48. La Démission d'un Faucheur, dernière partie

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Claudia, toujours adossée au mur du moulin, sentait son cœur s'emballer dans sa poitrine. Les battements étaient si forts qu'elle eut la pensée folle qu'il allait se détacher de son buste. Sa vision se troubla, ses jambes fléchirent, et elle s'effondra. Undertaker la rattrapa habilement.

La comtesse resta un instant inconsciente avant d'ouvrir enfin les yeux. Son visage semblait tout d'abord un peu hébété, mais rapidement, un sourire poli se dessina, et elle parla de sa douce voix slave.

« C'est amusant. Montaigne disait : "Philosopher, c'est apprendre à mourir". J'ai passé toute ma vie à lire de la philosophie, et me voilà qui m'évanouis de peur à l'idée qu'on vienne faucher mon âme. J'aurais préféré accueillir ma mort aussi fièrement que Socrate. 

—J'ai vérifié personnellement la lanterne de Socrate après son empoisonnement, et je peux vous dire qu'il n'a pas accueilli sa mort fièrement. Son beau discours n'est qu'une fiction écrite par Platon. 

La comtesse sourit malicieusement. 

— Ne me dites pas que vous y étiez ? Cet événement a eu lieu il y a bientôt mille quatre-cent ans. »

Il lui répondit par un sourire plus grand encore.

Puis un silence s'installa. Undertaker écoutait attentivement les bruits extérieurs du moulin.

« Reprenez votre planteur, nous devons sortir d'ici, my dear », lui dit-il.

Elle hocha la tête et s'exécuta.

Le faucheur sortit en premier et scruta les alentours. Le moulin se trouvait au milieu d'un vaste champ de blé. Les épis dorés atteignaient presque sa hauteur, et le soleil dardait ses rayons brûlants. À gauche, le clocher du village se dressait fièrement à l'horizon, mais autrement, il n'y avait que de vastes étendues agricoles parsemées de buissons et d'arbustes.

Il fit signe à Claudia de le suivre, et ils avancèrent prudemment à travers les hautes plantes jaunies.

« Vous m'avez offert ce planteur car vous saviez qu'on viendrait me chercher. Mais pourquoi un outil de jardinage ? Un pistolet ou même un couteau m'auraient été plus utiles ? 

Un "outil de jardinage" ? Undertaker ricana doucement, ses épaules frissonnant sous son long manteau noir.

— Il s'agit d'une faux de la mort, c'est une arme puissante, la seule capable de découper l'âme des morts. 

Claudia, tout en continuant de marcher, fit tourner entre ses doigts l'objet de métal, encore maculé du sang séché du jeune Donovan.

— C'est donc pour ça que mon agresseur voulait se servir d'une serpe pour me tuer , murmura-t-elle, connectant les pièces du puzzle.

Elle s'interrompit d'elle-même, alors que le soleil commençait à se coucher, teintant le ciel d'une douce couleur orangée. La lumière chaude caressait les épis de blé, et illuminait de jolis reflets les longs cheveux en pagaille du faucheur qui marchait devant elle.

« Je pose peut-être trop de questions. Je suis désolée. J'ai appris tant de nouvelles choses aujourd'hui... 

Undertaker sourit, son regard, voilé par une lueur d'amusement, perdu dans l'horizon.

—Non, ne le soyez pas. C'est ce que j'aime chez vous. Cette curiosité. Je suis entouré depuis trop longtemps de pions qui exécutent des ordres qu'ils ne comprennent pas et ne remettent jamais en question. Ils reproduisent jour après jour, année après année, les mêmes actions absurdes. Les faucheurs devraient apprendre à s'amuser, vous ne croyez pas ? »

Il se retourna enfin. Ses yeux verts, à peine visibles sous sa frange décoiffée, s'écarquillèrent soudain devant la scène qui se déroulait devant lui.

Un grondement métallique retentit, et Undertaker eut à peine le temps de tendre un bras vers Claudia que la tondeuse à gazon rongeait déjà la chair de la comtesse. Le corps se sépara en deux dans un bain de sang et d'organes. Les jambes et le bassin tombèrent sur le côté, tandis que le buste, dont Undertaker tenait la main droite, restait suspendu devant lui. Le beau visage de la lady, pris de secousses convulsives, se tordait dans une expression de douleur atroce.

Sa lanterne cinématographique s'activa, projetant face au faucheur le souvenir d'une danse qu'ils avaient exécutée ensemble un après-midi d'été dans le salon du manoir des Phantomhives, seuls.

Sa lanterne cinématographique s'activa, projetant face au faucheur le souvenir d'une danse qu'ils avaient exécutée ensemble un après-midi d'été dans le salon du manoir des Phantomhives, seuls

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Leurs silhouettes se mouvaient avec élégance au rythme d'une musique d'orchestre jouée par un phonographe

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Leurs silhouettes se mouvaient avec élégance au rythme d'une musique d'orchestre jouée par un phonographe. Claudia, prétextant s'entraîner pour une réception à venir, avait revêtu ce jour-là une robe indigo qui s'harmonisait parfaitement avec ses cheveux. Ses épaules et son dos partiellement dénudés laissaient entrevoir sa peau d'une blancheur de porcelaine, parée de nombreux bijoux argentés. Elle dansait, tournoyait, prenant la main d'Undertaker avec une grâce exquise.

La lanterne s'arrêta brusquement.

Undertaker desserra la main de la comtesse, et sa tête horrible bascula dans la terre du champ.

Ronald, tenant une tondeuse fraîchement sortie des réserves du bureau des Affaires Générales, se tenait debout près des jambes du cadavre. Il venait d'attraper avec nonchalance la pellicule, interrompant sa projection.

« Et voilà ! Ça a été long cette fois. Ça fait bien une heure que j'attends accroupi dans ce champ. En tout cas, je suis bien content que le bureau ait accepté de me prêter ce super engin. J'aurais galéré avec ma vieille serpe usée. Hé, toi ! » lança-t-il d'un ton taquin en pointant son index ensanglanté en direction du faucheur, « Tu ne serais pas... »

Le rouquin s'interrompit brusquement, son regard se posant sur le visage de l'homme face à lui. Ses yeux étaient en partie cachés par une frange grise tombante, et deux traînées de larmes coulaient le long de ses joues. 

« Haha, je suis bête parfois », rit-il, passant nerveusement une main dans ses cheveux. « Je vous ai pris pour un faucheur. Je n'avais pas remarqué que vous n'aviez pas de lunettes. Désolé pour le carnage, pépé. Je suis un peu pressé. Je n'ai pas fait dans la dentelle. Ciao ! »

Sur ces mots, il s'éloigna rapidement, laissant Undertaker seul au milieu du champ, face au cadavre de cette femme qui avait tant compté à ses yeux. Le faucheur demeura immobile, observant la scène qui venait de se dérouler. Un rictus étrange se forma lentement au coin de ses lèvres. Puis, soudain, un rire éclatant jaillit de sa bouche, un rire si bruyant qu'il fit s'envoler de nombreux oiseaux et terrer les mulots et autres rongeurs au plus profond de leurs cachettes.

L' Âme Maudite (Terminée) SebastianxOCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant