40. Disparitions Suspectes, deuxième partie

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2 avril 1889

Les premiers rayons matinaux s'immiscèrent à travers les lourds rideaux de la vaste salle de réception, dessinant d'envoûtants jeux d'ombres et de lumière sur le parquet verni. Héloïse reposait, inconsciente, étendue au-dessus d'un cercueil. À ses côtés, Undertaker, avait pris une posture des plus extravagantes. Ses jambes s'étiraient nonchalamment sur le sol poli, tandis que sa tête reposait avec une audace surprenante sur le ventre délicat de la jeune femme. Ses mèches d'argent s'étalaient comme une cascade étincelante, créant une toile argentée qui venait ourler le corsage de la domestique. Cette disposition singulière mettait en lumière un côté du visage balafré du croque-mort, et laissait apparaître une oreille parée de bijoux noirs.

William fit son entrée solennelle par la majestueuse porte principale, portant avec précaution deux ouvrages soigneusement glissés sous son bras.

«Bonjour n°136649 , je viens vous apporter ce que vous m'avez demandé.»

Les yeux flamboyants d'Undertaker s'ouvrirent lentement, captant la lumière du jour avec une intensité presque hypnotique. D'un mouvement fluide et sensuel, il se redressa pour s'asseoir, son dos appuyé au cercueil qui servait de lit à Héloïse. Ses gestes étaient empreints d'une grâce décadente, comme s'il se délectait de cette mise en scène provocante.

« Voici les livres de Jade Blodweel et d'Eloa », continua William, déposant les deux ouvrages à côté du croque-mort, qui les parcourut rapidement. « Vous n'aurez le livre de Claudia Phantomhive qu'une fois que vous aurez réemprisonné l'âme d'Héloïse. Cette décision n'est pas la mienne mais celle du directeur des Affaires Générales. Je dois rester vous surveiller pour m'assurer que vous faites votre travail. »

Undertaker se leva enfin. Il contourna William avec une lenteur suggestive, se plaçant derrière lui, posant délicatement ses deux mains sur ses épaules. La proximité entre les deux hommes dégageait une tension palpable.

« Je prépare un spectacle. Vous allez voir, on va bien s'amuser », annonça-t-il d'une voix suave et grinçante, ponctuant ses paroles par son rire loufoque inimitable. William resta stoïque, le visage dur, bien qu'intérieurement dérangé par ce contact inattendu.

*

Le soleil couchant baignait le ciel d'une teinte corail, projetant des ombres longues et sinistres sur le cimetière. Le comte Phantomhive, assis sur une tombe, observait d'un œil morne un couple de pigeons qui se prélassaient sur une des nombreuses sépultures. Ses bras croisés tentaient vainement de lutter contre le froid qui s'insinuait en lui, tandis que sa canne reposait à ses côtés. La pierre sur laquelle il était installé portait l'inscription « Louise Lehzen », la défunte que la reine lui avait enjoint de protéger contre les profanateurs.

Soudain, Sebastian apparut devant lui, sa silhouette surgissant de l'obscurité.

«Vous semblez avoir froid, my lord, remarqua-t-il d'un ton respectueux.

Ciel répliqua d'une voix cinglante :

-Non, je vais bien.

-Êtes-vous sûr ? Je ne voudrais pas que vous tombiez de nouveau malade...

- Oui, je suis sûr. Tu as réussi à faire partir les policiers ?

- Oui, je les ai envoyés sur une fausse piste. Ils ne devraient pas nous déranger.

-Parfait. Il ne nous reste plus qu'à attendre que la nuit tombe.»

Le temps s'écoula lentement, chaque heure paraissant interminable. Le soleil avait disparu à l'horizon, plongeant le cimetière dans l'obscurité. Sebastian alluma une lampe à pétrole soigneusement placée au pied de la tombe.

Encore une heure s'égraina dans le silence, accentuant l'attente palpable. La tête du jeune comte, somnolant, bascula en avant, il la redressa immédiatement. L'enfant finit par se blottir contre la pierre tombale.

- Tu me réveilles immédiatement si tu vois quoi que ce soit de suspect ! Tu m'entends !

- Bien-sûr my lord

Ciel ferma les yeux. Quand l'enfant fut endormi, le majordome, toujours debout, ôta sa veste et la posa sur lui en guise de couverture. Il éteignit ensuite la lampe. Sa vision surhumaine pouvait largement se contenter de la lumière de la lune. De plus, une lampe allumée indiquait trop facilement leur position à un possible adversaire.

Il observa son maître endormi, un peu soucieux. Il aurait été préférable que l'enfant reste à l'auberge et le laisse enquêter seul, mais le comte, en tant que Chien de Garde de la Reine, tenait à s'impliquer au maximum dans les missions. L'inconfort d'une nuit à la belle étoile n'était certainement pas un frein suffisant à ses yeux.

Les heures glissaient inexorablement dans le cimetière, imprégnant l'atmosphère d'une tension grandissante. Le démon, imperturbable, restait en éveil, ses sens aiguisés à l'affût du moindre signe de danger.

Soudain, un grincement strident atteignit ses oreilles. Une main ridée jaillit du sol, surgissant à proximité du jeune comte.

D'un mouvement éclair, Sebastian attrapa Ciel, le tirant vers lui pour le mettre à l'abri. L'enfant, secoué par ce réveil brutal, cligna des yeux, cherchant désespérément des explications.

«Qu'est-ce qui se passe ?»

Conscient que Ciel était plongé dans l'obscurité, Sebastian ralluma la lampe à pétrole. Le visage du comte, marqué par la peur, scruta avec attention la scène qui se déroulait sous ses yeux. La créature avait réussi à libérer sa tête et une partie de son buste de la terre. Le visage ainsi découvert, éclairé par la lumière faible de la lampe, appartenait à une femme âgée, aux traits nobles mais décadents, affichant une majesté fanée.

Sebastian se plaça devant son maître, prêt à le défendre contre toute attaque potentielle. La créature revenant à la vie, désormais débarrassée de son linceul de terre, se laissa contempler par les deux témoins de sa résurrection. Dans un mouvement grotesque, elle s'inclina, provoquant un sinistre craquement. Cependant, au lieu de s'approcher, elle s'écarta lentement, adoptant une démarche étrange. Le comte, encore sous le choc de cette rencontre inattendue, mit un instant à réaliser que cette silhouette funeste valsait seule, comme guidée par l'ombre invisible d'un partenaire.

«Il faut la suivre ! Ne la quitte pas des yeux, Sebastian !» ordonna Ciel d'une voix déterminée.

L' Âme Maudite (Terminée) SebastianxOCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant