Chapitre Vingt-sept - Sourires

9 3 9
                                    

17 ans plus tôt


Elle était blottie dans la chaleur familière des bras de Mama. Elle pouvait entendre Babu raconter des histoires au coin du feu, au milieu du campement, comme il le faisait souvent à la nuit tombée. Jahia faisait semblant de dormir pour pouvoir écouter. C'était des histoires de savants, de guerriers, de dieux, de mythes et de magie. Jahia adorait ces histoires. Elle se décida finalement à quitter l'étreinte sûre de Mama et entreprit de traverser le campement. Aventureux, ses pieds la guidaient d'eux-mêmes vers les étendues plates des Terres Arides. Le soleil brillait haut dans le ciel, coulant ses rayons brûlants sur sa peau. Au loin, elle aperçut une girafe et son petit. Emerveillée, Elle tourna la tête vers le campement, et voulut crier à Mama de venir voir. Mais autour d'elle n'étaient plus que des terres mortes. Où étaient-ils tous passés ? Une inquiétude oppressante saisit son petit corps et tambourina dans sa poitrine. L'enfant sentit soudain un souffle chaud contre sa nuque. Proche. Trop proche. Figée par la peur, Jahia pria pour que ça ne soit pas elle. Le souffle se fit rauque et vibra plus fort ; la petite fille prit ses jambes à son cou. Elle courut aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient. Elle foula la terre dure qui se mourrait en s'interdisant de regarder en arrière. Le souffle menaçant se rapprochait et Jahia ne put retenir un regard en arrière. Des yeux félins, jaunes luisants, desquels perçaient une faim vorace et malsaine, la dévisageaient avec intensité. Jahia hurla. Ses jambes ne la portait plus, son corps était engourdi, mou comme une fleur de coton. Elle hurla encore et encore sans pouvoir décrocher ses yeux du regard mordoré.

- Jahia ! C'est un cauchemar.

Tremblante, la petite fille ouvrit les yeux sur le visage rassurant de Cheyma. Le cœur encore battant, elle se blottit dans les bras de la grand-mère. Celle-ci la berça en chantonnant. Les cauchemars étaient récurrents. Comme une fatalité, Jahia tentait de s'y habituer. Mais ils étaient toujours aussi saisissants. Elle parvenait néanmoins à s'en remettre plus facilement au réveil. Elle se départit de la douce étreinte pour tendre la main vers la statuette qui ne la quittait jamais. Elle sera la girafe en bois dans son poing tandis que Cheyma lui proposait un petit déjeuner. Migrant vers la pièce centrale de la tente, la petite fille et la grand-mère retrouvèrent Abayo, attablé devant une prolifération de fruits et de pâtisseries traditionnelles. Jahia sourit. Abayo avait disparu ces derniers jours. Cheyma disait qu'il effectuait son devoir, et qu'il devait voyager pour rencontrer d'autres nomades. Jahia ne comprenait pas bien ce qu'il faisait ni où il disparaissait pendant des jours, mais elle était contente qu'il soit de retour. Abayo lui rendit son sourire et poussa vers la petite fille une assiette surmontées d'une montagne de petits beignets. Les acras sucrés fourrés à la confiture de fruits de Cheyma étaient devenus la sucrerie préférée de l'enfant. Il échangea ensuite un regard plein de gratitude avec la grand-mère. Celle-ci hocha la tête d'un air entendu.

- Elle sourit de plus en plus franchement, dit-elle en ébouriffant les cheveux en bataille de Jahia.

Abayo sorti de sous la table un sachet en papier d'eucalyptus. Jahia était trop occupée à déguster les sucreries pour le remarquer, alors il soupesa le petit sac plusieurs fois. Le bruit lourd attira l'attention de l'enfant.

- Ça, dit l'homme avec une expression malicieuse, ça vaut bien un très grand sourire.

Il tendit le sachet ouvert à Jahia et elle y plongea sa petite main en entier. Elle en ressortit une paume débordante de petite perles jaunes translucides. Elle en prit une entre deux doigts et la leva face à la lumière qui perçait des puits de la tente.

- Ça se mange, Jahia, indiqua Cheyma.

Elle prit une perle à son tour et le glissa dans sa bouche. Jahia se décida alors à l'imiter. Une explosion de fraîcheur envahit soudain son palais, répandant une saveur à la fois sucrée et acidulée. Jahia écarquilla les yeux, sous les regards impatients des deux adultes. Elle laissa fondre la perle de saveurs sur sa langue pendant une longue minute, imperturbable. Elle leva ensuite les yeux vers Abayo et lui offrit son plus beau sourire.

Les deux Ewes se mirent à rire et Abayo piocha à son tour dans les gâteaux et les bonbons.

- Eh, un à la fois ! Qui t'as élevé comme un bandits des sables ? Rouspéta Cheyma sans pouvoir s'empêcher de rire.

La petite famille nouvellement formée dégusta le déjeuner dans la bonne humeur.

- Bien. Jahia, j'ai du travail pour toi aujourd'hui.

La petite leva des yeux aguerris.

- Tu te souviens d'Ambe ?

La femme de feu. Elle se souvenait.

- Tu vas passer un peu de temps avec elle aujourd'hui. Elle a des choses à t'apprendre. D'accord ?

Jahia hocha faiblement la tête, mitigée. La femme de feu l'impressionnait. Elle avait envie de la revoir, mais... de loin. Elle lui faisait un peu peur, et elle aurait préféré l'observer plutôt qu'interagir avec elle. Mais l'intonation d'Abayo ne laissait pas vraiment de place au refus, et Jahia se souvint que la femme de feu devait faire d'elle une « faida ». C'était la condition à son séjour chez les Ewes, alors elle obtempèrera.


***************************************

Salut, toi ! Merci de m'avoir lue ! J'espère que ce chapitre t'a plu. Que cela soit le cas ou pas, n'hésite surtout pas à laisser un petit commentaire pour me dire ce que tu en as pensé ! ça m'aidera à m'améliorer :D

Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant