Chapitre Dix-Sept - De savoir et de poussière

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Abayo avait insisté pour obtenir une semaine de repos. Il avait prétexté que les blessures de Jahia nécessitaient plus de soins, et qu'il avait de derniers enseignements à lui procurer en termes de diplomatie. Jahia lui en était reconnaissante. Elle avait besoin de temps pour se préparer à cette épreuve. Des milliers de questions et d'émotions contradictoires se bousculaient dans sa tête, et elle décida de les ignorer. Pour détourner son attention de ce dilemme grandissant, la jeune fille passait la majorité de son temps avec les Protecteurs. Entre entraînement, chasse, enseignement aux plus jeunes et patrouilles, elle n'avait plus une seconde pour elle. Plus une seconde pour penser. Exactement ce qu'il lui fallait. Ce soir-là, elle rentrait à la tente familiale après une lourde journée. Elle se rendit d'abord au grand puit, creusé il y a des décennies par les premiers nomades à tracer cette route de voyage. Elle apprécia l'humide caresse de l'eau fraîche originaire des profondeurs du désert. Les gouttelettes qui glissaient et pendaient au bout de ses cils, de son nez et de son menton, furent chassées par le vent qui se levait sur les terres ensablées. Jahia profita d'un moment de calme et de solitude avant de rejoindre sa famille. Elle poussa le pan de la tente.

- Je suis rentrée, dit-elle d'une voix fatiguée.

Elle fut surprise de trouver Esraa devant elle, assis en tailleur sur un coussin, aux côtés d'Abayo. Celui-ci se leva et rejoint la jeune fille, posant une main sur son épaule.

- Ce jeune homme a insisté pour te parler.

Il indiqua qu'il visitait Cheyma, et Jahia hocha la tête à contrecœur, alors qu'Abayo la laissait face à ses obligations sentimentales.

- Esraa ! Qu'est-ce qui t'amènes ? Dit-elle en forçant un sourire joviale sur son visage.

Elle s'affaira à préparer un thé à la menthe, en profitant pour lui tourner le dos. Le jeune homme resta silencieux jusqu'à ce qu'elle vienne s'attabler avec lui. Elle servit deux tasses en déjouant soigneusement son regard.

- Pourquoi m'évites-tu ?

Jahia tâcha de cacher son embarras.

- Je ne t'évites pas.

C'était la pure vérité. Elle avait été tant occupé à se jeter dans ses missions de Protectrice et à combattre ses doutes et ses craintes sur sa prochaine mission, qu'elle n'avait simplement eu aucune pensée pour Esraa.

- J'ai appris que tu as été blessée pendant la mission dans le désert. Et que vous avez subi une perte... J'ai pensé que tu voudrais d'abord un peu de temps pour te reposer et te retrouver après de tels évènements.

Mince, pensa Jahia. Il me connaît vraiment bien.

- Mais les jours sont passés et tu n'as donné aucun signe de vie.

- Je suis désolée, souffla la jeune fille. J'ai juste été très occupée et... tu sais. Comment vas-tu ?

Le jeune garçon l'observait d'un regard duquel suintait l'incompréhension. Sa réponse sonna comme un renoncement.

- Ça va. Tu m'as manqué, et je me suis inquiété.

Son regard l'accusa encore quelques secondes.

- Mais tout va mieux maintenant.

Les deux amants cuisinèrent ensemble un tajine de légumes onctueux. Ils dégustèrent en se racontant des anecdotes, mais Jahia n'avait pas la tête à rires aux infortunes d'Esraa avec ses animaux ou ses clients. Et il le sentit. Quand ils se couchèrent, Esraa se moula contre Jahia, l'enlaçant tendrement. Du bout du doigt, il suivit la cicatrice qui zébra le bras de la jeune fille, encore sensible.

Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant