Chapitre Sept - Pas d'oasis en vue

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Les trois Protecteurs avaient rapidement pris la route, chacun à dos de leur dromadaire. Jahia s'était équipée de ses armes fétiches : trois couteaux de jet aux manches taillés dans l'os pendaient à sa taille, cliquetant contre une faucille élancée et brillante. Elle l'avait soigneusement affûtée avant de partir. Peyam portait un sabre et un petit bouclier rond, comme à son habitude ; et sa monture croulait sous les sacs et les boîtes contenant de multiples poudres, ficelles, dynamites et autres pièges de son invention. Zuri elle, ne se départait jamais de son arc de chasseresse. Il était gigantesque, fait dans un bois souple et robuste à la fois, décoré de multiples signes gravés, faisant appel à la justesse de Teme. Elle possédait aussi quelques fioles aux propriétés diverses : paralysantes, empoisonnées, ou encore somnolente ; où plonger les pointes de ses fléchettes. Dans son dos, une lance mi-longue côtoyait l'arc et les flèches. Pourtant bien que plus jeune que la plupart de ses camarades Protecteurs, Zuri était une archère hors-pair, d'une précision et d'une vivacité inégalée.

Jahia leva la main pour protéger ses yeux, alors qu'une bourrasque chaud souleva le sable. Elle et ses camarades étaient protégés par de grandes sur-robes claires qui les protégeaient presque entièrement, des rayons du soleil comme des grains de sable parfois menaçants ; mais une fente devait subsister pour leur permettre de voir. Cela avait aussi le mérite de cacher leurs armures, qui auraient pu éveiller les soupçons s'ils avaient été amenés à croiser d'autres tribus. Les plus pacifiques, comme les Minas et les Yorubas, auraient vu des Ewes armés les approcher d'un très mauvais œil.

- Nous approchons de l'emplacement de leur halte la plus proche, affirma Zuri en s'efforçant de couvrir le bruit des robes claquées par le vent.

- Bien. Nous nous y arrêterons pour chercher des indices. À quoi devons-nous nous attendre ? Demanda Jahia.

Zuri déplia la carte entre les oreilles de son dromadaire.

- C'est l'oasis. Il n'est pas très grand, moins d'un quart de l'oasis KatiKati.

- Peut-être nous les trouverons là, vivants et en bonne santé, et notre petite excursion aura tourné court, dit Peyam, toujours dubitatif.

- Je l'espère... Mais j'en doute, répondit Jahia, troublée.

Peyam haussa les épaules.

- Comment s'est passé ta mission avec Abayo, Madame L'Émissaire ?

Jahia sourit, rêveuse.

- Pas encore...

- Cela ne saurait tarder.

- Abayo a dit que je devrais conduire ma première mission seule bientôt.

- C'est une excellente nouvelle ! S'exclama Peyam, gratifiant Jahia d'une tape amicale, alors qu'elle chevauchait à ses côtés. Tu feras partie des histoires qu'on raconte aux petits... « Jahia sans-nom, venue de rien, devient Jahia O'Nyambe, Émissaire de haut-rangs des Ewes ! »

Jahia grimaça à la mention du surnom qui lui était donné. C'était un signe d'irrespect, et même si Peyam ne le concevait pas ainsi, elle n'aimait pas l'entendre de sa bouche.

- Tu ne nous as jamais parlé... d'avant, poursuivit Peyam, reprenant un ton plus sérieux inhabituel. Ni du pourquoi.

Jahia soupira et détourna le regard. Cette conversation prenait une tournure qui ne lui plaisait pas.

- Tu sais que tu peux nous...

- Nous approchons, interrompit Zuri.

Son regard croisa celui, reconnaissant, de Jahia. Les deux jeunes femmes n'avaient pas toujours besoin de mots pour se comprendre.

- Je ne vois rien, remarqua Peyam, la main en visière.

À l'horizon, la mer de sable s'étendait à perte de vue, ondulant au gré des dunes.

- Pas d'oasis en vue, marmonna Jahia. Tu es sûre que nous y sommes, Zuri ?

La jeune Ewe hocha la tête.

- Il nous reste une demie-lieu à parcourir, mais nous devrions déjà pouvoir distinguer l'oasis, ou le campement.

Les trois compagnons avancèrent en silence, l'inquiétude grandissant doucement. Il y avait-il une erreur sur la carte ? Les jeunes ont-ils été envoyés en plein désert sans ressources ? S'étaient-ils perdus, à la recherche d'une oasis qui n'existait pas ? Jahia affuta son regard et examina le désert qui les entourait. Il était extrêmement rare que le cartographe se trompe dans ses ouvrages, ou se procurent des cartes qui n'étaient pas fiables. Il y avait quelque chose qui clochait.

- Halte.

Jahia tira un peu trop brutalement sur les rennes de Malàk, qui s'arrêta avec un râle de mécontentement. Concentrée, elle le caressa brièvement entre les oreilles pour se faire pardonner. Peyam et Zuri ralentirent leurs dromadaires à leur tour en accusant un temps de retard. Jahia avait déjà mis pied au sol, accroupie, elle fixait le sable avec intensité.

- Qu'il y a-t-il ? Demanda Zuri, dont la voix, bien que faible, ne laissait paraître aucune inquiétude.

Jahia commença à creuser le sable de ses deux mains, sous les regards interloqués de ses deux camarades.

- Tu comptes déterrer le désert ? S'enquit Peyam avec ironie, et une pointe d'incertitude.

Jahia n'eut pas à poursuivre sa tâche manuelle longtemps, ses doigts rencontrèrent rapidement une sous-couche plus dure. Repoussant les derniers grains de sables, Jahia pinça les lèvres en réalisant ce que sa découverte impliquait.

- Là, vous voyez ? Dit-elle en s'adressant aux deux Protecteurs. Sous le sable, de la terre sèche.

Zuri et Peyam froncèrent les sourcils, ne suivant pas tout à fait le raisonnement.

- Nous ne nous sommes pas trompés de chemin, et la carte ne comporte pas d'erreur. Nous foulons présentement la terre de l'oasis ; auparavant au fond d'un point d'eau... Et maintenant recouverte de sable.

Ébahit, Zuri tourna sur elle-même, détaillant son environnement.

- L'oasis s'est asséchée ? S'exclama Peyam. Comment est-ce seulement possible ?

- La Grande Sècheresse progresse, murmura Zuri. Majii nous abandonne.



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Salut, toi ! Merci de m'avoir lue ! J'espère que ce chapitre t'a plu. Que cela soit le cas ou pas, n'hésite surtout pas à laisser un petit commentaire pour me dire ce que tu en as pensé ! ça m'aidera à m'améliorer :D

Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant