35. 136649

146 8 0
                                    

22 mars 1889

Après une descente de plus d'une centaine d'étages, William émergea enfin de l'ascenseur. Les murmures de l'acier en mouvement s'estompèrent pour laisser place à un silence quasi absolu. Marchant d'un pas résolu, il s'engagea dans un couloir étroit, ses semelles crissant légèrement sur le sol immaculé. Un virage à droite le guida vers une porte blanche, à côté de laquelle trônait un petit panneau sobrement inscrit de l'intitulé « Bureau Médico-légal ». Il toqua trois fois. 

Un jeune faucheur vint lui ouvrir. Il avait une chevelure noire assez volumineuse. Ses yeux du vert phosphorescent propre au Shinigami étaient taillés en amande. Ses lunettes étaient rondes. Le nœud de la cravate qu'il portait au coup était un peu desserré ce qui lui donnait un air décontracté. Il était vêtu d'une longue blouse blanche et d'un pantalon de costume noir, mais avait troqué les habituelles chaussures de cuir par des tongs qu'il jugeait plus confortables.

«Bonsoir, je suis William T. Spears. Je suis ici au sujet de l'affaire « Héloïse Wayte ».

La voix de William se fit posée, empreinte d'une assurance maîtrisée. 

—Enchanté William ! Moi c'est Othello.»

Othello répliqua avec un sourire nonchalant, cachant sa bouche derrière sa main pour étouffer un bâillement. Il fit signe à son collègue de pénétrer dans le bureau.  Une pièce quasi-monacale s'offrait à leurs regards, éclairée seulement par deux lampes de bureau diffusant une lumière tamisée. Ils étaient seuls.

«J'ai bien reçu l'info de ta visite de la part de l'Administration Générale, mais franchement, ils n'ont pas idée de nous faire travailler à des heures pareilles. Il est trois heures du matin bon sang !

—Je suis totalement d'accord. Il nous manque clairement de respect. J'ai dû m'infiltrer dans un cirque pendant près d'un mois. J'ai travaillé de jour comme de nuit, râla William.

—Un cirque ? Vraiment ? Eh bah, vous vous amusez bien au département de collecte, plaisanta le jeune brun.

—Je ne suis même pas affecté au département de collecte. Je viens du service de contrôle.

—Ah oui ?»

Les pas les guidèrent à travers le premier bureau, où des microscopes peuplaient les tables, accompagnés de fioles et de lampes de bureau. Les murs étaient tapissés de schémas complexes représentant divers projecteurs cinématographiques. Arrivés au fond de la pièce, une petite porte se dressa devant eux.

«Pas la peine de te préciser que tout ce que tu vas voir ici est strictement confidentielle.

—Tout ce qui touche de près ou de loin à l'affaire «Héloïse » est confidentielle. Je travaille sur ce dossier depuis des siècles.

—Parfait.»

Othello ouvrit la porte. William inspecta la pièce du regard sous ses verres rectangulaires. De grandes tables à roulettes étaient disposées en une ligne impeccable, arborant les silhouettes allongées de plusieurs corps humains. La diversité des états – de l'intégrité à la désintégration partielle – déclencha un mélange de fascination et de malaise. Sur les bureaux, le long du mur, gisaient des pellicules cinématographiques, de fins morceaux de films découpés dispersés ici et là.

«Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? Je croyais que les expérimentations sur les humains étaient strictement interdites. C'est une des premières règles du règlement intérieur.

—Officiellement ça l'est, officieusement, c'est plus complexe que ça. Auparavant, il n'y a qu'un seul d'entre nous qui avait le droit de faire de telles expérimentations. Il agissait dans l'ombre et en dehors des bureaux. C'est cette personne qui a découvert comment placer l'âme d'Héloïse dans un corps humain sans que ça n'altère le fonctionnement de l'âme humaine qui l'héberge. Regarde !»

L' Âme Maudite (Terminée) SebastianxOCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant