Chapitre 10.1

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"Cet amour insensé que je lui porte reste pour moi un insondable mystère."

Marguerite Duras (Artiste, écrivaine 1914 - 1996)

(Ghislain)

Lorsque je rejoins Bérangère, je constate avec surprise qu'elle est seule.

- Il n'est pas là Ronald, je croyais l'avoir entendu arriver ?

- Si, si, mais il a dû passer un coup de fil important.

- Allons bon, ce sont les affaires qui reprennent !

- Pardon ?

- Et bien oui, le travail de détective ça doit prendre beaucoup de son temps libre.

- Ah oui, suis-je bête. Je n'avais pas compris ce que tu me disais.

C'est étrange mais depuis que Alice m'a mis au courant, je ne vois plus ce lieu d'un aussi bon œil qu'à notre arrivée. Déjà que leurs histoires de paranormal m'avaient un tantinet refroidi, cette fois, je ne parviens plus du tout à leur faire confiance et je crains que cela ne finisse par se voir sur mon visage. D'autant que ce soir, je sens Bérangère plus nerveuse que lorsque je suis rentré, tout à l'heure.

Quand Ronald revient, j'ai beau savoir qu'il y a quelque chose de pas net en lui, je n'y peux rien si mon cœur s'accélère. Et lorsqu'il me regarde, et que ses yeux de la couleur de la lavande se mettent à me fixer, je ne parviens pas à me détacher. Tout me plait en lui : ses cheveux blonds coiffés quelque peu en pétard, sa barbe de deux jours qui lui donne un air détendu et moderne...

C'est finalement lui qui rompt le charme, le premier :

- J'ai appelé un collègue pour savoir s'il avait entendu parler de quelque chose car en ce moment car il enquête justement dans le périmètre de l'hôpital.

- Et alors ?

- Pour l'instant, il n'a rien vu et rien entendu. Peut-être qu'elle a voulu se faire discrète quelques jours.

- Mmmm je ne sais pas.

Puis instinctivement mon regard se porte sur ses belles mains viriles. Elles sont solides et ses longs doigts fins ont à l'inverse des ongles courts mais parfaitement manucurés. S'il n'est pas détective, une chose de sûr, il n'est pas quelqu'un de manuel non plus, sinon sa peau serait plus rugueuse et des résidus pourraient s'être fichés dans les recoins des ongles. Tout en fermant les yeux, l'espace d'un instant, j'imagine ses mains se balader sur mon corps et...

Je n'ai pas le temps de m'octroyer un fantasme plus long qu'une présence à mes côtés me force à les rouvrir. Et je me rends compte que monsieur, vient de s'assoir sur le même canapé que moi. Ouf, qu'il fait chaud soudain !

- Je compatis de tout cœur pour ta sœur, tu sais. Mais ne t'en fais pas, tu vas voir qu'on va la retrouver. Tu as pensé à laisser des messages de disparition sur les réseaux sociaux ?

- Euh, non, mais tu as raison, cela me semble une excellente idée.

- Je peux t'aider à le faire, si tu veux ?

- C'est gentil, merci.

Déjà, il se lève, prêt à m'accompagner... dans ma chambre ? Que dois-je en déduire ? Serait-il, lui aussi sous le charme ? A moins que ce ne soit que pour surveiller ce que je fais ? Il faut vraiment que je me réveille ou cela va finir par me retomber dessus... putain d'hormones !

Une fois dans ma piaule, je ne peux m'empêcher de le trouver fort détendu. Tandis que j'allume mon ordinateur et me connecte en priorité sur Facebook, lui s'est nonchalamment installé sur mon lit, en face du fauteuil en cuir noir sur lequel je viens de m'installer.

Je ne sais pas à quoi il s'amuse mais je sens son regard sur moi et lorsque je lève la tête, c'est pour le voir avec ce petit sourire si charmeur tandis que sa langue se passe négligemment sur les lèvres.

- Vas sur ton compte, je vais t'aider à rédiger le texte.

Tandis que je m'acquitte de cette tâche, il se lève et se positionne derrière moi.

- Gigi69 ? Oh oh oh, c'est très sensuel tout ça ! Une véritable invitation au Kama Sutra !

Je ne parviens pas à savoir s'il me fait marcher ou s'il est sérieux.

- Pfff, n'importe quoi ! Gigi était le surnom que me donnait ma grand-mère lorsque j'étais petit. Paix à son âme. Quant au 69, c'est le numéro du département !

- Hi hi hi, je sais, détends-toi. Tu n'as pas d'humour ce soir !

- C'est vrai, mais je te rappelle que ma... sœur a disparu !

- Oui, pardon, je voulais te changer les idées, mais c'est un horrible bide. Au temps pour moi.

- Non, c'est moi qui suis désolé. Quand on touche à Bellatrix, je ne suis pas à prendre avec les pincettes.

- Vas chercher une photo récente de ta frangine, on va l'insérer à notre message.

Il ne peut pas le savoir, mais cette nana déteste cordialement se faire prendre en photo. Donc pour l'immortaliser, il me faut à chaque fois, utiliser des astuces, et parfois les résultats ne sont pas forcément très réussis. Comme Ronald surveille toutes mes manipulations informatiques, je ne veux pas qu'il puisse faire un rapide inventaire de tout ce que j'ai sur mon ordinateur. Je réfléchis donc rapidement au meilleur moyen de trouver ce qu'il me demande quand tout à coup, je repense à ce cliché que nous avions fait tous les deux, lorsque nous étions partis quelques jours à Carcassonne. Un superbe selfie devant les remparts... puis elle avait fini par accepter que je la prenne également seule, tout en jouant sur l'arrière-plan. A cette époque, même si cela ne date que de quelques mois, nous avions particulièrement apprécié nos vacances et avions bien ri. Après dix huit mois de privations face à ce Covid, cela avait été un instant génial. Nous avions vraiment tout oublié et cela se voit sur celle que je finis par lui proposer.

- Vous étiez mignons sur l'autre aussi.

Oups, il a vu notre selfie.

- Tu parles, je suis un vrai rondouillard et elle un sac d'os. A l'école on nous avait surnommé Laurel et Hardy.

- Ce n'est pas très sympa, ça ! D'autant que tu sais très bien que l'apparence n'est qu'une question de modes et de préjugés. Autrefois, dans notre pays, plus tu étais épais, plus cela signifiait que tu étais riche et puis peu à peu, ils se sont mis à aimer les frêles jusqu'à pousser les plus fragiles dans l'anorexie. Perso, je pense que peu importe le physique d'une personne, ce qui compte vraiment, ce sont le caractère et l'aura qu'elle a.

- Whouah, c'est joli ce que tu dis.

- Normal, je suis Pansexuel !

- Euh...

- Je considère que j'aime tout le monde. Peu importe le sexe qu'il a entre les jambes. Je suis attirée par la personne, ce qu'elle dégage et sa personnalité.

- Désolé, je ne connaissais pas !

En réalité, je ne sais même pas pourquoi il a cru utile de me préciser tout ça, mais j'ai subitement encore plus chaud. Je m'empresse donc d'insérer la photo puis nous rédigeons ensemble le texte qui s'affiche bientôt sur ma page Facebook : "Avis de recherche – Disparition inquiétante depuis le 20 septembre. Bellatrix, logeant à Limonest et vêtue d'une tenue noire a disparu dans la matinée. Aidez-nous à la retrouver"

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant