Chapitre 2.3

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Une fois mon véhicule stationné, je sors enfin Voldemort de son sac puis nous entrons dans la propriété par le portail entrouvert. Je profite d'un petit bout de pelouse pour le laisser se dégourdir les pattes en laisse. L'avantage que j'ai rapidement pu constater sur cette race, c'est qu'ils ont un seul maître et le suive pas à pas. C'est également ce qui a fait pencher la balance pour ce système de cohabitation. Ainsi, même quand je travaille, il ne restera plus tout seul.

Après un grand soupir, je sonne à l'interphone puis pénètre dès que j'entends la porte se déclaver. Cela doit bien faire six ou sept ans que je n'étais pas venue mais hormis l'entrée qui a été rafraichie, je ne vois guère de changement. Je suis le bruit des voix pour déboucher enfin dans le salon où je retrouve l'amie de Mamie Rose ainsi que deux jeunes d'à peu près mon âge. Nous nous regardons tour à tour... Autant le garçon me fait penser à un gros nounours à qui je ferais aisément un gros câlin, autant la fille... je ne sais pas, je la trouve vraiment sur la défensive. Et puis avec sa coupe de cheveux version camionneur, son teint pâle et ses fringues piteusement noires qui font encore davantage ressortir sa maigreur, on dirait une leucémique. Tout dans son attitude me fait froid dans le dos. Et je ne dois pas être la seule car Voldemort, s'agite dans mes bras et ses oreilles se sont abaissées. Je sens qu'il n'est pas content.

Mais déjà, mon hôte prend la parole.

- Bonjour Alice. Comme tu me l'avais demandé, je vois que Voldemort est de la partie. Tu peux le laisser s'habituer aux lieux. Je te présente, Ghislain et sa sœur Bellatrix. Lui est nouvellement embauché comme chef de chantier tandis que mademoiselle démarre Science Po.

Bon ben, c'est des têtes qui vont partager mon espace. Je vais me sentir un peu plus nulle comme ça.

- Je suis certaine que vous allez bien vous entendre !

Mouai, je n'en suis pas si sûre. Quant à mon chat. J'ai eu beau le poser à terre, il demeure à mes pieds comme un vrai chien de garde. Encore heureux qu'ils n'aient pas eux non plus, un animal de compagnie, ce serait le bouquet.

- Je vous laisse prendre connaissance de vos contrats, qui sont les trois mêmes. Comme je vous l'avais déjà annoncé, vous réglerez en début de mois, d'avance, la somme de 100 € + 20 € de charges. Si je venais à constater que ce n'est pas assez, je reverrais cela à la hausse...

Tandis qu'elle poursuit ses explications en ce qui concerne ce fameux document, moi, perso, j'en n'ai rien à foutre. Ce qui m'intéresse pour le moment, c'est de pouvoir m'installer dans la pièce où je vais crécher. Quand je regarde avec attention le mobilier de cette pièce, je crains le pire. Les divers canapés en cuir, le tapis... aïe aïe aïe, pourvu que mon Voldemort n'ait pas la fâcheuse idée d'y faire ses griffes !

Mais alors que la vieille se tait enfin et que chacun, nous nous apprêtions à signer nos papiers, une grosse voix caverneuse se fait entendre :

- Oh grand Lucifer, retenu dans la nuit, sens-tu ce courant voler ta lumière ?

Si nous sursautons tous, seule la propriétaire se met à rire.

- N'ayez pas peur comme ça ! A voir vos têtes, on dirait que vous vous attendez à voir le diable en personne ! Alors je vous rassure tout de suite, il y a une salle des fêtes à proximité. C'est là que s'entraîne un groupe de théâtre et certains jours, s'ils laissent la porte ouverte, avec le vent, des répliques viennent se perdre jusqu'à chez moi.

Si je ne réponds rien, je trouve cela troublant. C'est un peu comme si nous avions reçu un avertissement de l'au-delà. Il est vrai que malgré l'ameublement de cette pièce, je ressens un froid... Je ne sais pas comment vous expliquer cela. Comme s'il n'y avait pas d'âmes... ou au contraire que la maison soit habitée par des mauvais esprits qui auraient emprisonné toute joie de vivre.

- Je vais maintenant vous montrer quelques tableaux blancs sur lesquels je vous demanderais de vous inscrire quand vous le jugerez nécessaires ainsi que des plannings que j'ai moi-même mis en place et que vous devrez respecter. Par avance, merci.

Je n'y crois pas ! Elle a vraiment tout organisé. On ne croirait pas que c'est la première fois qu'elle tente l'expérience de la cohabitation intergénérationnelle. Mais lorsqu'elle nous guide jusqu'à une petite pièce que je qualifierais de cagibi, je découvre toutes ces listes, je n'en reviens pas. On doit s'inscrire pour annoncer à quels repas, nous serons présents, à quel moment de la journée, nous souhaitons prendre une douche, etc... Pour un peu, bientôt, il faudra indiquer lorsque l'on aura tiré la chasse... Pfff ! Par Toutatis, quand on parlait de corvées, il y en a vraiment beaucoup ! Je vois, lessives, les lundis et jeudis. Repassage le mercredi, balayage tous les matins, vaisselle, poussière... Et à chaque fois, il y a un nom en face.

En fait, je comprends mieux sa motivation à la vieille : non seulement, elle a de la compagnie, on lui fournit son argent de poche mais en plus, on lui sert d'aide-ménagères... Je me demande jusqu'à quel point Mamie Rose aurait apprécié ce genre d'arrangement. Mais déjà, Madame Del Castelix nous enjoint à prendre, à sa suite, les escaliers qui mènent au premier niveau. Alors que nous sommes tous en train de grimper, nous ne pouvons que constater que ceux-ci sont en bois et peu discrets puisque certaines marches grincent quand on pose le pied dessus.

Le premier niveau n'est autre qu'une sorte de palier qui regroupent trois portent ainsi qu'un nouvel escalier plus étroit. Et tandis que la plus éloignée se trouve être la suite de la vieille, comme elle nous le fait vite remarquer, pour le cas où quelqu'un voudrait y entrer, en revanche, les deux autres qui se font face se trouvent être les chambres des frangins-frangines. Pour ma part, je ne suis pas déçue puisqu'il s'agit d'un grenier aménagé. Voilà où mènent ces marches. Effectivement, une fois après avoir abandonné le reste du groupe, seuls Voldemort et moi parvenons dans notre nouvel univers.

Je suis agréablement surprise par la hauteur sous plafond, malgré le fait que celui-ci suive les pentes du toit. Il y a bien au moins trois mètres, au plus haut. Quant à la superficie de la pièce, là encore, celle-ci s'avère plus vaste que mon précédent studio, alors oui, je suis ravie. Mon chacha que j'ai enfin délivré de sa laisse, semble se plaire aussi. Evidemment, le mobilier, quant à lui, est plutôt rustique, mais on ne peut pas tout avoir, de cela j'en suis consciente. Et puis je ne suis là que pour, au maximum, une ou deux années. Donc pour l'instant, je suis très satisfaite. Si, à cet instant, j'avais su...

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant