"La découverte est un plaisir aussi subtil et intéressant que la connaissance"
Jacques Lamarche (romancier et essayiste québécois)
Je m'appelle Alice... Si ma mère m'a donné ce prénom, c'était en référence avec le célèbre roman "Alice au pays des merveilles". Si je l'ai gardé, c'est parce que c'est aussi celui de deux personnes très connues : Alice Kyteler, irlandaise née en 1280 et Alice Parker, pendue en 1692 à Salem, toutes les deux accusées de sorcellerie. Enfin, leur notoriété touche surtout les personnes qui, comme moi, sont dans le milieu wiccane.
Pour ma part, je ne suis pas tombée dedans quand j'étais petite, mais seulement depuis un peu plus de deux ans. A cette époque, après s'être battue durant de très longs mois contre cette saloperie de maladie qui ne respecte personne, Mamie Rose, a trouvé la délivrance et s'en est allée plus haut.
Cela m'a littéralement anéantie. La personne que j'aimais le plus au monde m'avait abandonnée. Ma vie n'était plus que souffrance et pleurs. Peu à peu, moi qui, avant cela, avais une vie sociale épanouie, je me suis retrouvée seule, sans plus aucun goût à la vie. Pour ceux qui ne comprennent pas à quel point j'ai été touchée, il faut savoir que mes parents ont fait partie de ces 2 977 personnes, tués lors de l'attentat du 11 septembre 2001. J'avais huit mois et ma mère m'avait laissée à Mamie Rose pour son premier déplacement professionnel depuis ma naissance. Tous deux étaient reporters et notre séparation ne devait durer qu'une semaine. En définitive, je n'ai aucun souvenir d'eux, hormis des photos. Pour moi, c'est moins douloureux que ce deuil, dont j'ai été victime, il y a maintenant 19 mois, 14 jours et 6 heures, quand l'hôpital m'a annoncé cette horrible nouvelle. Je venais tout juste d'avoir dix neuf ans, quelques semaines auparavant mais ne m'en étais pas le moins réjouie puisque je connaissais déjà la fin tragique qui attendait la seule personne qui m'avait élevée et aimée.
Du jour au lendemain, j'ai tout perdu ! Ma joie de vivre, mes espoirs, mon cœur et ma volonté. Peu à peu je me suis enfoncée dans les dédales de l'enfer. En six mois, j'ai tenté quatre T.S. sans seulement y parvenir. La première, peut-être la plus réussie, j'ai avalé toute la pharmacie de Mamie Rose. Dans ceux-ci, des cachets assez forts auraient pu faire leur boulot si la meilleure amie de ma grand-mère n'avait pas débarqué à l'improviste. Il semble, d'après ce que l'on m'a eu raconté, qu'elle ait aperçu ma silhouette au sol par la baie vitrée de la pièce à vivre. C'est à elle que je dois d'être encore en vie car elle a vite appelé les secours à l'aide de son smartphone probablement aussi âgé que moi. Bon sang, mais quelle conne ! Si au moins, j'avais pris la peine de faire ça dans ma chambre... Mais non, avant de mourir, j'ai voulu m'assoir dans le fauteuil de Mamie Rose, d'où elle a regardé, jusqu'à sa dernière hospitalisation, son magnifique rosier, planté sur la terrasse.
Après quelques semaines de surveillance, je suis parvenue à berner tout le monde médical qui, en raison du premier confinement pour le Covid19, m'avait laissé rentrer chez moi. En effet, après avoir enjambé un pont qui se trouvait au-dessus de l'autoroute j'ai sauté. Sauf que cela ne pouvait arriver qu'à moi, ce genre de connerie ! Au moment, où je pensais chûter sur le bitume et me faire écraser par un camion, le chauffeur m'a repéré et accéléré... C'est bon ça ! Plus vite je suis écrabouillée, moins longtemps j'ai peur. Mais peine perdue puisqu'en réalité, il s'agissait d'une sorte de camion benne qui transportait... du sable !!! Et c'est là-dedans que j'ai atterri. Résultat : même pas une égratignure.
Ce mec, je l'ai trouvé adorable car au lieu de m'emmener au commissariat ou autre, il a choisi de s'arrêter sur une aire d'autoroute. Là, après que je lui ai eu raconté le pourquoi du comment j'avais pu faire ça, il a commencé à m'expliquer que c'était sans doute Mamie Rose, qui, en veillant sur moi, était parvenue à déjouer une nouvelle fois ma tentative. Lui-même ayant connu un drame familial, s'était tourné vers ce que vulgairement aujourd'hui, on appelle la sorcellerie, la magie et toutes ces choses que l'on ne peut pas trop expliquer. Il m'a alors conseillé de faire des recherches internet à ce sujet et m'a donné plusieurs coordonnées. Après m'avoir laissé son propre numéro de téléphone, il m'a alors appelé un taxi, avant de me quitter.
Une fois chez moi, j'ai fait ce qu'il m'avait conseillé, mais les résultats donnés par Google ne m'ont pas convaincue. Pour quelqu'un qui ne connaît rien dans ce domaine, taper "sorcellerie" vous donne plutôt froid dans le dos lorsque vous lisez de tels définitions "La sorcellerie est l'ensemble des pratiques fondées sur l'invocation et la manipulation des forces occultes. Ces rituels de magie font appel aux forces de la nature ainsi qu'aux esprits et démons."
Quelques jours plus tard, n'y tenant plus, j'ai récidivé en tentant, cette fois-ci, de mettre fin à mes jours en ouvrant le gaz et en fermant bien toutes les portes et fenêtres. Sauf que le désavantage d'une villa plain pieds, c'est qu'il y a peu de portes : cuisine ouverte et grand espace à vivre. Résultat, il m'a fallu des heures avant que je ne commence à sentir le gaz et encore beaucoup plus pour qu'enfin celui-ci commence à m'apaiser, après avoir manqué d'air. Mais une nouvelle fois, coïncidence ou pas, une voisine qui m'avait vu rentrer et avait essayé plusieurs fois de m'appeler, a fini par vérifier que je n'essayais pas de me foutre en l'air. Sacrés cancans de village ! Ca va vous paraître con, mais je n'ai pas pensé à fermer à clés mon chez moi... enfin pas tout à fait chez moi puisque toute la paperasserie notariale ne faisait que commencer. Bref, sans gêne, cette bonne femme a tenté de rentrer et comme ce n'était pas verrouillé, elle a tout de suite senti le gaz. Elle a rapidement ouvert toutes les fenêtres, arrêté le four et appelé les secours. Et vlan ! Cette fois-ci, cela m'a valu un internement pour quelques mois. J'en suis ressortie avec une dose massive de tranquillisants tandis que les français qui se croyaient sortis définitivement du confinement, envisageaient des vacances bien méritées. De mon côté, j'ai traîné encore tout l'été comme une zombie. Puis fin août, j'ai décidé de m'offrir un week-end dans le Finistère. Il faut dire que j'avais une idée en tête. Quand vous connaissez ce département, toutes ces côtes sauvages ne laissent personne indifférent. Soit, vous adorez cette impression d'être seul au monde, soit vous détestez. Pour moi, c'était le lieu idéal pour finir ce pour laquelle j'avais trop de fois échouée. Mes cachetons, me demanderez-vous... Tout arrêté ! Bref, après avoir pris soin de me choisir le parfait lieu pour cela, je me suis accordée un dernier instant de réflexion puis pour la première fois depuis que j'avais perdu Mamie Rose, je me suis mise à lui parler.
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La musique maléfique...
Mistero / ThrillerBellatrix est une brillante étudiante qui a toujours baigné dans le monde des livres. Pour parvenir à ses objectifs professionnels, elle surenchérit encore et toujours. Une vie sentimentale ? Aucune ! Une vie de famille épanouie ? Que nenni ! Des lo...