Jahia fut surprise. Elle s'attendait à un homme bien plus âgé, croulants sous les années de souveraineté. Elle avait le vague souvenir d'un visage ridé et d'yeux fatigués. Mais l'homme qui se tenait devant elle avait peut-être une trentaine d'années tout au plus. Il était bien plus jeune qu'Abayo. Ses cheveux crépus d'un noir de jais étaient coupés ras, à l'image de sa barbe rasée, et sa tête semblait bien nue sans couronne. Il avait une posture fière, bien qu'il ne fût guère plus grand que Jahia. Il la dévisagea un instant puis esquissa un geste poli vers le divan.
- Je vous en prie. Que nous veulent les Ewes ? J'ai entendu des propos très controversés au-dehors. J'espère que ces accusations n'étaient là que pour intimider mes entêtés de gardes.
Si ces paroles pouvaient receler de la rancœur, sa voix posée et sincère en disait tout autrement. Jahia s'en voulut presque d'avoir causée une scène. Le Kiongozi Mina avait l'air d'un honnête homme. Et ce n'était définitivement pas le même que dans son enfance. Un poids s'évapora dans sa poitrine.
- Mes excuses, Kiongozi.
- Excuses non nécessaires, coupa-t-il. Depuis que je suis à la tête de notre tribu, j'essaie de défaire certaines mauvaises habitudes. Certaines têtes de mules ont plus de mal que d'autres avec cette nouvelle façon de guider la tribu.
Jahia haussa les sourcils, agréablement surprise.
- Je souhaite parler avec vous des conséquences que la sècheresse a sur la vie et les déplacements de nos tribus. L'émissaire Ewe négocie présentement avec les Adjas du même sujet.
Jahia déroula ses arguments devant l'expression patiente du Kiongozi, tandis qu'il servait un thé à la menthe dans deux tasses tièdes. Le désert à éviter, les terres de plus en plus arides, la nécessité de changer les itinéraires.
- Le désert n'est plus sûr, dites-vous ? Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?
Jahia réfléchit rapidement pour décider ce qu'elle pouvait s'autoriser à révéler.
- Vous connaissez sûrement la secte des Adorateurs de Suhra. Ils gagnent en puissance.
- En effet, nous avons connaissance de leur existence, bien que nous n'ayons jamais été confronté à eux. A croire qu'ils ne sont qu'un mythe des sables raconté pour effrayer les enfants...
Jahia tiqua.
- Je peux vous assurer qu'ils ne sont pas un mythe.
- Oh. Avez-vous eu affaire à eux ?
Le regard faussement compatissant de l'homme, glissa vers la cicatrice qui s'estompait sur le front de Jahia. La méfiance de la jeune fille monta d'un cran. Il cherchait des informations. Pire encore, il cherchait des points faibles. Ou des angles d'attaque ? Que mijotait-il ? Désormais, les yeux gris insistants de l'homme la déstabilisaient.
- Non, pas personnellement. Mais des Protecteurs de nos rangs ont rapportés avoir rencontrés des membres hostiles de cette secte, en effet, mentit-elle.
- Oh, oui, les Protecteurs. Vous avez un système de défense bien rôdé, j'admire une telle organisation. Combien en comptez-vous déjà, une centaine ? Davantage ?
Jahia esquiva la question.
- Suffisamment pour garantir la sécurité des nôtres. Et de nos alliés, ajouta-t-elle avec insistance, après une hésitation qu'elle espérait être passée inaperçue.
- Mmmh. Les Adorateurs de Suhra ? Relança le Kiongozi Mina, insatisfait.
- Nos Protecteurs ont pu s'en débarrasser aisément et même obtenir des informations d'eux. C'est ainsi que nous savons qu'ils se sont renforcés.
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Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de Teli
FantasyAprès un événement inexplicable et lourd de conséquences dans son enfance, Jahia a grandi pour devenir une jeune femme intrépide et prometteuse de la tribu Ewe. Toujours accompagnée de ses deux fidèles amis, Peyam et Zuri, la jeune guerrière se...