La musique maléfique...

Chapitre 2.2

- Attends-moi, Mamie, j'arrive. Je ne peux pas vivre sans toi. C'est trop dur ! Je sais que c'est toi qui as fait échouer toutes mes autres tentatives, mais laisse-moi une chance, s'il te plait ! Là-haut, personne ne le saura, si tu fermes les yeux, juste cinq minutes, le temps de me laisser couler. S'il te plait, je t'en conjure, je n'ai rien à faire sur cette terre !

Tandis que je repense à toutes ces heureuses années passées avec ma grand-mère... Les larmes se déversent sur mon visage encore livide. La Bretagne était la région préférée de cette dernière et chaque année, nous nous y rendions en vacances chez sa copine Bérangère et son compagnon. Ces deux s'étaient connus gosses, aimés puis séparés et ce n'est que sur le tard qu'ils se sont retrouvés et mariés. J'avais promis à Mamie Rose que quand je serais grande et que je serais médecin généraliste, que l'on viendrait s'installer ici. Hélas, j'ai tout raté. Quand elle a commencé à être malade, j'allais rentrer à la fac de médecine de Lyon Sud. Or entre une ambiance très spéciale, beaucoup de travail ajouté au souci que me procurait la santé de ma maman d'adoption, je n'ai pas tenu le coup et ai abandonné.

Je me suis alors avancée encore plus près de la falaise, histoire de voir, ce qui risquerait de m'empêcher de réussir mon coup. Mais alors que je m'apprêtais à m'élancer dans le vide, une voix s'est faite entendre :

- Non madame, attention vous allez tomber, c'est dangereux !

Au détour du sentier qui m'avait amenée jusqu'ici, une gamine d'à peine 8 ans, se précipitait vers moi, avec un minuscule panier dans la main. Et comble de l'ironie, si l'espace d'un instant j'avais prévu, moi-même d'en finir, voir courir cet enfant et risquer à tout moment de broncher contre un caillou pour une chute mortelle, m'a poussée à agir vite. M'éloignant alors rapidement de l'endroit où je me trouvais, je suis allée à la rencontre de l'imprudente et l'ai interceptée.

- Allons, allons, qu'est-ce que tu fais là, toute seule ? Comme tu l'as dit, c'est dangereux ?

Mais c'est à ce moment-là que j'ai découvert son visage en pleurs.

- Qu'est-ce qui t'arrives ?

- Ma minette a fait des petits, ce qui n'était pas prévu. Du coup, papa a pu en placer deux mais le dernier, comme personne n'en voulait, il a décidé de le tuer. Je l'ai entendu le dire à maman. Mais moi, je ne veux pas qu'il mort peuchère, alors je me suis enfuie avec. Et puis, je vous ai vu. Vous aussi vous alliez mourir ?

Etrangement, l'espace d'un instant j'ai pu mettre ma peine de côté pour écouter cette petite, si courageuse. Mais soudain, un petit miaou s'est fait entendre. Et lorsque j'ai vu apparaître cette toute petite tête, on peut dire que cela a été un véritable coup de foudre entre cet animal que personne ne voulait et moi qui n'avais plus personne. Avec sa tête fine et ses grandes oreilles, il ne ressemblait à aucun autre chat que j'avais connu. Mais ce fut en redescendant et en trouvant son papa fou d'inquiétude que j'appris qu'en réalité, ce chaton était le résultat d'un croisement non prévu entre leur chatte siamoise et un Oriental Shorthair, voisin de quartier. Il accepta bien volontiers de me céder cette boule de poils mais alors que je souhaitais le lui acheter, il m'annonça qu'en sauvant sa fille, il me devait bien cela. Très surprise, je les ai vivement remerciés après avoir échangé mon adresse avec la petite, afin de pouvoir lui donner des nouvelles de son chaton.

L'avantage d'un animal, c'est que non seulement, il a été prouvé qu'ils détendent les personnes, mais c'est surtout qu'en plus de l'amour qu'ils nous donnent, quand ils sont petits, ils occupent bien nos journées.

C'est donc bien grâce à Voldemort, comme je l'ai instantanément appelé, que j'ai remonté la pente, petit à petit. Et puis, dés que j'ai pu, j'ai vendu cette maison dans laquelle je ne parvenais plus à vivre. C'est avec le petit pécule de mon héritage que j'ai ressenti le besoin de faire un tour de France. J'ai loué un combi de 1971 tout refait à neuf et nous voilà partis, juste mon chat et moi pour treize semaines, à raison d'une région par semaine. On peut dire que cela m'a fortement enrichie en souvenirs mais également en découvertes. Grâce à cette virée, j'ai pu soulager ma peine. A mon retour, j'ai essayé de louer un studio en ville, mais pas moyen de m'habituer. En parallèle, pendant mes vacances, j'ai eu l'occasion de lire des ouvrages très instructifs sur tout ce qui est considéré aujourd'hui, comme surnaturel. Peu à peu, je me suis initiée à la magie blanche, à la cartomancie, et tant d'autres choses dont je n'ai pas envie de vous parler maintenant.

Mais ce fut pour progressivement en revenir aux croyances de la Wicca : « Tu peux faire ce que tu veux, si tu ne fais de mal à personne ». L'harmonie avec la nature en est un élément fondamental, tout comme l'est le respect de toute vie. De tout temps, l'homme a vécu ainsi et a élaboré des pratiques magiques basées sur l'utilisation des herbes et des plantes. Une fois que j'ai compris ce que tout au fond de moi, j'avais besoin, j'ai investi quelques dizaines d'euros dans un grimoire et quelques livres puis j'ai débuté la pratique de rituels tout simples. Au fil du temps, j'ai su mêler mes nouvelles croyances à cette Alice que j'étais devenue.

Et en ce qui concerne mes projets professionnels, il en est de même. Puisque je n'ai pas pu être généraliste, je compte me tourner vers la médecine douce. D'ores et déjà, je me suis inscrite à une formation à distance pour être hypnothérapeute. Oui, ça en jette, je le reconnais. J'ai repris ma vie en main c'est un grand pas. Après, j'envisage un petit éventail de micro formations telles que l'argilo thérapie, etc... Mais tout cela, se fera progressivement. En attendant, pour gagner ma vie, en parallèle, je travaille comme caissière dans une supérette.

Aussi, lorsque la meilleure amie de ma grand-mère, qui prend de mes nouvelles assez régulièrement depuis qu'elle m'avait retrouvée inconsciente, m'a proposé une cohabitation intergénérationnelle chez elle, je n'ai pas hésité longtemps. Il faut dire, que 100 € pour vivre dans l'agglomération lyonnaise, à l'abri du bruit avec un bout de nature... comme dirait Jean-Marc Généreux : J'achète !

Si la rapidité avec laquelle ça s'est fait aurait dû me mettre la puce à l'oreille, j'étais bien trop enchantée de fuir ce studio onéreux et bruyant pour me poser davantage de questions. En revanche, Voldemort s'est montré plus méfiant lorsqu'il m'a vu enfourner son arbre, son lit et toutes ses affaires dans mon combi, acheté récemment. Hop, chacha dans son sac de voyage et nous voilà partis pour de nouvelles aventures !!!

Bon, d'accord, j'exagère puisqu'en réalité, nous ne nous éloignons que d'une quarantaine de kilomètres et surtout, je devrais y retourner pour effectuer l'état des lieux de ce meublé.