Chapitre 11.3

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Si pendant quelques semaines, je me suis à nouveau remis en question, ne parvenant plus à savoir si mon métier me rendait heureux ou si je devais totalement y renoncer. Ce fut en discutant avec des collègues, que je me suis décidé à changer de spécialisation. La gynécologie était devenue mon sujet tabou. J'avais de plus en plus de mal à supporter de jongler entre les espoirs de certains et le déni pour d'autres. Si je ne devais, en aucune manière, juger mes patientes, quelques cas, avaient finit par me faire sortir de mes gonds. L'une d'entre elle, par exemple : une femme de 37 ans, avec déjà six gosses à son actif, tous placés en foyer pour mauvais traitements, et qui avait faire de l'interruption de grossesse, son nouveau moyen de contraception. J'avais déjà dû la faire avorter cinq fois en... quatre ans ! Quand je pensais, à ces personnes qui tentaient tout ce qui était possible, au détriment de leur santé, pour parvenir à achever leur grossesse, il était temps pour moi, de tourner la page !

D'autant plus, qu'au début des années 70, avec le développement de l'imagerie par résonnance magnétique, la neurologie était un secteur de choix pour qui souhaitait changer le monde. Bien sûr, cela ne s'est pas fait en un jour. Pour obtenir une nouvelle qualification de spécialiste, j'ai dû justifier d'une formation et d'une expérience qui m'assuraient des compétences équivalentes à celles requises pour l'obtention du diplôme d'études spécialisées sollicitée. Puis je suis passé devant l'Ordre des médecins. Pour tout ça, rien de mieux, pour moi que la Bretagne. C'est d'ailleurs là-bas que je me suis installé, dans tous les sens du terme puisque j'ai également fait la connaissance de Kristen, ma cadette de vingt ans. Mais peu importe, elle a su me séduire de par sa joie de vivre, son authenticité et sa générosité. Elle était riche, j'avais un métier classe, et lorsque nous nous sommes rencontrés, nous étions tous deux trop seuls. On savait qu'il n'était pas question d'amour entre nous mais d'une superbe amitié et je dois bien reconnaître que c'est ce que j'ai toujours recherché.

Mais un jour, alors que cela faisait douze ans que je vivais avec cette gentille femme, à l'hôpital de Brest où j'exerçais, je n'ai pas eu affaire à une patiente tout à faire ordinaire. Elle avait une tumeur au cerveau situé si profondément qu'elle était inopérable. Dieu merci, nous avions un protocole tout à fait intéressant pour lui permettre de continuer à vivre sans qu'elle ne souffre de ces horribles migraines qui sont propres à cette maladie. D'autant, qu'elle n'était pas cancéreuse. N'ayant pas grossi en six mois, il n'y avait pas de raison que cela change mais il allait falloir la surveiller de près. Voilà comment j'ai hérité de cette patiente, lorsque mon collègue qui la suivait, est parti à la retraite. Quand j'ai vu son nom, j'ai trouvé la coïncidence troublante... Quand je l'ai vu, j'ai senti quelque chose au fond de moi qui se réveillait. Mon Dieu, la femme que j'avais devant moi était bel et bien l'amour de ma jeunesse ! Ce fut instantané entre nous. Bien sûr, nous avions tous les deux changés physiquement puisque nous avions désormais la cinquantaine, mais lorsque l'on se regardait dans les yeux... on retrouvait notre âme d'adolescents amoureux et c'était si bon !

Si les mois sont passés très vite, plus nous nous rencontrions pour des raisons médicales, plus nous avions envie de nous revoir à l'extérieur. Comme elle était devenue infirmière à domicile, elle avait dû abandonner son métier car trop fatiguant en son état et son nouveau statut d'invalide ne lui convenait pas du tout. Moi, en revanche, plus le temps passait, et plus je me sentais mal, coincé entre ma relation stable avec Kristen et cet amour dévorant avec Bérangère. Car bien sûr, après avoir résisté autant que nous avons pu, nous avons sombré dans le statut d'amants. Je ne lui avais pas caché que je vivais désormais avec quelqu'un et elle avait pris ça avec une certaine philosophie. De son côté, Kristen, qui avait senti qu'il y avait une autre femme dans ma vie, commençait très clairement à me faire des scènes de jalousie et à me demander de choisir entre elle et mon ex. Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais sans doute par peur de tout perdre, j'ai choisi d'orienter Bérangère chez un autre confrère, lui affirmant que c'était mieux ainsi. Car mon amour pour elle, pouvait me faire me voiler la face si un jour, je détectais quoi que ce soit d'anormal. C'était faux mais elle a semblé s'en contenter. En revanche, nous avons continué à nous voir une fois par semaine, à l'hôtel le plus proche de mon lieu de travail.

Et puis un jour, ma compagne officielle ne s'est pas trouvée bien. Et en seulement quelques heures, elle est morte dans mes bras. Nous avons eu beau faire tous les examens nécessaires, nous n'avons rien trouvé d'anormal. Puis la police a embarqué feu ma compagne pour une autopsie et là encore, ils n'ont détecté aucun empoisonnement ou autre. Je l'ai faite enterrée dans son caveau familial, comme elle l'avait souhaité mais je fus, en revanche, très surpris, lorsqu'un notaire me convoqua pour l'ouverture du testament. Je n'avais jamais su que ma compagne avait refait un testament en ma faveur, ce qui n'avait sûrement pas dû plaire à sa propre famille avec qui elle s'était brouillée en se mettant avec moi, le vieux.

Etrangement, si j'ai eu beaucoup de peine face au décès de cette jeune femme, à peine âgée de 34 ans, je n'ai pas réalisé qu'il s'agissait de ma compagne. Je pense qu'inconsciemment, j'étais dans un total déni et que mon amour pour Bérangère avait tout bonnement repris sa place.

Par pudeur, j'ai laissé s'écouler un an puis j'ai fait une belle déclaration d'amour à celle que je n'avais jamais pu oublier et qui, peu à peu, avais pris la place de Kristen, se débarrassant très vite de ses affaires, ce que j'avais, bien entendu, compris.

Ce jour-là, je profitais d'une journée de repos pour embarquer Bérangère dans une expédition très romantique. En effet, ce fut au cours d'une croisière sur un deux mâts, surgis du passé pour le plaisir des touristes, que je l'ai, officiellement demandée en mariage, un genou à terre. Si elle m'a tout de suite dit oui, j'ai senti en elle, une très grande joie. Mais ce n'était pas tout, avec l'héritage de Kristen, je lui offrais un retour dans notre département d'origine.

- Je projette d'abandonner mon poste à l'hôpital et de monter mon propre cabinet de neurologue. Mais je voudrais le faire, là où nous nous sommes connus. Qu'en penses-tu ?

Je lui ai alors, montré une annonce immobilière pour laquelle j'avais eu un véritable coup de cœur. Elle aussi a littéralement craqué pour ce manoir situé dans la commune de Limonest.

Voilà, comment, six mois plus tard, je me tiens là, face au Maire qui vient de nous déclarer unis par les liens du mariage. Et si, nous avions décidé de n'emménager dans ce petit coin de paradis qu'une fois mariés, cela va enfin être possible.

La musique maléfique...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant