"Une vengeance trop prompte n'est plus une vengeance c'est une riposte."
Henry de Montherlant – romancier (1895/1972)
(Elyne)
Alors que je demeurais immobile face à cette femme devenue hystérique devant le corps sans vie de son mari, les minutes se sont égrenées. Il m'était impossible de penser qu'elle était ma mère. Puis soudain, sans crier gare, elle s'est mise à rendre un épais liquide fort en couleur et en odeur, avant, à son tour, de tomber raide. Pétrifiée par ce que je venais de faire, je me suis alors forcée à réfléchir rapidement car je ne devais rien laisser au hasard. Les enquêteurs ne devraient jamais remonter jusqu'à moi.
Déjà, je récupérais les restes de ma pâtisserie ainsi que toutes les affaires dont nous avions pu nous servir pour boire le café et faire ce goûter. Ensuite, je pris un gant en latex que j'avais amené en cas de besoin et une fois enfilé, je me suis forcée à vérifier que mes deux premières victimes étaient bien mortes. Enfin, comme dans un état second, je pris la poudre d'escampette et rentra tranquillement chez moi... enfin chez les Del Castelix. Je fus moi-même prise, dans la nuit qui suivit, d'une forte gastro entérite probablement due aux quelques miettes que j'avais, malgré tout, dû ingérer. Mais je m'en suis tirée sans trop de dégâts. La prochaine fois, je devrais m'abstenir d'en mettre dans ma bouche.
S'il y eu bien une enquête de menée, elle fut rapidement classée puisqu'ils ne parvinrent jamais à identifier le poison ni le mobile de l'assassin. Comme Camilo l'avait prédit, je venais de découvrir le désir du pouvoir.
Si Charles-Henry n'eut pas connaissance de la vérité, il se douta que j'étais responsable mais ne me trahit jamais. Je me mis alors à l'aimer sans demi-mesure. Il devint à la fois mon père et mon grand-père car lui, avait de l'amour à revendre et savait m'en faire profiter alors que mon géniteur ne s'était jamais totalement intéressé à moi, si ce n'était pour des motifs égoïstes.
Quant à la vieille taupe, égale à elle-même, dès que son mari s'absentait, elle trouvait toujours un moyen de m'humilier. Forte de mes nouvelles connaissances en mixions, j'ai commencé à lui faire ingérer à petites doses, un breuvage qui la maintenait hors d'état de me nuire.
Puis les mois et les années sont passées sans qu'aucun obstacle ne vienne plus se mettre au milieu de mon chemin. Au niveau professionnel, j'avais commencé à me faire un nom dans ce cercle assez fermé du cinéma et désormais, je maitrisais totalement mon sujet. Rien de plus excitant que de parvenir à totalement transformer une personne au point que ses proches ne la reconnaissent pas. C'était donc surtout pour des films très spécifiques que l'on faisait appel à moi. Et comme cela payait bien, je me contentais très bien de cette façon de vivre : un boulot et un mec à temps partiel puisqu'avec Camilo, nous nous offrions, à nouveau, de temps en temps des séances détentes au pieu. Voilà comment nous avions appelé ça. Mais lorsqu'en 2010, j'eu la chance d'être contactée pour faire partie de l'équipe de maquilleuses pour un grand film de science-fiction américain, je ne me le fis pas dire deux fois et filais à l'aventure. Si participer au tournage du célèbre "Rise of the Planet of the Apes" fut une sacrée expérience, bien vite, j'ai eu l'occasion de côtoyer le seul autre français de l'équipe : Thiefen Diflou. Designer, sculpteur et prothésiste, c'était lui qui était chargé de produire les têtes de singe, dont ils avaient besoin pour ensuite confectionner des montages-vidéos. Nous nous sommes tout de suite bien entendus et pendant les quinze mois que je suis demeurée à San Francisco où avait lieu les principales scènes, cela nous faisait du bien de pouvoir communiquer en français.
Quand parfois, on dit que les coïncidences font bien les choses, en ce qui nous concernent, Thiefen et moi, si j'étais croyante, j'aurais pu me laisser aller à penser que c'était quelqu'un là-haut qui avait tout mis en place pour nous faire rencontrer. En effet, un jour, alors que l'on évoquait notre prochain retour dans l'hexagone et qu'il m'a demandé où je résidais, sans doute afin de savoir si l'on pourrait occasionnellement se retrouver, il a fait une drôle de tête lorsque je lui ai expliqué où je logeais.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu es soudain tout pale.
- Rien, rien, laisses tomber.
- Ah non alors, dis-moi. Je te rappelle que nous sommes amis.
- Tu veux vraiment le savoir ?
- Bien sûr !
- Je connais très bien Bérangère.
C'est à ce moment que nous avons ouvert la boîte de Pandore, mais ça, je ne l'ai compris que plus tard.
Sur le coup, le travail nous a suffisamment accaparé pour que je ne m'en préoccupe pas davantage. Mais le jour où nous nous sommes dit au revoir à l'aéroport de Paris-Orly, je lui ai fait promettre de venir nous voir.
- Tu sais, je ne suis pas sûr d'être bien reçu. M'avoua-t-il avec un air triste au fond des yeux.
Depuis que je le côtoyais, je ne l'avais jamais vu comme ça.
- Pourquoi ? Si tu les connais bien ?
- C'est une longue histoire et je ne voudrais pas t'ennuyer...
- Certainement pas !
- Et bien disons, que Bérangère et moi faisons partie du même arbre généalogique. Sauf que moi, je suis issue d'une branche que sa famille a cassée, il y a deux générations. Le conflit qui a eu lieu en cette époque, ne concerne aucun des descendants. Or, quand ma mère a été sur le point de mourir alors que je n'avais que quelques années, elle a contacté cette cousine dont elle avait appris par hasard l'existence, au cours d'une hospitalisation. L'autre l'a laissé parler et quand ma mère s'est tue, la seule chose que la nana lui a répondu cela a été, mot pour mot "Je ne suis pas un orphelinat ici, alors démerde-toi"
- A vrai dire, je ne peux même pas être choquée quand tu connais l'engin.
Je lui ai alors raconté en quelques mots, comment je l'avais rencontrée.
- Quand j'ai eu seize ans, toujours à la recherche d'une réponse à ce pourquoi, elle n'avait pas voulu de moi à l'époque, je me suis arrangé pour refaire surface chez elle. Et si elle ne m'a pas reconnu, croyant que j'étais vraiment venu faire une démarche pour classer le manoir aux monuments historiques, Bérangère s'est montrée très agréable et a même accepté de faire un selfie avec moi.
- D'où la photo que tu m'avais montré l'autre jour ?
- Exact. Mais quand je lui ai avoué la vraie raison de ma démarche, elle s'est rembrunit et m'a foutu dehors. Je n'ai pu garder comme souvenir que ce cliché.
- Je comprends mieux ta réaction, mais je te promets, qu'un jour ou l'autre, nous aurons notre vengeance. De toute façon, nous gardons contact, d'accord ?
- Bien sûr, avec plaisir. Prends soin de toi et méfies-toi d'elle, surtout si tu viens à lui dire que tu es désormais mon amie.
- Ne t'en fais pas, je maitrise totalement la situation.
- Je l'espère.
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La musique maléfique...
Mystery / ThrillerBellatrix est une brillante étudiante qui a toujours baigné dans le monde des livres. Pour parvenir à ses objectifs professionnels, elle surenchérit encore et toujours. Une vie sentimentale ? Aucune ! Une vie de famille épanouie ? Que nenni ! Des lo...