Chapitre Trente-deux - Wëya

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- Non, pas celui-là.

Le dresseur attrapa les rênes d'un énième cheval.

- Non plus.

- Jahia, il va falloir te décider. Jemal t'a présenté toutes ses meilleurs montures.

Jahia savait qu'elle se montrait difficile et probablement pénible ; même la patience d'Abayo commençait à s'effilocher. Mais elle avait peu dormi, les mots d'Esraa l'avait tourmentée pendant des heures, et elle s'était réveillée ce matin avec une mauvaise humeur coriace. Elle soupira face à la rangée d'animaux hennissant. Les chevaux étaient trapus, de taille moyenne mais robustes ; ils arboraient des robes tantôt noires, alezans ou grises. Jahia planta son regard dans les yeux des bêtes, enfoncés au-dessus de leurs longs museaux. Mais aucun n'éveilla son intérêt.

- Les Barbes sont dociles et endurants. Ce sont les compagnons parfaits pour de longs voyages, expliqua Jemal avec un sourire très commercial.

Jahia pensa que Malàk était le compagnon parfait pour les longs voyages. Son pas tranquille mais assuré, et ses blatèrement de satisfaction quand elle lui caressait les oreilles allaient lui manquer terriblement.

- Celui-ci m'a l'air plus qu'approprié. Il est courageux, il n'a pas reculé en nous voyant arriver.

Abayo caressait la robe noire satinée d'un barbe un peu plus grand que les autres.

- Excellent choix, Emissaire. C'est l'un des meilleurs, il est robuste et n'a jamais montré de résistance à l'obéissance. Parfait pour une cavalière débutante.

- Ce n'est pas mon choix, et je ne suis pas une débutante, siffla Jahia avec un regard féroce.

Jemal se rétracta et attendit silencieusement qu'Abayo gère son poulain sauvage.

- Jahia... je sais que tu voudrais garder Malàk, mais on a déjà eu cette conversation. Il vieillit, et un dromadaire n'est pas adapté à ton nouveau rang.

Jahia se renfrogna.

- Je sais.

- Alors ?

De puissants hennissements et les cris surpris d'un homme attirèrent l'attention de la jeune fille. Elle quitta l'écurie à demie-ouverte pour jeter un œil à ce qui causait tout ce tourment. Bakary, l'acolyte de Jemal, se débattait avec un grand cheval couleur sable. Jahia prêta main forte à l'homme débordé, et tira sur l'autre rêne en tentant de caresser le museau de l'animal pour le maîtriser. Le cheval fougueux fini par se calmer et se tint immobile, les naseaux frémissants.

- Bakary, dis m'en plus sur celui-là.

- Oh, euh... c'est une Djerma, elle est issue du croisement entre un Barbe et un Dongola. Elle est rapide et intelligente, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a le sang chaud.

Jahia sourit.

- C'est celle-là que je veux.

Bakary ouvrit la bouche pour protester, mais Jemal l'interrompit avec son sourire faussement amical.

- Euh... cette jument nous donne du fil à retordre, je la déconseille. Pourquoi ne pas retourner à l'écurie et...

- C'est elle que je veux, répéta Jahia, la main caressant le doux museau de l'animal.

Abayo lui adressa un regard réprobateur, mais il savait reconnaître quand Jahia était décidée.

- Wëya. Je te baptise Wëya, dit la jeune fille en tournant autour de la jument encore essoufflée de sa lutte.

Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant