Chapitre Vingt-trois - Départ

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Alors qu'elle préparait Malàk pour le voyage qui les attendaient, Jahia apprécia la salutation chaleureuse d'Alsham, qui se levait dans une marée de couleurs ardentes. Elle devait plisser les yeux pour contrer les rayons éblouissants du soleil en jetant la selle faite d'étoffes usées sur la bosse de son compagnon d'excursion. Elle caressait affectueusement son pelage court tout en lui parlant.

- Ça va être une mission chargée en émotion, Malàk. Ne t'étonne pas si je suis un peu brusque en te guidant. Et ne t'amuse pas à faire la tête de mule, cette fois ! On rencontre le Kiongozi d'une tribu sœur. C'est important.

- Tu sais qu'il ne va pas te répondre.

Un rire chaud s'échappa de la gorge d'Abayo. Il rejoignit sa protégée, lui-même accompagné d'un cheval de taille moyenne au pelage sombre.

- Et d'ailleurs, saches qu'à l'avenir, tu devras voyager à dos de cheval.

Jahia haussa les épaules.

- Malàk me va très bien.

- Il se fait un peu vieux, Jahia. Il faudra le laisser, un jour ou l'autre. Un Barbe serait parfait. Ce sont les plus endurants.

Jahia poussa un soupir de résignation. Elle savait bien que son dromadaire vieillissait, sa bosse était de plus en plus molle et inconfortable. De plus, les émissaires des Kiongozi ne se déplaçaient jamais en dromadaire. C'était la monture du pauvre, celle des insignifiants. Les émissaires devaient représenter la prestance de leur souverain à travers un cheval de qualité. Les Barbes étaient en effet les plus prisés pour une vie de longs voyages, mais Jahia n'aimait pas rentrer dans les moules.

- Ce n'est pas pour tout de suite, de toute façon, dit-elle pour éviter le sujet.

A son inverse, Abayo, attaché aux traditions, insistait souvent sur l'importance de rentrer dans les rangs. Ne faire qu'un avec la tribu et ses coutumes ancestrales. Parce que si certaines règles étaient si anciennes, alors elles étaient forcément juste... Ils tombaient souvent en désaccord lorsqu'ils venaient à en débattre.

Jahia chargea deux sacs lourds à chaque flanc de sa monture. De l'eau, beaucoup d'eau ; de la nourriture, et surtout des fruits gorgés de jus, pour elle comme pour Malàk ; les toiles et outils pour monter sa tente, ses instruments de direction (boussole, carte, crayons, octant). Abayo fit le tour de Malàk pour faire face à Jahia. Celle-ci attendit qu'il s'adresse à elle, probablement pour exprimer ses inquiétudes, au vu de sa mine renfrognée et de ses sourcils familièrement arqués. Quand elle croisa son regard, elle comprit les raisons de son hésitation. Comme échauffée par sa conversation de la veille avec Zuri et Peyam, elle décida de couper court à l'attente.

- Bon, tu as une question. Je t'écoute.

Abayo semblait choisir soigneusement ses mots, et cette expression si sérieuses le vieillissait terriblement. Les poils blancs de sa barbe et de ses sourcils semblaient ressortir davantage et ses rides au coin des yeux et des lèvres se creusaient un peu plus.

- On n'a jamais abordé le sujet auparavant. Enfin, pas depuis ton enfance.

Jahia aurait voulu qu'il soit plus direct. Elle aurait pu répondre brièvement tout en s'affairant pour éviter son regard. Mais Abayo laissait traîner ses mots et cherchait son attention. La jeune Protectrice se résigna à lever les yeux vers lui pour l'encourager à continuer.

Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de TeliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant