Chapitre 19.3

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Pendant que Camilo et Serges partent avec la vieille, moi je m'empresse de visiter et refaire l'inventaire de toute la maison. L'important est de rapidement repérer où elle a désormais installé sa chambre par rapport à l'époque où j'ai habité ici.

Heureusement, peu de choses ont changé au rez-de-chaussée. Là, où il y a le plus de chamboulements, c'est au premier étage. Je repère aisément les deux chambres destinées à la location avant de tenter la troisième porte, évidemment fermée à clefs. Mais heureusement, avant qu'ils n'embarquent la folle, j'avais pris le temps de lui faire les poches et récupérer non seulement un trousseau mais aussi les fameux feuillets qu'il faudra que je lise. Lorsque je pénètre dans cette chambre, je ne peux m'empêcher de frissonner tant je sens de mauvaises ondes. Il me faudra très vite, apporter quelques changements à cette pièce et surtout, mettre des petites plantes de ma composition. Mais pour le moment, je n'ai pas le temps pour ça. Et alors que je commençais à installer tous les produits dont j'avais besoin pour me refaire une beauté, mon téléphone vibre, m'indiquant enfin que j'ai reçu le cliché que nous attendions, Thiefen et moi pour nous mettre au boulot.

Il s'agit du visage de la vieille, pris en très gros plan, afin que nous repérions à l'œil nu, tous les défauts que sa peau peut avoir. Ensuite, mon plan repose totalement sur mon ami chargé de me transformer en elle. Oui, je sais, c'est affreux... et peut-être encore davantage pour moi. Mais nous n'avons pas le choix : si nous ne voulons pas que les nouveaux découvrent le kidnapping de leur hébergeuse et alertent la police, en un temps record, j'ai pris l'initiative de mettre à profit nos acquis en matière de transformation physique. Hélas, nous n'avons que très peu de temps pour réaliser ce prodige des yeux et cela nous met forcément la pression. Mais Stiefen se montre à la hauteur de ses capacités professionnelles et le cri que je pousse lorsque je m'observe dans le miroir, lui confirme que l'apparence est au top.

Il est désormais temps, maintenant, de me trouver une tenue et quand j'ouvre sa penderie, je manque m'étouffer. Non ce n'est pas possible. Pourquoi ai-je eu cette idée tordue ? Même si tout est propre, je sens dans le meuble son odeur corporelle qui semble s'être imprégnée de partout et cela me dérange vraiment. En clair, pour le moment, la torture c'est plus moi qui la subie, que l'inverse. On choisit des vêtements qui montreront le moins possible ma peau, car maintenant, nous nous attelons à vieillir mes mains. Pfff, le produit utilisé me picote l'épiderme. Quand je pense, que d'habitude, je transforme les actrices... et là, cette fois, c'est moi qui subis un changement physique radical. Il me faut ensuite, m'entraîner à me courber comme ces dernières années, elle le faisait. Il n'y a enfin plus que la voix à travailler. Là encore, au cinéma, il y a des astuces pour vieillir le ton et Dieu merci, j'étais parfois présente quand le personnel s'entrainait.

J'avoue que lorsque je descends au salon, j'appréhende quelque peu de savoir si ça va le faire ou pas. Evidemment, je prépare le souper et mise sur la vertu de certaines de mes plantes que j'insère dans le repas, afin de les aider à n'y voir que du bleu. Mais lorsque tous les trois sont enfin rentrés, c'est à ce moment que j'ai l'impression de me retrouver sur les planches d'un théâtre. Et là, je n'aurais personne pour me souffler les répliques. Thiefen m'attend tranquillement dans ma chambre pour le cas où cela se passerait mal. Mais heureusement tout va bien. Comble de l'ironie, je reconnais parfaitement Alice, même si depuis la dernière fois que nous nous étions croisées dans cette maison, il s'est écoulé pas moins d'une douzaine d'années, voir plus. Par contre, elle ne semble pas voir la différence et je suis donc soulagée.

Lorsque les jeunes ont réintégré leurs chambres, je remonte avec plaisir dans la mienne. Il nous faut un moment à mon ami et à moi-même avant de me faire reprendre une allure plus normale. Un peu mais pas complètement car le lendemain matin, je devrais parvenir à me débrouiller seule. Je prends donc des notes que je range soigneusement avec le matériel utile à mon grimage. Et quand Thiefen s'en va, il est déjà plus de minuit. La nuit va être courte, je le sens.

Je ne crois pas si bien dire car le peu que je parviens à dormir, je vais faire d'horribles cauchemars, tous en rapport avec cette maudite Bérangère. Tant et si bien que c'est en pensant à elle que l'idée d'effrayer les jeunes en leur faisant croire que la demeure est hantée se met progressivement en place dans ma tête. Ainsi, ils auront tellement peur que hop, en deux jours cela devrait être plié.

D'autant que, comme je le sais maintenant, les contrats qu'ils ont signés, ne sont autres que des contrats de cohabitation intergénérationnelle. J'en déduit qu'entre ça et une vieille chiante, ils devraient vite en avoir marre.

La prochaine surprise va m'arriver le matin même, par sms. Il s'agit de Serge-Hubert qui m'annonce que le lendemain après-midi, il sera présent à la maison. Quoi ? Je comprends, après qu'il m'ait donné davantage d'explications, que la femme avec laquelle il vit depuis maintenant quelques années, a une fille qui n'est autre que la fameuse Bellatrix. En revanche, quand je lui parle de son frère Ghislain, il ignore de qui il s'agit mais une chose est sûre, c'est que cette peste est fille unique. J'en déduis qu'il s'agit de son petit ami.

En urgence, je contacte Camilo afin qu'il m'aide à réaliser des effets spéciaux destinés à m'attirer les fantômes dans la maison. Et surtout, je vous serais gré de ne pas vous moquer de mon serpent fantôme. Après tout, pourquoi pas ? Qui vous dit qu'il n'en n'existe pas, après tout ? Ce pourrait être l'animal domestique de Satan en personne. Et alors là, pour le diable, j'ai déjà celle qui a signé pour l'enfer éternelle.

En parlant d'animal domestique, quelle surprise, j'ai eu, ce premier jour quand, sortie de ma chambre totalement grimée, je me suis trouvée nez à nez, dans les escaliers, avec cette espèce de chat tout noir... brrrr ! Et comble de l'ironie, il m'a tout de suite adopté et est venu me faire des câlins sur les genoux. Pas sûr qu'avec la vraie, il s'y soit essayé.

Les journées s'écoulent doucement avec leurs doses de surprises. C'est ainsi que le dimanche, je vais devoir supporter d'entendre les deux tourtereaux critiquer Serge, en son absence et à l'inverse, feindre de ne pas le connaître quand il arrive. Puis la présentation de Thiefen sous le prénom de Ronald mon détective privé, quand ils m'apprennent l'avoir aperçu qui sortait d'ici... L'espace d'un instant, je me serais presque crue l'auteur d'un roman qui s'inspirerait au fil des jours. Sauf que moi, je commence à en avoir marre. Rien ne les effraie assez ! Je suis pressée de m'occuper de celle qui s'en est prise à Papi Riri. 

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 19, 2021 ⏰

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