Chapitre 13.1

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"L'amour supporte mieux l'absence ou la mort que le doute ou la trahison."

André Maurois - romancier (1885 - 1967)

(Elyne)

Avant que je ne rentre dans cette maison, au service de la folledingue que son mari n'aura eu de cesse de couver durant toute sa fin de vie, jamais je n'avais eu le moindre sentiment de haine ou de vengeance.

Tout cela m'est apparu au contact de cette vieille harpie. Je n'ai jamais su son degré de folie mais son sadisme était redoutable et j'en ai largement fait les frais au début. Pourquoi être restée, me demanderez-vous. Oui, c'est vrai ! Ce fut malheureusement pour moi, probablement l'appât du gain.

Quand on a été élevé par des parents pauvres mais pas assez pour toucher l'aide de l'état et trop pour pouvoir payer de bonnes études, c'est difficile d'y parvenir ! J'ai toujours voulu être maquilleuse cinématographique. Pour me permettre d'y arriver, j'ai bien travaillé à l'école. Mais cela n'a pas suffit. En effet, lorsqu'avec mes parents, on a rencontré des responsables de l'orientation, ils n'ont pas trop su quoi me dire étant donné que c'est un métier qui n'avait pas de reconnaissance juridique en France, à cette époque, et je ne crois pas que cela ait changé aujourd'hui. En clair, j'ai suivi un Brevet Professionnel de coiffure en alternance, ce qui a bien arrangé papa et maman car ainsi, ils n'ont rien eu à débourser. Mais après, le seul choix possible était de me trouver une très bonne école privée dans le domaine du maquillage afin d'être le mieux vu possible d'un employeur. Sauf que là, quand on m'a annoncé les tarifs, cela m'a tuée.... Certes pas physiquement, mais moralement si !

Je trainais de petits boulots en petits boulots, sans plus d'espoir quand, suite aux petites annonces que j'avais laissé ça et là dans certains commerces, un monsieur très distingué m'a contacté. Et si j'avais, jusqu'à présent, eu l'habitude de garder des mioches un tantinet désagréables, faire du mamie-sitter m'a semblé intéressant, d'autant que cela payait bien. Sauf, que j'aurais dû me douter qu'il y avait forcément un piège.

Et à partir de ma première journée au service des Del Castelix, ce fut un cercle vicieux. Plus la vieille cinglée me prenait de haut et s'amusait à me torturer moralement et physiquement et plus je rêvais de la faire plier et qu'un jour j'en ferais ma chose. En une semaine, j'avais touché la moitié de l'argent nécessaire à la formation que je voulais absolument suivre et avec le chantage que je m'apprêtais à faire subir au docteur Duchnok, je savais que je pourrais bientôt voir mes rêves aboutir.

Je ne sais pas réellement ce qui s'est passé lorsque le neurologue est rentré chez lui mais ce que je sais, c'est que le lendemain, j'ai été très surprise de recevoir un appel de lui. Il m'a alors annoncé, avoir dit à sa compagne être au courant de tout ce qu'elle m'avait fait subir. Et lorsqu'elle a affirmé que je n'étais qu'une menteuse comme toutes ces péronnelles qui font ce métier uniquement pour se reposer sur le dos des plus faibles, impulsivement, il lui a inventé une histoire totalement dingue.

Effectivement, en seulement quelques minutes, j'étais devenue une petite-petite cousine qui cherchait un boulot d'appoint en parallèle à ses études. Et si on ne s'était pas vus depuis longtemps, il avait choisi de me prendre sous son aile. De plus, compte-tenu de son âge, il avait décidé de cesser son activité professionnelle et de prendre sa retraite.

Qu'est-ce que j'aurais aimé être là-bas quand il lui a appris tout ça. Et le lundi suivant, lorsque je me suis présentée, avec mes bagages, si elle m'a regardé de travers, elle n'a rien dit. Il faut dire, que pour s'excuser du comportement de sa femme et en même temps avoir un œil sur nous deux, il avait décidé de m'héberger. Ce fut donc depuis ce jour, que je suis devenue une fausse Del Castelix. Discrètement, tous les mois, il m'effectuait un virement conséquent et en contrepartie, j'effectuais une partie des tâches ménagères. Quelques mois plus tard, il est officiellement devenu retraité et a pu totalement s'occuper de sa folledingue. Pour ma part, je profitais au maximum de la maison, et de sa verdure tandis que Charles-Henry parvenait à persuader son épouse de l'accompagner chez l'un de ses confrères. S'ils n'ont jamais vraiment su ce qu'elle avait, en revanche, le traitement avait quelque peu eu, au départ un peu d'effet sur elle. De sorte que pendant ses siestes, avec Charles-Henry nous avions développé une vraie complicité. Il était un peu le grand-père que je n'avais pas connu.

Lorsque ma formation a débuté, j'étais trop contente. Et au milieu de toutes ces bourgeoises pleines aux as, j'avais désormais ma place, en me faisant passer pour la petite fille d'un neurologue très connu. Avec l'argent que je continuais de percevoir, j'avais pu améliorer ma garde-robe et tout cela était très plaisant, je dois bien le reconnaître. En revanche, ce que j'étais en train de devenir ne plaisait pas du tout à mes géniteurs. Coincés dans leurs 3 pièces HLM avec encore mes deux frères et sœurs, ils n'avaient quasiment plus de mes nouvelles et avaient bien compris que je voulais changer de conditions sociales. Si au début, ils avaient été contents pour moi, peu à peu, ils avaient compris qu'ils allaient finir par me perdre.

Bien entendu, les chiens ne font pas des chats et ce fut mon père qui, un soir, s'est présenté devant la maison des Del Castelix. Folle de rage à l'idée que la vieille puisse nous voir, je l'ai entraîné plus loin. Et si la discussion fut animée, je parvins, du moins je l'ai cru, à le convaincre d'attendre. Un jour, j'aurais une place très bien rémunérée et j'hériterais de cette baraque. Alors, je les ferais, eux aussi, profiter de tout cet argent. L'avenir me montrera, qu'hélas, il ne faut faire confiance à personne !

Après cette première année de formation, avec Papi Riri comme je l'avais surnommé, lorsque nous n'étions que tous les deux, nous aimions passer des heures à discuter de ce que j'apprenais. Je ne sais pas si c'était vraiment le sujet qui l'intéressait ou tout simplement le fait d'être en ma compagnie. D'après ce que j'avais cru comprendre, il n'avait pas eu la chance d'avoir d'enfants et en souffrait énormément. C'était probablement pour cela qu'il m'avait prise sous son aile. Chez moi, mes parents étaient tellement partagés entre leurs boulots éreintants, mal payés et leur progéniture un peu trop remuante, qu'étant l'aînée, ils n'avaient jamais estimé utiles de me montrer qu'ils m'aimaient. Et maintenant que je commençais à avoir de plus en plus les moyens, ils me tournaient autour comme des vautours !

Une fois, cette cession achevée, à l'issue de très bons résultats et avec l'aide financière de Papi Riri, je parvins à entrer dans la nec plus ultra Artistic Makeup Academy situé à Paris.

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant