Chapitre 8.2

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Ce soir, lorsque je rentre dans cette maison de dingue, j'ai le moral à zéro.

Avant la reprise des cours de 14h, j'ai fait une virée express à l'administratif afin de rectifier mon choix de langues. On ne peut pas dire que cela se soit très bien passé. J'ai dû inventer un prétexte bidon pour justifier ce changement d'options. Peut-être que si j'avais évoqué la vraie raison, ils auraient été plus compréhensifs... à moins qu'ils ne m'auraient tout simplement prise pour une mytho.

Après ça, j'ai eu beaucoup de mal à me concentrer sur mes travaux de recherches que je devais réaliser à la bibliothèque. Depuis ce midi, c'est comme si tout tournait en boucle dans ma tête. Son regard à la fois si bleu et si vicieux... l'emprise qu'il a longtemps exercée sur moi... ce besoin de lui faire plaisir.... Ses gestes précis pour alterner le chaud et le froid....

Alors que je ne souhaite qu'une chose, c'est m'isoler dans ma chambre, la maîtresse des lieux, qui se trouve justement dans l'entrée, lorsque j'ouvre la porte, m'invite à venir prendre un verre. Je n'ai pas le courage de lui résister et puis il est vrai qu'avec tout ça, j'ai la gorge sèche. Cela devrait me faire le plus grand bien.

Tout en la remerciant, je la suis jusqu'à la cuisine.

- Comme je sais qu'entre tes cours et ce qui se passe dans cette maison, ce n'est pas évident, je t'ai préparé dans cette carafe, une infusion dont tu m'en diras des nouvelles. Il s'agit de quatre plantes qui ont pour propriété de stimuler ta mémoire et la concentration.

Je trouve son attention charmante et en bois deux grands verres. Il faut dire que si, au départ, le goût de cette mixture me dérange un peu, j'ai tôt fait de m'y habituer. Et puis ce soir, il faut absolument que je parvienne à bosser car demain, je devrais prendre la parole durant cette conférence de méthode qui ne regroupera qu'une vingtaine d'élèves. Ce sera la deuxième à laquelle j'assisterais. Et si la première m'a beaucoup intéressée, il est certain que cela demande une réelle bonne organisation avec une grande prise de notes et bien sûr, ne pas hésiter à prendre la parole.

Bérangère m'explique qu'il ne s'est rien passé de spécial aujourd'hui. A vrai dire, cela m'arrange considérablement car je ne me sens pas prête à passer une nuit blanche à chercher un fantôme. Mais tandis qu'elle poursuit ses explications, je ne l'écoute plus... du moins pas attentivement. Je me demande si Ghislain est déjà rentré. Et si oui, où se trouve-t-il ? Dans sa propre chambre ou en compagnie de la sorcière ?

Après lui avoir consacré plus d'une demi-heure de mon précieux temps, je me décide à fausser compagnie de cette si gentille mémé. D'ailleurs, très compréhensive, elle comprend que j'ai beaucoup de travail qui m'attend ce soir et se contente de me rappeler que le repas aura lieu à 20h et que si je ne peux pas descendre, elle se fera un plaisir de me porter un encas.

La porte encore fermée à clés de sa chambre m'indique clairement que Ghislain n'est pas encore rentré. Je n'ai plus le choix, il faut que je bosse. Je m'installe en tailleur sur mon lit, puis après avoir placé mon masque sur les oreilles, je lance le concerto pour piano n°1 de Piotr Tchaïkovski. Je ne sais pas travailler toute seule sans musique. Pourtant, ce soir dès les premières notes, je suis surprise par la violence que m'inspire ce que j'entends. On dirait que quelqu'un assène des coups de marteaux.... Oui c'est ça des coups de masse et les phalanges seraient écrasées, réduites en miettes.

J'éprouve quasiment un plaisir malsain en imaginant une telle scène. Surtout quand la mélodie redevient douce et qu'une autre image vient se superposer à tout ça. Ses yeux de pervers sont exorbités tandis qu'une main lui enfonce un crucifix dans la gorge à la manière dont un pédophile l'a également été, il y a de cela quelques mois. Mon plaisir est décuplé de voir mon agresseur en lente agonie... Je ne parviens seulement plus à savoir si tout cela est le fruit de mon imagination ou si je me trouve dans un autre monde virtuel. Finalement, je m'endors dans une grande jouissance morbide... Ou du moins c'est ce que j'essaie de me convaincre quand je rouvre les yeux quelques heures plus tard. Or, si je ne trouve pas de cadavre, il y a ces quelques tâches de sang sur mon maillot qui me déstabilisent totalement. Je ne parviens plus à distinguer le vrai du faux. Si la scène s'était vraiment produite, j'aurais dû voir cet ignoble homme allongé à terre dans ma chambre... Et que serait-il venu faire ici ? Tout cela est incompréhensible. J'en viens à me demander si le fait de l'avoir revu ne m'a pas bousculé dans la folie.

Brusquement, je me lève et cherche à nouveau du réconfort auprès de mon âme sœur. Cette fois-ci, sa porte n'est plus fermée à clés et je rentre sans même frapper tellement je suis contente de lui tomber dans les bras. Ce à quoi je ne m'attendais pas, ce serait de le retrouver en compagnie de cette garce de Alice. Pas possible, mais que fait-elle encore ici ?

Mais leur inquiétude me projette dans un doute encore plus grand. Serait-ce moi qui les inquiéterait vraiment ?

- Qu'est-ce que tu as Bellatrix ? Tu es toute pâle. On dirait que tu vas tomber dans les pommes. Viens vite t'assoir là !

- Regarde Ghislain, elle a du sang sur le maillot !

- Il est tout frais ! Mon Dieu mais qu'est-ce que tu as fait ma pauvre chérie. Regarde-toi, on dirait que tu viens de voir le diable en personne et que tu t'es même battue avec lui !

Et alors que tous deux m'enlèvent ce fichu tee-shirt à manches longues, je découvre en même temps qu'eux, une large plaie au niveau du ventre. Pourtant, jusqu'à présent, je n'ai rien senti.

- On dirait qu'elle a reçu un coup de couteau.

- Il faut l'emmener à l'hôpital !

- Non, non, pitié, ils vont appeler la police et ils verront que j'ai tué un homme !

- Mais de quoi parles-tu Bellatrix. Tu n'es pas dans ton état normal, là. Qu'est-ce que tu as pris ? Ne me dis pas que tu as rechuté.

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Non, ne lui dis pas ! Elle est amoureuse de toi et veut nous séparer !

- Allons, ne raconte pas de bêtises, Alice sait, comme toi, que j'aime les hommes !

- Depuis que tu es rentrée, tu as bu ou mangé quelque chose ?

- Qu'est-ce que ça peut te faire à toi ? Tu ne connais rien de ma vie !

- Rappelle-toi, hier tu as été plus bavarde qu'aujourd'hui, au contraire. Et on veut t'aider. Alors dis-nous !

- Je crois que cela va devoir attendre car elle perd beaucoup trop de sang. Il faut qu'on l'emmène à l'hôpital !

- Ok je t'accompagne !

- Non, s'il vous...

Mais un trou noir m'empêche de finir ma phrase.

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant