Chapitre 8.1

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"Séparer pour mieux régner, ce n'est pas un signe de loyauté, mais de manipulation."

Ecrivaine et poète française (1904-1985)

(Bellatrix)

- Saloperie de réveil !

Je donnerais tout ce que j'ai afin de pouvoir encore dormir quelques heures. Mon Dieu que j'ai mal à la tête ! On dirait que j'ai fait la fête toute la nuit... Pourtant c'est loin d'être le cas ! D'ailleurs, tandis que je garde encore les yeux fermés, durant un laps de minutes, j'essaie de me rappeler ce que j'ai fait la veille au soir pour me sentir aussi mal ce matin.

Voyons... j'ai soupé avec Bérangère et Ghislain... Celui-ci a abrégé son repas puis il est monté se coucher... Après ma corvée vaisselle, je suis allée le rejoindre... J'avais envie qu'il me serre dans ses bras mais j'ai trouvé sa chambre vide.

Je me suis alors rendue jusqu'à chez Alice car soit il était avec elle, soit elle aurait une idée. Quelle n'a pas été mon agacement de le trouver là-haut, seul avec cette dévergondée en sous-vêtements ! Mais pour qui se prend-elle d'abord ? La moindre des choses est de s'habiller quand on reçoit un homme dans sa chambre ! A moins qu'elle ait eu dans l'idée de se le taper ! Quelle déception a-t-elle dû ressentir lorsqu'il lui aura fait comprendre ne pas être intéressé.... Euh... il n'était réellement pas intéressé puisqu'il aime les hommes... à moins qu'il soit bi... Et en ce cas-là, c'est moi qui ne lui plais pas !

J'ai beau essayer de me convaincre de ça, j'ai beaucoup de mal ! Et puis quand j'y repense, lorsqu'on était jeune, il m'aimait bien avec mes tenues totalement loufoques et gothiques. Il recraque peut-être pour son look. Il est vite reparti. Pourquoi ? Parce qu'il était gêné que j'aie pu remarquer son manège ou pour échapper à cette sorcière en manque de mâle ?

D'ailleurs, je ne me rappelle pas de grand-chose après. Que s'est-il passé ? Ah oui, elle a tiré les cartes et... Oh mon Dieu, elle connaît l'intégralité de mon secret ! Comment a-t-elle réussi ce tour de magie ? Même Ghislain ne sait pas tout ! Mais c'est une véritable sorcière cette nana. Il va vraiment falloir que je me méfie d'elle ! Si elle recommence ça, je vais être obligée de la faire taire à tout jamais ! Euh... c'est moi qui viens de m'imaginer entrain de lui trancher le cou pendant son sommeil ? Mais que m'arrive-t-il ? Je ne suis jamais aussi virulente et si j'avais pu l'être cette année-là....

Une bonne douche m'aide quelque peu à me détendre mais Ghislain me manque. J'ai terriblement besoin de lui et de ses mains.... Sur moi... En moi ! Je sors brusquement de la douche et dans ma précipitation, je manque me casser la figure !

- Bordel de merde à la chicologougna ! Je viens de m'éclater le gros orteil !

La douleur m'a fait jurer comme un charretier mais mon doigt de pieds n'a pas aimé le contact violent contre le meuble de la salle de bain !

Après avoir effectué pendant quelques minutes la danse zumba du pieds en l'air, je rétablis mon équilibre et finis de me sécher. Une fois prête, je prends mes affaires et passe directement par la porte d'entrée. Le petit déjeuner attendra ! Je n'ai pas vu Ghislain, qu'il aille au diable ! Moi j'ai des cours importants et je suis déjà suffisamment en retard comme ça.

Une fois n'est pas coutume, installée dans ma Mini Cooper, je mets la gomme et ne respecte pas tous les panneaux de vitesse. Non mais franchement, ils nous prennent pour des benêts ou quoi ? Je ne crains rien en ligne droite !

Qui a pensé que j'étais mal lunée et un peu de mauvaise foi ? Ben ce n'est pas sympa, mais c'est vrai. Faute avouée, à demi pardonnée !

Cette première semaine d'intégration est intense mais enrichissante. J'ai la sensation de courir partout. On a assisté à des réunions d'information, ils nous ont sensibilisés à l'égalité homme/femme, puis nous ont fait participer par petits groupes à des ateliers d'art oratoire.

Le premier jour, la doyenne du Collège universitaire, a félicité les étudiants, avant d'annoncer que l'on attendait trois choses de nous à Sciences po : "Du travail, du travail et... du travail !". Cela a rapidement pris tout son sens.

Ce matin, je m'installe dans un amphithéâtre déjà surchauffé à l'instant où un écrivain québécois d'origine haïtienne démarre ce moment de partage où il fait cas de littérature, de politique, de liberté... Impressionnée par la réflexion de l'auteur sur l'écriture, je retiens que "bien écrire ne veut pas dire écrire bien" et qu'il faut "donner du sens aux mots"... Un conseil à retenir pour les dissertations à venir.

Pour la pause repas, je m'empresse de rejoindre deux nanas avec qui j'ai déjà quelques affinités. Je sais une chose, c'est que même si je préfère être seule, il ne faut jamais le montrer et au contraire s'afficher avec des personnes qui ont une grande notoriété. Mais alors que je me contente d'avaler une salade tout en les écoutant narrer les diverses options qu'elles ont prises, je les vois tout à coup se taire et se pencher pour apercevoir quelqu'un derrière moi.

Plus la personne semble se rapprocher, plus ces demoiselles en font des tonnes pour se faire remarquer et bien évidemment, cela fonctionne puisque celui-ci s'arrête à notre table. Si au début, le visage penché au-dessus de mon assiette, je ne distingue qu'un jean, lorsque celui-ci leur demande quelles langues elles ont choisi. Il m'a suffi d'entendre cette voix... Non ce n'est pas possible ! Mais que fait-il ici ? En panique totale, je me lève brusquement et tente de formuler un au revoir aux filles, mais je me retrouve bientôt face à face avec celui que depuis tout ce temps, j'essaie d'oublier.

S'il est, lui aussi, surpris de ma présence en ces lieux, bien vite, je perçois une lueur sournoise dans son regard. Je me fiche pas mal, en cet instant, de ce que peuvent penser les filles et je file à vive allure comme si j'avais un grizzly à mes trousses.

Science Po propose de nombreux cours de langues, y compris les plus rares. Si j'ai justement misé sur mes facilités linguistiques pour apprendre entre autres, le russe, l'arabe littéraire et le chinois, je crains de devoir renoncer au portugais car je suis certaine que c'est cela qu'il enseigne ici, comme à l'époque.

- Tu le connais déjà, n'est-ce pas ?

Je sursaute en même temps que je me rends compte, que finalement ces écervelées m'ont rattrapée dès que le sujet de leur fantasme les a abandonnées.

Je suis obligée de prendre sur moi pour leur répondre, le plus franchement possible :

- Effectivement, c'est le frère du compagnon de ma mère. Je ne savais pas qu'il enseignait ici.

- Il est trop beau gosse. Je suis certaine de passer de bons moments avec un étalon pareil.

- Je vais devoir apprendre quelques mots bien précis en portugais !

- On a justement cours avec lui cette aprèm. Toi aussi, je crois ?

- Non, non. Je me suis désinscrite, je préfère essayer l'hindou. Le portugais, je l'ai appris en seconde langue au collège et je voulais m'améliorer mais j'ai changé d'avis.

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant