L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]

Chapitre 3.III

  𝓣éo vit la servante arriver. Pourtant, elle ne changea pas sa trajectoire.

– Par tous les dieux ! s'exclama la domestique tandis qu'elle lui rentrait dedans.

La jeune Espionne fit tomber ce qu'elle tenait dans ses bras, tout en se répandant en excuses. La servante la fusilla du regard, mais n'osa rien dire en apercevant la tenue qu'elle portait (un uniforme qui montrait qu'elle avait un rang plus élevé). Tandis qu'elle rassemblait sa pile de serviettes, la servante repartit d'un pas énergique.

Tout en se relevant, Téo tira sur le col de sa robe, en jurant mentalement. Au moins, elle avait la réponse à sa question. Les robes de domestiques tenaient bien trop chaud. Elle passa une main dans sa nuque pour décoller les quelques cheveux qui avaient fuis son chignon, en maudissant l'été.

Elle n'était pas du genre à se plaindre, mais elle détestait l'été, la chaleur, la sueur et toutes les autres choses liées à cela.

Évitant quelques nobles qui traînaient dans les couloirs, elle baissa la tête et serra la pile de serviettes prise à la blanchisserie – une raison pour laquelle elle pouvait se retrouver dans les couloirs plus privés.

Elle avait bridé du mieux qu'elle pouvait son impatience, décidée à ne pas faire rater sa mission parce qu'elle n'avait pas prit le temps de prendre en compte toutes les informations. Ainsi, après une semaine et demie d'observation, elle connaissait la disposition de toutes les issues qu'elle pourrait emprunter si on la démasquait, mais aussi les habitudes de la famille Noiselas, la famille du sénateur.

Ainsi, elle savait que Téonal Lion passait peu de temps avec son épouse, une jolie tête de linotte aimant parler potin et chiffon avec ses amies. Derlinal Noiselas, le fils aîné, visitait souvent ses (nombreuses) conquêtes. Narrie Anselly, la plus âgée des filles – et également la seule mariée – venait tous les jours voir sa mère, à qui elle ressemblait énormément, amenant toujours sa ribambelle de rejetons ingérables. Evamelyn Noiselas, d'un an la cadette de sa sœur, passait ses journées entre sa chambre et le temple du Faucheur, éternellement de mauvaise humeur depuis l'accident qui lui avait coûté l'usage de ses jambes. Enfin, Isebell Noiselas, la benjamine, se trouvait à Monocle (cela, Téo le savait de Kan), et détestait sa famille, ne rentrant chez elle qu'une fois par an.

Téo avait repéré les horaires auxquels le sénateur se trouvait dans son bureau, mais également ceux où il dormait et ceux où il se trouvait avec sa famille (ou sa maîtresse, cela, la jeune fille ne le savait pas).

Dans tous les cas, à cette heure-ci, il devait être en train de dîner. Téo jeta un coup d'œil à travers la fenêtre, et observa quelques instants la lumière orange baigner la cité. Même si elle trouvait Opaltys bien plus jolie avec ses maisons beiges, elle devait bien avouer que celles d'Alcade devaient être tout aussi résistantes. La cité des lions possédait des rues plus larges que celle d'où venait la jeune fille, et elle avait la désagréable impression d'être à la vue de tous lorsqu'elle les arpentait. Il y avait peu de recoins où se dissimuler, elle n'aimait pas cela.

Elle cligna des yeux pour ramener ses pensées à son travail. Si une autre domestique la voyait sans bouger alors qu'elle tenait une pile de serviettes, elle la réprimanderait certainement avant de l'amener à une supérieure. Or, il serait embêtant pour elle de se justifier alors qu'elle n'avait aucun emploi ici.

Elle reprit son chemin, tout en passant rapidement une main au niveau de sa taille. Si ces énormes robes avaient bien un point positif, c'était le fait qu'elles étaient couvertes de dentelles. Ainsi, après avoir fait des mesures, Téo avait pu faire un trou dedans très discret sous un pan de dentelle, et y glisser le fourreau de son épée. Certes, celui-ci n'était pas voyant, et elle pourrait dégainer Dard facilement en cas de danger, mais le fait de le sentir battre contre sa jambe lorsqu'elle marchait l'agaçait au plus haut point.