Coeur Nomade T1 : Le Mystère des Ruines de Teli

Chapitre Cinq - La Déesse Mère a parlé

Dix-sept ans plus tôt.

La mère de Jahia la prit par la main.

- Suis-moi, Jahia. N'aie pas peur, dit-elle d'une voix douce.

Mais la main de Najwa tremblait, et Jahia avait encore plus peur. Elle suivit néanmoins sagement sa mère, elle-même guidée par l'homme Mina à la torche. Ils se dirigeaient vers la cabane, et bien que Jahia s'en était doutée, elle ne put s'empêcher de paniquer. Ses pas ralentirent.

- Je ne veux pas y aller, Mama...

Najwa s'accroupit auprès de sa fille, tandis que l'homme attendit en soufflant d'agacement. Elle essuya les larmes de Jahia et prit ses deux mains dans les siennes.

- Jahia. La vie n'est pas facile, et il semble qu'elle se soit compliquée très tôt pour toi. Tu n'es qu'une enfant, mais l'autre jour, dans ces ruines, tu as fait face à beaucoup plus que ce que la plupart des adultes sont prêts à voir. Ils ont peur. Ils ont peur de ce que tu as vu, de ce que tu sais, et de ce que tu es. Ils ont sûrement encore plus peur que toi. Mais la peur fait faire des erreurs, spécialement chez les adultes. Tu es encore jeune et pure, et puisses-tu le rester éternellement. Tu es une enfant courageuse Jahia. Et j'ai besoin que tu le restes encore un peu avant de te reposer. D'accord ?

Jahia hocha lentement la tête, hésitante.

- Nous allons à une cérémonie un peu spéciale. Ce sera peut-être effrayant, mais je serais avec toi. Et Sama', la déesse de la vie, également. Puisse-t-elle veiller sur toi durant cette épreuve.

Ces dernières paroles semblaient davantage être adressées au ciel qu'à Jahia.

- Bon, c'est bon maintenant ? Râla l'homme qui était venu les chercher.

Les trois Minas reprirent leur marche. Il faisait presque nuit, le soleil avait disparu du ciel et les premières étoiles apparaissaient. Au campement, la plupart des gens s'étaient inhabituellement réfugiés dans leurs tentes. Après quelques minutes, ils parvinrent devant la petite cabane, dont l'entrée obstruée par un rideau de perles multicolores, était entourée de part et d'autre par deux grands flambeaux. Jahia ne pouvait pas voir l'intérieur, mais elle entendait des murmures. L'homme leur fit signe d'entrer, et Najwa passa la première, Jahia à sa suite. L'intérieur de la cabane était plongée dans la demie-pénombre. Il n'y avait pas de feu, ni de torche pour éclairer. Mais le toit en paille incomplet, laissait apparaître le ciel étoilé en son centre. Jahia observa son environnement. Une dizaine de personnes étaient présentes mais toutes avaient recouvert leur visage d'un long masque en bois peint. Des pinceaux approximatifs avaient dessiné des visages expressifs : certains avaient des sourcils froncés, certains souriaient, riait ou pleuraient. Ils faisaient peur à Jahia. Seule un homme ne portait pas de masque, mais une couronne en fer forgé de laquelle pendait des colliers de perles blanches. C'était le Kiongozi. Lui seul pouvait confronter les dieux à visage découvert, car il était saint. C'était ce que disait Babu dans ses histoires du soir. Jahia avait peur. Toutes ces personnes anonymes ne parlaient pas, et le Kiongozi la dévisageait avec méfiance. Une minute s'écoula, durant laquelle chaque personne présente mesurait l'importance du moment. Avaient-ils peur comme elle ? Comme l'avait dit Mama ? Le Kiongozi fit un geste vers un autre homme masqué, celui à sa droite.

- Commençons.

Le masqué désigné s'approcha, et la lumière naissante de la lune l'éclaira quand il atteint le centre de la cabane. Celui-là était différent. Son masque était plus soigné, et sculpté, aussi. Il lui dessinait un visage sévère. À l'arrière du masque étaient attachées des plumes grises, comme une chevelure légère. Il fit signe à Jahia d'approcher. La petite fille se cramponna à la main de sa mère, et Najwa avança pour accompagner sa fille. Le masque sculpté fit un geste de rejet.