dose de morphine hier soir malgré ses protestations. Elle n'aimait pas se sentir faible comme ça. Elle avait appris à souffrir en silence depuis le temps... Elle soupira en pensant que sa soeur aussi. Tomber dans le même piège qu'elle alors qu'elle l'avait prévenu... Quelle ironie... L'amour rend vraiment aveugle quoi qu'on en dise. Elle ne se ferait plus avoir maintenant. Son coeur avait besoin de temps... De plus, elle n'était plus seule à présent. Elle ne pouvait plus se permettre d'enfiler les coups d'un soir en espérant oublier. Elle ne pouvait plus se bourrer la gueule durant la nuit entière dans une boîte de nuit ni même fumer joint sur joint malgré les remontrances de sa soeur. De quoi se mêlait-elle d'ailleurs ? Elle fumait bien elle et c'était tout autant dévastateur. Une main posée sur son ventre, Laura repensa à cette soirée où tout avait basculé. C'était si ennuyeux... Un séminaire entre collègues classique en somme... Elle avait voulu sortir prendre l'air. Elle se sentait libre d'être loin de ses démons qui l'attendaient chez elle. Elle avait insisté pour y aller et il avait cédé... Mais elle savait qu'elle allait le payer en rentrant... Alors elle avait juste profité autant que possible. En sortant, elle avait croisé cet homme, charismatique c'était vrai, qui lui avait proposé un verre. Elle avait accepté. Ils avaient trop bu tous les deux et comme à chaque fois qu'elle était saoule, elle l'avait embrassé... Il ne l'avait pas repoussé, probablement trop dans les vapes pour se rendre compte de ce qu'il faisait. Il l'avait ramené chez lui et bien entendu, ils avaient couché ensemble sans se protéger. Elle se rappelait de son visage mais c'était tout. Brun, yeux bleus, teint halé, mâchoire marqué et on ne va pas se mentir, sacrément beau gosse. Elle se souvenait qu'il avait l'air assez musclé d'ailleurs. Un sourire étira ses lèvres en y repensant. Non il n'y avait pas à dire, elle avait beau y réfléchir sous tous les angles, il lui était définitivement impossible de regretter. Elle s'était sentie aimée ce soir-là. Et ça ne lui était pas arrivée de puis si longtemps de paraître désirable aux yeux de quelqu'un, même bourrée comme pas possible. Oh bien sûr le lendemain ils s'étaient séparés sans rien dire et leurs gueules de bois étaient mémorables, on aurait dit qu'un bus lui avait roulé dessus mais elle ne regrettait pas. En vérité, plus elle y pensait, plus elle se disait qu'il avait été envoyé pour la sortir de là. Si ils n'avaient pas couché ensemble, elle ne serait pas tombée enceinte de lui, elle n'aurait pas eu le courage d'appeler sa soeur et encore moins de songer à fuir ou à porter plainte... Elle n'aurait jamais senti ce que c'était que d'être aimée réellement par un homme. C'était sûrement ça que sa soeur ressentait avec ce Sergio Marquina. Alberto le tenait en horreur et comme responsable de tous ses maux d'ailleurs. En y repensant, c'était parfaitement ridicule mais sur le coup, elle y avait cru. En même temps, quand on répète cette même chose tous les jours et que vous ne pouvez pas sortir sans lui, votre esprit critique devient vite un fantôme de votre passé... Pourtant à présent, quand elle les regardait l'un et l'autre ensemble, elle n'avait aucun doute sur leur amour inconditionnel qu'ils ressentaient chacun pour l'être aimé. Elle comprenait que sa soeur pourtant si froide et rigide parfois, ait accepté de tout perdre pour lui. Si un tel amour lui était tombé dessus sans prévenir, elle aurait sûrement fait pareil... Enfin... Si elle n'avait pas été avec Alberto bien entendu... Sinon il l'aurait tué lui et elle c'était sûr... Il ne supportait déjà pas que Raquel soit parvenu à s'en sortir sans lui et à lui échapper, à retomber amoureuse d'un homme qui la croyait et qui était prêt à tout pour elle... Alors perdre la petite soeur qu'il considérait comme la plus faible des deux.... C'était tout simplement inenvisageable pour lui et son égo surdimensionné... Elle soupira et tenta de se redresser. La douleur de sa côte cassée lui revint d'un coup, la faisant grimacer. Elle gémit de douleur en tentant de se taire pour ne pas réveiller le médecin. Cependant, soit il avait le sommeil vraiment très léger, soit il était déjà réveillé depuis des lustres à attendre dos à elle qu'elle manifeste son éveil, car il se retourna et se leva aussitôt.

M'aimeras-tu encore ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant