Chapitre Vingt et un - Une nuit rousse

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Zuri, Peyam et Jahia se sentaient d'humeur fêtarde. Enthousiastes à l'idée de rassembler ses personnes favorites de la tribu, Peyam avait proposé de partager le dîner avant le départ de Jahia. A neuf invités, la tente de Sema, la sœur aînée de Peyam, était trop étroite. Qu'à cela ne tienne, les jeunes Protecteurs avaient installé les coussins et tables basses dehors. A la lumière des lanternes colorées, les rires des trois familles réunies résonnaient dans le campement. Zuri était venue avec ses deux parents et son frère cadet, Tembo, un garçon téméraire de 14 ans. Jahia était accompagnée d'Abayo et Cheyma ; qui aurait été vexée si sa petite fille ne lui avait pas consacré sa dernière soirée. Sema, la sœur aînée de Peyam était une cuisinière talentueuse. Elle avait préparé le plat préféré du jeune homme, un dambou de semoule fine, de poulet et d'épinards fumant. Jahia surprit son ami à échanger des épinards contre du poulet avec son neveu de 5 ans, Solim. Elle en rit sans discrétion, les plaisirs de la soirée lui montant à la tête. Messan, le beau-frère de Peyam, avait concocté son propre kuchoma, un alcool typique des tribus des Terres de Shoara, parfumé aux eaux de cactus et d'aloe verra. La brûlure sucrée du kuchoma était traître, et Jahia s'était permise d'en abuser un peu, pour une fois. Un vent du soir venait rafraîchir l'atmosphère, et la joyeuse assemblée aurait presque eut froid sans les effluves chaleureux procurées par leur boisson.

- Et là, elle a fait glisser les armes hors de portée. Ça s'est vu sur le visage d'Ambe, elle ne s'y attendait pas ! conta Peyam sous les yeux ébahit du petit Solim.

- Dommage que Kofi n'ait pas été là pour voir ça, regretta Zuri.

- Il aurait trouvé un autre moyen de me railler, il est toujours plein de ressources pour cette tâche. Et puis, j'ai perdu le combat, répondit Jahia en haussant les épaules.

Ça lui était bien égal.

Solim râla quand ses parents voulurent le coucher, mais tomba sûrement comme une souche, car on ne l'entendit plus du reste de la soirée. Les plus anciens racontèrent de vieilles histoires, et un silence inhabituel survola le petit groupe lorsque Cheyma prit la parole pour raconter ses souvenirs. La famille de Zuri finit par se retirer, et Abayo en profita pour raccompagner sa mère à sa tente. Peyam attrapa une lanterne à la volée et une gourde de kuchoma rescapée, et fit signe aux jeunes filles de le suivre. Ils marchèrent quelques temps pour s'éloigner du campement.

- Où tu nous emmènes ? S'enquit Zuri, qui ne supportait pas les imprévus.

Peyam plaça son doigt sur ses lèvres avec un clin d'œil. Jahia profita simplement de ce moment précieux avec ses deux amis. Leur compagnie, les rires, les histoires, et le goût sucré de l'alcool, gonflait son cœur de joie. Elle affectionnait chaque élément de cette soirée, aussi minuscule soit-il. Le vent frais, le silence relatif du campement, les blagues de Peyam et les sourires plus grands de Zuri. La lanternes aux parois de verres multicolores projetaient des ombres pastelles sur leur chemin, comme pour égayer la nuit encore un peu plus. Peyam les conduisit en dehors du campement. Après quelques minutes de marche, alors que les lumières des torches du campement faiblissaient et se perdaient dans l'étendue sombre du désert nocturne, le jeune homme s'arrêta, posa la lanterne à distance, et s'allongea dans le sable. Jahia l'imita sans trop réfléchir, amusée. Zuri les regarda, perplexe.

- Allez ! Insista Jahia.

Zuri se plia finalement et s'allongea à leurs côtés. Les corps enfoncés dans le sable comme dans un matelas mouvant et les yeux tournés vers le ciel, les trois amis restèrent silencieux quelques instants.

- C'est magnifique, finit par dire Zuri dans un souffle.

Jahia trouva que seul le silence décrivait honorablement la vue qui s'offrait à eux. Le ciel d'un noir profond était parsemé d'étoiles qui brillaient de mille feux. Et surtout, Nyame, ronde et pleine, était teintée d'un roux presque rosé, comme rougissant d'autant d'attention. C'était la première fois que Jahia la voyait ainsi.

Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant