34. Souvenirs

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5 mai -89 av JC

Elle ouvrit les yeux et fixa un instant le plafond de paille. Elle était allongée sur un sol de terre battue, à l'intérieur d'une cabane en bois rustique. Au centre de la pièce, une casserole de cuivre pendait au-dessus d'un feu crépitant, maintenue par une longue chaîne en métal. Elle entreprit de se lever mais une de ses jambes refusait de bouger. Sa main droite se leva sans qu'elle y consente. Elle découvrit avec stupeur qu'il ne s'agissait pas de la sienne, mais d'une main plus mate. Elle leva l'autre bras sans difficulté, celui-ci était d'un blanc d'ébène, c'était bien le siens. Ses jambes commencèrent à se mouvoir toutes seules. Elle sentit son corps se redresser très maladroitement, incapable de contrôler quoi que ce soit. Ses genou tremblèrent, elle s'effondra la tête la première, son visage heurta le sol.

Quelqu'un entra dans la hutte. Elle leva le regard vers l'individu. Il s'agissait d'un homme, vêtu d'un long manteau de fourrure blanche. Son visage était jeune et beau, quelques-mèches blondes et bouclées s'échappaient de sa chapka grise.

«Eloa!» hurla t-il.

Il accourut vers le corps de la jeune femme affalée devant lui ; se pencha à ses côtés et la tourna sur le dos.

«Qu'est- ce que ?»

Son visage se tordit de dégout. Il la lâcha immédiatement et fit un pas en arrière.

8 janvier -56 av JC

Elle ouvrit de nouveau les yeux. Elle était assise sur une table de marbre, le dos appuyé contre un mur de pierre et la tête inclinée sur son épaule droite. Elle eut un frisson, les lieux étaient glacials. Elle se redressa et jeta un œil autour d'elle.

Elle ne distingua d'abord pas grand-chose hormis les flammes de quelques bougies. Ses yeux s'habituèrent peu à peu à l'obscurité, elle se trouvait dans une pièce sans fenêtre. Le sol était carrelé, contre le mur, étaient alignées des céramiques rouges, dont plusieurs jarres de différentes dimensions. Elle découvrit également de nombreux ossements d'animaux et un squelette humain en face d'elle. Elle ne remarqua pas tout de suite qu'un autre individu vivant se trouvait dans la pièce. Un homme était debout, le dos vouté sur une table de pierre, il semblait occupé à tracer des schémas complexes sur un parchemin.

Il avait de très longs cheveux gris et portait un vêtement ample noir.

Elle commença à descendre tout doucement de la table, ses pieds chaussés de spartiate beige atteignirent le carrelage. Elle se mit à avancer le plus silencieusement possible vers la porte. Elle parvint presque à toucher la poignée quand une voix grinçante brisa soudain le silence.

«Eh bien, où pensez-vous aller ainsi, Eloa ? Je n'ai pas encore finis mon travail

L'individu un immense sourire aux lèvres venait de tourner légèrement la tête en sa direction, son front était couvert d'une frange trop longue, l'un de ses yeux d'un vert presque phosphorescent, était toutefois visible. De petites lunettes aux verres ovales étaient posées au bout de son nez .

21 mars 1889

Héloïse, à genou, avait assisté au défilement de sa lanterne cinématographique. « Eloa ». Comment avait-elle pu oublier jusqu'à son propre nom ? Sa vue se troubla, l'adrénaline était parvenue à dissimuler un temps la douleur de sa blessure, mais elle venait de perdre une quantité importante de sang, elle bascula inconsciente.

Ronald qui avait éteint sa tondeuse, et qui n'avait rien manqué des souvenirs pointa un doigt vers l'ange à terre, l'air choqué.

«Attends ! Cette ange, c'est Eloa ! Ce qui veut dire que celui qui portait la chapka dans la cinématique... Ne me dis pas que c'est ... ?»

William replaça soigneusement ses lunettes, mais s'abstint de répondre à l'interrogation de son collègue.

«C'est impossible !» poursuivit le jeune blond, «J'ai assisté à tout les cours d'HEV, Eloa est censée être emprisonnée dans une cage depuis plus de deux millénaires ! Qu'est-ce qu'elle fait là ?

-Cette affaire est strictement confidentielle, je ne peux rien te dire. Tu ferais bien de te remettre au travail. Je croyais que tu avais rendez-vous ce soir avec des collègues du bureau.

Le faucheur ralluma sa tondeuse et faucha le corps de Joker, il se retourna vers son collègue, la lanterne du défunt défilant derrière lui. Il cocha sa liste tout en râlant.

-Allez, explique-moi ! J'ai besoin de comprendre...

-Il reste encore beaucoup d'âmes à faucher, répondit William, en pointant de son coupe-branches le manoir en feu. Je te laisse t'en charger seul, je vais ramener l'ange au bureau médico-légal.

-Je ne vous laisserai pas faire ça !

La voix de Sebastian s'éleva soudain, perçant l'air avant même que les deux faucheurs ne l'aient localisée. Le démon atterrit souplement au sol, s'approchant d'eux avec une assurance tranquille.

-Mon maître m'a demandé de la ramener au manoir, déclara-t-il, fixant William du regard.

Les lèvres de ce dernier se pincèrent.

- Encore vous !»

Sans plus attendre, il déploya son coupe-branches avec une agilité surprenante, le brandissant en direction du majordome. Cependant, Sebastian esquiva l'attaque avec une aisance déconcertante, effectuant une pirouette gracieuse pour éviter le tranchant de l'arme. Ronald ralluma sa tondeuse et se jeta à son tour sur le démon. Mais Sebastian anticipa ses mouvements, se déplaçant habilement pour éviter les coups.

En un clin d'œil, Héloïse se trouva dans les bras du majordome. Le démon prit appui sur le sol et se propulsa en l'air d'un bond souple.

«Désolée, mais je n'ai pas le temps m'amuser avec vous ce soir. Mon jeune maître repart en déplacement demain et il me reste encore pas mal de chose à préparer.»

Ronald se préparait à attaquer à nouveau, mais le coupe-branches de William bloqua son chemin.

«Laisse-le, Ronald. C'est trop risqué. Héloïse pourrait être blessée à nouveau.»

Le faucheur laissa échapper un soupir de déception, et éteignit sa tondeuse. Il regarda Sebastian s'éloigner, tenant Héloïse avec précaution. Ils furent rapidement hors de vu.

L' Âme Maudite (Terminée) SebastianxOCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant