Chapitre 1.3

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Ce matin, malgré une nuit quasi blanche, je me suis arrangée pour retrouver ma mère tandis que celle-ci prenait son petit déjeuner, avant de partir au travail. Il faut dire que son mec n'est pas un lève-tôt, c'est plutôt tout le contraire, ce qui me va bien. Puisqu'ainsi, si je veux l'éviter, je n'ai qu'à partir de la maison avant son réveil vers dix heures du matin.

Je commence par me servir une tasse de café avant de m'assoir en face de ma mère. Tandis que surprise par ma présence, cette dernière redresse la tête pour m'observer, avec un grand sourire, je lui apprends que ça y est, j'emménage ce jour-même.

- Tu seras à nouveau en co-location ? Et cette fois-ci, cela va coûter combien ?

- Non, cette fois, je m'essaie à la cohabitation intergénérationnelle.

- Je crois rêver. Et tu crois que tu pourras à la fois t'occuper d'une petite vieille et te consacrer à tes études ? Pourquoi ne restes-tu pas ici ? Ce serait plus simple pour tout le monde et surtout moins...

- Plus simple pour qui ? Je déteste Hubert ! Et de toute façon, cette cohabitation ne me coûtera que 100 € mensuel.

- Oulala, ça sent l'arnaque cette affaire !

- Mais non, Ghislain est passé par une association spécialisée là-dedans.

- Ah parce que c'est ensemble que vous habiterez ?

Je ressens un véritable soulagement dans la voix de ma mère. A croire qu'elle ne me croit pas capable de parvenir à m'en sortir toute seule. Et puis comme elle aussi a toujours cru qu'entre mon Roudoudou et moi, c'était une belle histoire d'amour que nous n'avons pas encore rendue public, elle n'ose plus aller contre et se contente de me demander quelques renseignements complémentaires. Bien évidemment, il va sans dire qu'elle me rendra une petite visite dans le week-end pour s'assurer que tout se passe bien.

Puis la voilà déjà sur le départ. De mon côté, je retourne dans ma chambre remplir ma grande valise. A me voir réjouie, n'importe qui penserait que je pars en vacances. Non, au contraire, je vais travailler dur pour obtenir ce nouveau diplôme, tout en aidant une petite vieille pour la remercier de son hébergement.

Je commence par ranger minutieusement toutes mes tenues vestimentaires dont je ne saurais me séparer. Il en va de même de mes bottines à semelles compensées d'une hauteur de talon de 12,5 cm. Puis s'en suivent mes sous-vêtements et autre petit linge. Le maquillage ainsi que divers accessoires de beauté trouvent également leur place dans ce bazar organisé. Enfin, sur le dessus, je rajoute quelques ouvrages que j'aime par-dessus tout, ainsi que le nécessaire pour mes cours. Lorsque je pense ne rien avoir oublié, je m'empresse de fermer ce gros bagage puis de descendre dans le parking souterrain. Une fois ce dernier rangé dans le coffre de mon véhicule, je retourne dans ma chambre. A l'abri des regards indiscrets, je ferme les yeux un instant. Puis après quelques minutes de méditation, je récupère mon lecteur MP3 ainsi que mon casque que je glisse directement dans mon sac à main. Je m'empresse alors de fermer cette pièce à clefs avant de disparaître de cette maison.

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Avec Ghislain, nous nous étions donné rendez-vous devant notre nouveau chez nous, mais comme d'habitude, mon GPS a fait des siennes et après m'avoir fait tourner en bourrique pendant une bonne vingtaine de minutes, je finis par l'appeler lui. Il s'empresse de m'indiquer mon chemin, et effectivement j'arrive enfin à le rejoindre sur des places de stationnement qui longent le trottoir.

Mais lorsque je sors de mon véhicule et que je tourne la tête vers la maison que m'indique Ghislain, je suis sans voix. Ces maisons construites au début du siècle dernier m'ont toujours fait beaucoup d'effet. On peut dire que les lotissements de cette époque avaient la classe. Pas comme ce qui se fait depuis une trentaine d'années. Et au fond de moi, je me suis toujours dit, que, contrairement à ma mère, ce ne sera pas dans le moderne que je ferais mon premier investissement immobilier. Lorsque j'aurais une bonne situation, je voudrais une demeure comme celle qui se dresse devant moi.

En attendant, je trouve cette bâtisse magnifique et je comprends mieux pourquoi Ghislain a littéralement craqué. Tandis que nous grimpons les quelques marches qui nous conduisent à la porte d'entrée, mon meilleur ami appuie sur l'interphone. Une voix pleine d'assurance mais un peu chevrotante et cassée par l'âge se fait entendre. Puis, quand Ghislain nous annonce, la porte se déverrouille automatiquement et nous entrons. Tout comme cette dernière que nous venons de franchir, je suis agréablement surprise de constater que le hall d'entrée dans lequel nous nous trouvons désormais, semble avoir été refait, il y a peu et bénéficie d'une grande clarté grâce au double vitrage de la porte mais aussi à la grande pièce qui s'ouvre dessus. C'est dans celle-ci que je commence à frissonner. Je ne saurais décrire quel est ce sentiment qui m'étreint. Est-ce dû au fait que ce mobilier ancien, à la grosse nappe en toile qui recouvre la table ou aux chandeliers accrochés aux murs ? A moins que ce ne soit cet énorme lustre en cristal qui me rappelle un château que j'avais visité, quand j'étais ado. Cette pièce et le salon qui la jouxte, ne sont séparés que par le biais d'une arche en pierres. C'est en passant par là, que nous trouvons enfin la propriétaire, demeurée assise dans l'un de ses fauteuils en cuir de couleur crème. Et si jusqu'à présent, nous ne nous sommes déplacés que sur du plancher bien entretenu, ici, c'est un grand tapis persan rouge qui recouvre une partie du sol.

Mais le fait de me sentir dévisagée m'oblige à cesser mon inspection. Et lorsque je lève la tête, c'est pour découvrir celle avec qui je vais partager mon temps libre. Ce qui me frappe chez cette femme, ce n'est pas sa maigreur, ni ses cheveux marron clairs mais bel et bien son visage ultra ridé. Rides d'expression, ridules, sillons, pattes d'oie... Le passage du temps s'est définitivement installé sur sa figure. Et même si elle a choisi de se teindre les cheveux ou de porter des vêtements à la mode, rien n'y change. Lorsqu'elle prend la parole, cela me confirme davantage qu'elle ne doit pas être loin des 90 ans, si elle ne les a pas encore atteints.

- Bonjour mademoiselle. Vous devez être Bellatrix, la sœur de ce brave garçon. Vous vous ressemblez, hormis votre couleur de cheveux et votre taille bien sûr.

Ah oui, on se ressemble ? Je pense qu'elle a également besoin de se faire opérer pour la cataracte car là, franchement c'est abuser. Laurel et Hardy ne se ressemblait pas plus que mon frère de cœur et moi. Mais bon, passons.

Sur sa table basse en verre, se trouvent trois contrats. Mais je n'ai pas l'occasion de davantage m'interroger sur le nombre, que notre hôte reprend la parole.

- Moi, je m'appelle Bérangère del Castelix. Prenez place car si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous attendons encore quelqu'un, qui prendra la dernière chambre vacante.

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant