Chapitre Trente-Six - Orage

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Dix-sept ans plus tôt.


Abayo réveilla Jahia deux heures après qu'elle se soit assoupie.

- Viens, Jahia. La tribu se rassemble pour prier Majii.

Jahia frotta ses yeux encore ensommeillés. Abayo la prit dans ses bras et suivit Cheyma en dehors de la tente. Dehors, le soleil se couchait lentement dans des teintes rouges sombres. Une foule était déjà amassée au centre du village. En son centre, Jahia pouvait entendre la voix chevrotante du chamane couvrir les percussions faibles et les psalmodies rauques. Elle leva les yeux vers le ciel. Des nuages menaçants survolaient le campement en grondant. Jahia comprit la décharge d'espoir qui agitait la tribu. Mais le ciel s'était déjà assombrit ces dernières semaines sans accorder une seule goutte d'eau aux hommes ici-bas. Jamahni demandait pour la énième fois à Majii de faire tomber la vie.

- Relâche ta colère, déleste-toi de tes peines ! Fais tomber la pluie sur nos terres fanées ! Inonde notre cœur de joie, remplie les ruisseaux taris, arrose la végétation de ton être !

S'ensuivit une heure de chant, de danse et de musique. La tribu pria à cœur ouvert, dégageant un espoir irrationnel. Cheyma et Abayo se prêtaient au jeu. Paupières closes et têtes baissées en signe de respect, leurs lèvres bougeaient silencieusement, prononçant des mots de supplication pour le dieu susceptible. Jahia observait ses rites avec attention comme à son habitude. Cette foi sans frontière lui rappela sa tribu d'origine et un frisson lui parcouru l'échine un même temps qu'un autre grondement du ciel.

La tribu finit par se disperser après de longs moments de prières. A l'entrée de leur tente, Jahia s'assit en tailleur, sa girafe à la main. Elle observa le ciel changer d'humeur et de couleur, jusqu'à sombrer dans une marée sombre ponctuée de nuages gris qui phosphoraient sous les lumières claires de Nyame. Une odeur lourde et humide embaumait l'air, ce soir. Une odeur d'orage cuisant que Jahia adorait. Il n'y avait aucune garantie pour que la pluie tombe, alors elle retint ses espoirs au fond d'elle. Elle les tu et apprécia simplement les températures descendantes du soir, le glissement des nuages dans le ciel et ce parfum de colère sur le point d'éclater.

Une première goutte s'écrasa dans ses cheveux. Froide. Elle fut suivit d'une seconde, qui créa une tâche sombre, là, entre ses pieds, éclairée par la faible lanterne à ses côtés. Puis une averse d'une force inégalée s'abattit sur les Terres de Shoara. Abayo et Cheyma sortirent immédiatement de la tente, alertés par le raffut épouvantable de la pluie contre les toiles tendues.

- Par Majii, de la pluie ! S'exclama Cheyma en levant la tête au ciel.

Jahia sourit et rejoint la grand-mère sous la douche froide, rapidement rejointe par Abayo, et le reste de la tribu. Il plut tant que la terre poussiéreuse devint boue, que les tentes s'ébranlèrent sous le poids des trombes d'eau, que Jahia put boire à même le ciel en ouvrant simplement les lèvres, et qu'elle finit par grelotter de froid avec joie.

Abayo et Cheyma durent la forcer à s'abriter dans la tente, et Cheyma prépara un chocolat chaud parfumé à la cannelle, tandis qu'Abayo la frottait avec une serviette absorbante.

- J'aime l'orage ! S'écria Jahia, que la bonne humeur avait définitivement gagnée.

- Moi aussi, rit Abayo, moi aussi.


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Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant