Chapitre Cinquante - La Mort Rouge

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Ils s'arrêtèrent devant un atelier comme les autres. 


Un homme bedonnant coulait prudemment du métal fondu dans une machine vrombissante. Des dizaines de billes rougeâtres en découlaient et roulaient dans un entonnoir. En voyant le jeune homme se présenter, l'homme interrompit sa tâche immédiatement.

- Riel, mon garçon !

De ses mains gantées et pleines de suie, il l'ébouriffa vigoureusement. Riel se libéra en grognant.

- Tu m'amènes de la clientèle ? S'enquit le dénommé Zié.

- Exactement. Des Ewes à servir en toute discrétion.

- Vous frappez à la bonne porte, rassura le forgeron avec un clin d'œil aux deux jeunes filles. Qu'est-ce qu'il vous faut d' beau ?

- De mortel, plutôt, corrigea Riel à voix basse.

Jahia tendit au forgeron la liste qu'elle portait avec elle. Il était inutile qu'elle essaie de les lui lire, elle risquait d'écorcher ces noms qui lui étaient inconnus il y a encore quelques jours. L'homme prit la feuille de papier et la parcouru des yeux.

- Eh ben, vous plaisantez pas.

- Vous pouvez nous faire ça ?

- Bien sûr que je le peux. Moyennant paiement, évidemment. Voyons...

C'était le moment pour les compétences de négociation de Jahia de rentrer en jeu. Elle s'était suffisamment renseignée sur les matériaux et les compétences nécessaires à la fabrication des armes auprès d'Ambe pour estimer leur valeur. Elle prit sa voix la plus assurée et affirma :

- 1200 chuma.

Zié fit mine de s'étrangler.

- Pardon ? Ça en vaut bien l'double !

- Cela couvre vos frais et vous offre une marge raisonnable.

- J'ai une boutique à faire tourner, moi, ma mignonne. 2200 chuma... parce que vous êtes des amis.

- Nous ne sommes pas amis, je peux tout à fait chercher un meilleur prix chez votre voisin, répliqua Jahia avec un coup d'œil à l'atelier mitoyen. Vous ne voyez pas ce genre de commande tous les jours, n'est-ce pas ?

L'homme grogna, faisant tressauter sa moustache grisonnante.

- 2000 chuma. C'est mon dernier mot.

Jahia s'accouda la table d'atelier, plongeant son regard dans celui du vieil homme.

- 1500.

Elle pouvait sentir le regard de Riel qui suivait les négociations de près. Zié ne broncha pas. Il resta silencieux, comme pour rappeler qu'il ne changera pas d'avis.

- Très bien, dit Jahia en levant les mains en signe de reddition.

Elle fit quelques pas en arrière, se dirigeant vers un autre forgeron. Comme elle l'avait anticipé, Zié l'interpella après quelques secondes.

- 1800 chuma, et c'est vraiment une belle réduction !

Il ne pouvait pas voir le sourire de Jahia, qui lui tournait le dos. Elle revint sur ses pas et détacha la bourse fermement accrochée à sa ceinture. Elle la lança sur la table de travail du forgeron, et la bourse s'écrasa dans un lourd fracas métallique.

- Marché conclu.

Zié afficha un sourire hésitant. Elle avait accepté trop vite. Il prit la bourse pour vérifier le montant et rendre la monnaie nécessaire.

Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant