Chapitre 10.2

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Lorsque nous retournons dans la salle à manger, je retrouve Alice dans son déguisement de véritable sorcière. Et maintenant que je la connais mieux, la voir ainsi jauger les autres, dans ses accoutrements m'amusent beaucoup. Avec elle, on se croirait tous les jours à Halloween. Sans compter sur ses maquillages à outrance... Mais cette fois-ci, elle a fait fort. Je comprends pourquoi elle n'a pas voulu redescendre en même temps que moi. Ça a dû lui prendre du temps pour se "refaire une beauté"... et quelle beauté ! En effet, elle a même poussé le vice, en plus de tout ça, à se faire les ongles noirs.

Par contre, là, où elle parvient à me surprendre encore, c'est de la voir s'amuser, sur la table de salon... Enfin, venant d'elle, je ne suis pas certain que ce soit un simple jeu. En effet, à bien y regarder, elle a installé devant elle, un plateau à dés de forme hexagonale avec des rebords en simili cuir noir, et une doublure en velours rouge très flash. Et tandis qu'elle agite ce qu'au premier regard, je prends pour un gobelet, trois dés en jaillissent et viennent rouler sur le plateau, avant de s'immobiliser. Je ne peux qu'être frappé par leur couleur dorée. Par curiosité, je m'avance plus près et c'est là que je suis frappé, non pas par cette sorte d'alliage d'aluminium dont ils sont faits, mais le détail de ce shaker à dés, en cuir lisse avec de superbes motifs égyptiens. Je ne saurais dire pourquoi, mais je trouve que ça lui correspond tout à fait.

Maintenant, elle inscrit quelque chose sur le petit calepin, qu'au départ je n'avais seulement pas remarqué. Si je ne parviens pas à lire de quoi il s'agit, je constate, qu'à chaque tirage, elle a dû écrire une question puis ensuite, le résultat des dés. Toutefois, elle prend le temps de relever la tête vers nous, et après nous avoir observé l'un après l'autre, elle s'adresse directement à Ronald.

- Je ne perdrais pas de temps à vous demander si vous avez une piste.

- Ah non ? Et pourquoi ?

Aïe aïe aïe ! Et c'est à moi qu'elle avait demandé de jouer le jeu et d'être discret ? Je sens que d'ici peu, il va y avoir des étincelles.

- Tout bonnement parce que mes dés me l'ont dit.

- Ah ouai, tu n'es pas seulement déguisé en sorcière, tu en es vraiment une, si je comprends bien.

- Tout à fait.

Et alors qu'il éclate de rire, elle surenchérit :

- D'ailleurs ça ne marchera pas votre annonce sur Facebook

Mais cette remarque arrête net le beau gosse dans sa franche rigolade. Ahuri, il me regarde et c'est finalement moi qui lui pose la question.

- Comment tu sais ce qu'on faisait ?

- C'est moi qui lui ai dit. Répond Bérangère, d'un ton franchement agacé.

C'est d'ailleurs amusant parce que je me rends compte que lorsqu'elle est énervée, sa voix parait plus jeune. C'est un peu comme ma mère, quand elle perd patience, elle prend l'accent marseillais alors qu'elle n'y a jamais vécu. Cela m'a toujours fait un drôle d'effet. Là, en revanche, je ne comprends pas pourquoi, la vieille est dans cet état d'esprit. Qu'elle se fasse du souci, comme nous, cela aurait été logique mais qu'elle soit speed, là, je ne comprends pas.

Ronald, quant à lui, a choisi de s'amuser du bluff que nous a fait Alice.

- Bravo, j'ai failli croire que tu t'appelais Mme Irma.

Mais déjà, mademoiselle reprends, ses jets de dés. Je la vois se concentrer sur quelque chose qu'elle se murmure à elle-même, tandis qu'elle fixe telle ou telle personne. Puis elle secoue son shaker et hop. A chaque fois, elle note sur son calepin, avant de recommencer.

Je ne parviens pas à savoir, si, une fois, c'est encore de la pure provoc pour faire flipper les autres ou si vraiment elle interroge des esprits avec des dés à jouer.

C'est finalement le beau gosse qui reprend la parole, pour m'interroger sur un sujet beaucoup moins drôle.

- Alors, ce fantôme serpent, vous l'avez revu ?

- Euh, non, non

- Tu n'as pas l'air sûr de toi.

S'il savait ce que je pense réellement. La preuve que m'a apporté Alice sur le fait que l'on pouvait nous faire croire n'importe quoi, sous l'emprise de cette mystérieuse plante, ne m'a pas plu du tout.

- Par contre, j'ai revu une mygale !

- Ah oui, où ça ?

- Dans ma chambre ! Et Bellatrix, ce serait un fantôme qui aurait voulu la poignarder.

- Ah merde alors !

- En tout cas, c'est ce qu'elle nous a affirmé quand nous l'avons récupéré totalement sonnée.

- Vous l'avez noté sur le calepin.

- Non, du coup, on n'y a plus pensé.

- Bon, qu'est-ce que vous en pensez, si je vous invite à manger à l'extérieur, pour une fois ?

- Allez-y, vous. Pour ma part, je n'ai pas faim. Je vais me faire une camomille et aller me coucher.

- Tu es sûre, Bérangère ?

- Oui, oui, allez-y, les jeunes.

- Bon et bien, moi je te dis à demain, alors.

Alice monte rapidement reposer son jeu de dés et probablement s'occuper de son chat, avant de nous rejoindre dans le corridor.

Si je pensais monter dans son superbe SUV, que j'ai déjà repéré la dernière fois, on peut dire que c'est raté. En effet, il nous annonce connaître un petit restaurant contemporain à deux rues d'ici et nous entraine à pieds. Mince alors ! Par contre, la bonne nouvelle, c'est que je vais bien manger car là, au moins personne ne pourra nous mettre quelque chose dans nos assiettes.

Une fois sur place, nous sommes installés à une table ronde, ce qui me permet d'être à la fois en face de ma nouvelle amie mais également de mon tendre ennemi, ce qui ne gâche rien. Je dois reconnaître, que depuis la fin de la pandémie, prendre le temps de manger à l'extérieur a pris un goût unique pour moi, tout comme mes amis. Il faut dire que nous en avons été tellement privés longtemps.

Quand Ronald se lève pour se rendre aux toilettes, nous en profitons, avec Alice pour échanger quelques mots.

- Qu'est-ce que tu crois qu'il fait réellement ?

- Pas de doute, il doit passer un coup de fil.

- Tu penses vraiment qu'il est de mèche ? Il me semble tellement gentil et naïf...

- Il ne faut jamais se fier à ça.

- Merde, flûte, crotte, zut !

- Ah, cette fois, tu ne m'as pas sorti ton célèbre merde bordel a la ché plus quoi !

- Tu veux dire Bordel de merde à la chicologougna ?

- Ah oui, c'est ça, dit-elle avant d'éclater de rire avec moi.

- Quand nous serons rentrés, garde ton téléphone près de toi, je t'enverrais un sms pour te dire si la vieille sera rentrée dans ma chambre.

- Tu crois que c'est pour ça qu'elle est restée ?

- Sans nul doute !

- Ah merde !

- Pourquoi, tu as des choses qu'elle risque de découvrir ?

- Je ne pense pas, mais je déteste que l'on fouille dans mes affaires.

- Moi, je lui ai réservé une petite surprise.

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant