Chapitre Quarante-huit - Discrètement

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Riel avait guidé les trois Protecteurs en slalomant dans la foule. La vue sur les étendues des Terres de Shoara en contre-bas avait fini par disparaître derrière des maisons empilées et les amas rocheux. Ils finirent par rejoindre un pont, dont les lattes de bois étaient soutenues par une structure en métal. Le pont traversait le vide pour donner accès à une autre petite montagne, moins imposante. Celle-ci s'élevait moins haut, et seulement quelques maisons claires abîmées peuplaient ses façades rocheuses. Jahia, Peyam et Zuri traversèrent le pont à la suite de Riel, non sans inquiétude. Sans un mot, il monta ensuite quatre à quatre une volée d'escaliers taillés dans la pierre et à moitié effrités. Les voyageurs passèrent devant six maisonnettes, pour certaines incrustées dans la montagne, avant d'atteindre ce qui était vraisemblablement le sommet. Les trois Protecteurs avancèrent dans un petit jardin sans prétention, entouré d'un muret de briques calcaires bancales qui bordaient la falaise. Deux arbres fruitiers offraient un peu d'ombre et d'anciens parterres de fleurs avaient laissé place à une pelouse d'herbes folles. Un banc sculpté dans un tronc d'arbre mort tournait le dos à la maison modeste à laquelle appartenait le coin de verdure, et faisait face à une vue imprenable sur Ibo et les Terres Arides. A l'est, entre deux montagnes, on pouvait apercevoir la Maïsha et ses abords verdoyants.

- C'est magnifique, commenta Jahia sans pouvoir détacher ses yeux du paysage.

Elle prit un moment pour apprécier la vue et la brise douce qui caressait leurs visages, leur faisant presqu'oublier la chaleur écrasante. Tandis que ses compagnons continuaient d'admirer le panorama, Jahia tourna la tête vers leur guide. Riel était resté en retrait, mais son regard aussi était perdu vers l'immensité des terres de Shoara. Quoique... non. Jahia fronça les sourcils. Il ne regardait pas le paysage ; il avait les yeux fixés sur le petit banc de bois, le visage défait. Contrastant avec ce dédain qu'il s'était efforcé de maintenir depuis le début, ses yeux exprimaient désormais une profonde tristesse. Il se ressaisit en croisant le regard de Jahia.

- Quand vous aurez fini d'admirer la vue, la porte d'entrée est juste là.

Il tourna les talons et s'engouffra dans la maisonnette. Peyam et Zuri ne prêtèrent qu'à moitié attention à ses paroles. Jahia en revanche, était intriguée par ce personnage. Et elle avait cruellement besoin de repos. Elle suivi le jeune homme à l'intérieur. Dès qu'elle eût posé un pied sur les dalles du sol, une fraîcheur inattendue l'envahit. La petite demeure était si bien isolée que le contraste de température de l'extérieur la fit frissonner. Riel regarda par-dessus son épaule en entendant les pas de la jeune émissaire derrière lui.

- Vous devez être assoiffés. Sers-toi dans la cuisine, dit-il en accompagnant ses paroles d'un geste vague.

Jahia hésita, un peu perdue dans cet environnement nouveau. Elle suivi du regard le geste de Riel. La pièce principale de la maison se partageait entre une cuisine aménagée comme Jahia n'en avait jamais vu avant, et un coin confortable terriblement attrayant, où s'empilaient des coussins multicolores et un divan moelleux.

- Vraiment, fais comme chez toi, insista Riel d'une voix lasse.

- C'est ici que tu vis ? Lança Jahia dans une tentative de le retenir.

Riel se tenait dans la cage d'un petit escalier de bois qui menait vraisemblablement vers un étage. Il soupira en redescendant la première marche.

- On peut dire ça.

- Ça paraît grand pour... une seule personne.

- On est chez Undiman.

- Oh.

Jahia fronça un sourcil, tentant de percer les mystères qui se cachaient derrière cette figure boudeuse et ses yeux vides comme un ciel sans nuage.

Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant