La musique maléfique...

Chapitre 19.2

- Septembre 2022 -

Entre le décès de Papi Riri et l'heure de ma vengeance, il se sera écoulé dix ans moins deux mois. Et durant toute cette période, je n'aurais eu de cesse de prier le Bon Dieu, de me laisser sur cette terre ma pire ennemie. Après ça, je lui ai juré, dans chacune de mes prières journalières, que si tout se passe bien, à la mort de celle-ci, je rentrerais dans les ordres pour me faire pardonner mes pêchers...

Camilo que je suis parvenue à recontacter via sa demi-sœur, a accepté mon plan diabolique. C'est ainsi que depuis maintenant une dizaine de jours, avec Thiefen, également de la partie, il surveille Bérangère Del Castellix.

Une fois mon enquête achevée, il m'a fallu beaucoup de temps pour mettre en place mon idée que je qualifierais fièrement de diabolique.

Il y a environ six mois, j'ai recontacté Serge Hubert et lui ai exposé, en tête à tête, et point par point, tout mon travail accompli, ce qui restait à faire ainsi que d'autres idées. Il a totalement été bluffé et durant une dizaine de minutes, il est resté silencieux, se contentant d'inspecter chaque document qu'au fil de mes explications, je lui avais fourni.

Et quand je lui ai posé la question cruciale "Te joindras-tu à mon équipe ?" Sans même savoir qui en faisait déjà partie, il m'a répondu avec un grand oui. Nous avons alors commencé à travailler sur les choses qui demeuraient encore en attente. Et plus le temps s'écoulait, plus je devenais nerveuse. Non pas que j'appréhendais ou que j'avais peur mais au contraire, il s'agissait d'une situation toute puissante... Et alors qu'elle pense probablement que j'ai renoncé ou eu peur d'elle, je suis sur le point de la faire plier !

Mais alors que nous avons décidé de passer à l'acte d'ici une semaine, Camilo m'appelle, comme tous les jours, afin de me tenir au courant des activités de cette pouffiasse de Bérangère. Mais contrairement à d'habitude, c'est de bon matin qu'il le fait. Et là, je dois bien l'avouer, c'est moi qui tombe des nus devant ce qu'il m'apprend.

- Il y a quelque chose d'étrange qui se trame ici.

- Quoi donc ?

- Je ne sais pas exactement. Mais l'autre jour, un jeune est venu la voir. Je ne t'en ai pas parlé car sur le coup j'avais davantage pensé à un démarchage anodin mais ce matin, je l'ai vu arriver avec une nana et ils avaient des bagages...

- Qu'est-ce que c'est que cette connerie encore ?

- Mieux encore, une autre nana à l'aspect totalement gothique vient de rentrer également. On dirait que tous emménagent ici.

Je ne comprends plus rien. Qu'est-ce qu'elle mijote encore cette vieille taupe ? Elle a besoin d'esclaves à domicile ? Elle s'ennuie tant que ça ? Il faut que j'en ai le cœur net.

- Ne bouge pas, j'arrive.

- Oui mais alors fais toi discrète s'il te plait car je te connais et quand tu es énervée...

- T'en fais pas, je maitrise !

En réalité, ce n'est pas du tout le cas et là, cette fois, cela me fout la pression car il va falloir avancer notre plan, en urgence. Mais pour le moment, j'enfile prestement une tenue noire tandis que j'attache mes cheveux et les caches sous un chapeau.

Une heure plus tard, je me gare à deux rues et finis discrètement à pieds. L'ancien verger n'existe plus. Désormais, il n'y a plus qu'un vaste terrain vague qui vient d'être acheté pour la construction d'un lotissement. Mais en attendant, on est tranquille pour les surveiller.

Camilo a même trouvé un endroit d'où on peut observer la pièce principale via ses deux grandes fenêtres. On les aperçoit donc faire connaissance. Mais qu'est-ce que c'est que ces papiers qu'ils ont de disposés, chacun devant eux, sur la table basse ? Ah merde ! Avec les jumelles, je constate qu'il s'agit... on dirait des contrats !

- Putain, mais ils vont nous faire foirer notre coups ces petits cons !

- Attends, je vais leur faire peur. Ne bouge pas.

Et tandis qu'en passant, il récupère un cône de chantier, hop, il saute d'un bond, de l'autre côté du muret et se faufile jusqu'aux fenêtres les plus proches d'eux. Puis là, il se met à parler dans son truc orange, ce qui a pour effet, à la fois d'augmenter la puissance de sa voix mais également de la déformer.

Comme eux, j'entends :

- Oh grand Lucifer, retenu dans la nuit, sens-tu ce courant voler ta lumière ?

Très impressionnant, je dois le reconnaître et si au départ, je suis contente de les voir sursauter et hésiter, l'autre conne parvient à les embrouiller avec ses explications. Du coup, hop, ils signent et filent ranger leurs affaires.

- Merde !

Cette fois, je dois passer à la vitesse supérieure. J'appelle donc tous mes collaborateurs et leur transmets mes consignes.

Deux heures plus tard, une fourgonnette vient se garer sur le terrain vague. Colette en descend avec Thiefen. C'est parfait, ils ont pensé à tout !

Serge-Hubert nous rejoint en moto. Il me confirme m'avoir apporté ce que je lui ai demandé.

- Ils sont tous en place dans "La musique maléfique" ?

- Oui, oui, ne t'en fais pas !

La musique maléfique est le nom que j'ai décidé de donner à cette vaste propriété de concentration que j'ai réalisé durant ces trois dernières années. Et croyez-moi, le nom sera à la hauteur des vocalises que certains pousseront pour nous !

Je n'ai pas le choix, il faut attendre le bon moment pour agir. Nous observons la vieille accompagner le seul mec du groupe dans son sous-sol. Je ne peux m'empêcher d'être inquiète, espérant qu'elle n'a pas décidé de le zigouiller, lui aussi. Mais non, ouf, il va, d'ores et déjà tondre la pelouse. A la pourrie, elle ne perd pas de temps.

Peu avant midi, nous voyons partir le mec et sa nana, mais pas la troisième. Quand mon regard croise celui de Camilo, je remarque quelque chose d'étrange chez lui. On dirait qu'il connait la femme qui vient de partir... Mieux, j'ai l'impression qu'il en pince pour elle, malgré leur différence d'âge. Mais aussitôt son visage se referme et je sais que si je le questionne, je n'obtiendrais rien de lui.

La troisième s'en va vers 13h. Je ne sais pas combien de temps nous avons mais c'est maintenant ou jamais.

- Vous êtes prêts ?

Tandis que tous acquiescent d'un seul mouvement de tête, nous démarrons l'opération. Camilo et son demi-frère enjambent à nouveau le muret et se dissimulent dans la grosse végétation aux environs du portail.

Puis, je sonne et attend tranquillement, en compagnie de Thiefen. Je prends soin que de la maison, elle ne puisse pas voir qui se trouve là. Il me faut donc quelques minutes avant de la voir apparaître. Mais quand enfin, elle ouvre le portillon, j'adore la grimace que fait mon ennemie de toujours. Hélas pour elle, tant s'en faut, la vieille n'a pas le temps de refermer, que les mecs, de leur côté, lui ont sauté dessus.

Ils lui approchent des narines la compresse imbibée de chloroforme. Il ne lui faut alors cinq ou six inspirations avant qu'elle ne s'écroule à leurs pieds. Ni une, ni deux, mes acolytes la cachent sous une couverture et l'embarquent.