Chapitre 13.3

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L'espace d'un instant, je me sens étrange... comme si j'étais une plume qui voltigeait dans la pièce, sans peur, ni préjugé. Lorsqu'il s'empare de mes lèvres, ce n'est pas le contact de sa langue qui entreprend une danse lascive avec la mienne que je sens. Mais comme si nous avions été tous deux entraînés dans une montagne russe avec des sensations vertigineuses. A ce moment-là je crois même être parvenue à avoir un orgasme, juste à partir d'un seul baiser. Puis, comme il maitrise absolument tout, il m'annonce qu'il est l'heure pour moi, de recevoir mon baptême. Docile comme je ne l'ai jamais été de toute ma vie, je le suis avec un certain enthousiasme mêlé à une ombre de panique.

La pièce dans laquelle nous rentrons est... comment dire cela... abject ! Ici, tous les murs sont recouverts de miroirs autocollants, ce qui fait qu'en un instant, on se voit sous tous les angles. Le plafond peint en noir est parsemé de marguerites roses un tantinet psychédéliques. Le sol, en revanche est recouvert d'une série de matelas ajustés les uns aux autres et sur lesquels sont posées des épaisseurs de draps et de peaux de zèbres. Si en matière de couleurs, du sol au plafond, tout est dans une palette de noir et blanc, cela tranche étonnement avec le lieu que nous venons de quitter. Quelque chose, en ces murs, revête un pouvoir quasi animal, de sensualité. Je suis moi-même surprise de me trémousser contre cet homme si viril, dans l'attente bestiale qu'il me fasse sienne ici devant tout le monde. Mais qui pourrait réellement se préoccuper de nous puisque face à nous, je n'aperçois plus que des corps nus, emmêlés les uns aux autres...

Ce n'est que le lendemain matin, lorsque je me réveille au milieu de tous ces gens, que je prends conscience de ce qu'il s'est réellement passé. Mais le responsable de cette soirée n'est plus là. Avec lui, je viens de découvrir la démesure du désir. D'ailleurs, avant de m'entraîner dans la luxure, il m'a affirmé très clairement :

- Si tu restes avec moi, tu seras ma muse. Ce soir, je vais t'apprendre le désir de la chair. Plus tard, quand tu seras prête, je t'apprendrais le désir du pouvoir et celui des honneurs. Avec ça, tu deviendras invincible comme moi.

Une fois en pleine conscience, je me suis sentie sale et me suis promise de ne plus le fréquenter. Pendant le reste de la semaine, je me consacrais entièrement à ma formation, sans jamais me plaindre et surtout, j'évitais celle que j'avais considérée, un temps, comme mon amie. Mais lorsque, le vendredi suivant, alors que je sortais du cours que j'avais eu, je tombais nez à nez avec Camilo. Aussitôt, je sentis mon corps se recroqueviller. Une partie de moi-même cherchait à le fuir, tandis que l'autre s'imaginait déjà se mouvoir contre lui... A son contact, je n'étais rien d'autre qu'une faible et je l'appris bien vite à mes dépends. Je n'ai jamais su, si à cette époque, il m'a vraiment aimé mais notre étrange liaison a duré tout le temps de ma formation. J'étais sa chose et il m'a tant appris...

Etrangement, une fois revenue au manoir, mon mec ne m'a pas manqué. C'était comme si ma volonté savait que l'on se retrouverait plus tard mais qu'en attendant, j'avais une mission à accomplir. J'apprenais le désir des honneurs : l'orgueil.

Et si je n'avais pas été très présente pour ma famille, celle-ci s'était, en mon absence, montrée bien gourmande. Je ne sais pas comment ils avaient appris pour Charles-Henry et moi, ce lien quasi paternel qui nous liait mais ils avaient, eux aussi, voulu leur part du gâteau. Et sous la menace de tout dévoiler à sa femme, ils étaient parvenus à lui extirper une grosse somme d'argent. C'est à partir de là, que j'ai commencé à étudier l'herboristerie. Bientôt je fus appelée dans la capitale pour maquiller une star internationale qui allait, durant un mois, changer littéralement de tête. Si mon boulot était extraordinaire, ce fut pour moi, l'occasion de retrouver Camilo. Nous ne couchions désormais plus ensemble, par contre, il m'instruisit les bases pour fabriquer des potions. D'une rare complexité, cela a requiéré beaucoup de savoir. Mais une fois novice, je me suis montrée à la hauteur pour inventer moi-même de nouvelles recettes. Pour être la meilleure en ce domaine, il ne suffisait pas de connaître les propriétés magiques et la valeur symbolique de diverses herbes, fleurs et épices, mon atout était mes connaissances en herboristerie.

Une fois, ma mission maquillage achevée, je retournais à Limonest, coincée entre le luxe avec en option, un amour paternel sincère de la part de cet homme resté sans enfant, et de l'autre, un couple de géniteurs qui n'en n'avait jamais rien eu à faire de moi mais que ma prospérité intéressait soudainement un peu trop.

Mes nouvelles connaissances m'ont alors permises de fabriquer une solution buvable, sans goût et sans odeur capable de tuer un éléphant. Puis, alors que père biologique m'avait à nouveau contacté pour me rencontrer, et ce dont je ne doutais plus, m'extirper à nouveau de l'argent, je me suis mise à confectionner un cake aux fruits dans laquelle j'insérais le contenu d'une fiole entière de cette potion que j'avais déjà expérimenté, au cours de ces dernières semaines, sur des chiens et chats du quartier.

Profitant d'un printemps magnifique, j'avais opté pour voir mes parents dans un coin de campagne à l'abri des regards indiscrets. Je savais que je ne risquais rien du côté de mon frère et de ma sœur puisque grâce à mon argent, ils bénéficiaient de bonnes études, loin de cette cité HLM qui m'a vu grandir. En revanche, ce qui les aura perdus, c'est qu'ils avaient toujours pris soin de cacher comment ils obtenaient cet argent.

Quand le moment fut venu de déguster mon cake fait maison, je prétextais une certaine contrariété pour n'en prendre qu'une toute petite part que je fis semblant de manger mais qu'au fur et à mesure, je recrachais discrètement au creux de ma main. Les résidus se retrouvant au fur et à mesure, dans ma poche de blouson. De leur côté, mon père n'était pas déçu de cette entrevue puisqu'il venait d'obtenir une liasse de billets et la promesse d'en recevoir une nouvelle tous les mois. Il me connaissait si mal que pas un instant, il n'a pensé que je pourrais, un jour, devenir plus fort que lui. Sauf que lorsqu'il s'est soudainement écroulé sur la table de pique-nique autour de laquelle nous nous étions installés, j'ai été prise au dépourvu devant une telle rapidité d'exécution. Ma mère s'est alors mise à hurler, me demandant d'appeler les pompiers. Mais moi, je restais immobile, comme figée. Je n'avais pas prévu de voir mon géniteur, les yeux révulsés, ce liquide verdâtre, s'écoulant de sa bouche. J'étais en train de réfléchir pourquoi lui et pas ma mère... En avait-elle moins mangé ? 

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant