L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]

Chapitre 24.III

– 𝓐 quoi penses-tu, Kanwill ? demanda Noal.

Kan ne tourna pas la tête vers sa mère. Il continua à observer les rayons de soleil tentant de percer avec difficulté les gros nuages de pluie s'éloignant vers le nord. Il était pensif, et Noal n'y était pas pour rien.

– À rien, répondit-il, même si c'était techniquement impossible.

La veille, lors de son retour d'Opaltys, il avait surpris une conversation entre sa mère, son père, et l'Originale. Une conversation ne lui ayant pas plu sur un point. Une conversation qu'il était heureux d'avoir surpris. Une conversation dont il devait discuter avec Noal, et a qui il devait faire croire qu'il était furieux sur tous les points.

– Ce n'est pas possible, de ne penser à rien, fit-elle remarquer.

Kan tourna la tête d'un coup, fixant d'un air mauvais sa mère de ses yeux bleus (il ne se savait pas si bon acteur). Une de mèches noire comme l'ébène gêna sa vision, et il songea qu'il ne s'était pas rendu compte de la longueur qu'avait acquis ses cheveux. Il devrait bientôt les couper. Ses voyages le rendaient négligent, cela ne lui plaisait guère, lui qui faisait toujours attention à son apparence. Mais ce n'était pas le moment de penser à ceci.

– En effet, concéda-t-il. J'étais en train de me demander : quand est-ce que vous aviez l'intention de me dire que vous aviez conclut un mariage arrangé entre Delfina Ombrenn et moi ? Et quand alliez-vous me dire que vous aviez demandé à changer mon nom de famille ?

Bon, pour le premier point – son mariage avec Delfina –, il était au courant depuis longtemps. Il avait œuvré pour passer cette alliance. Voilà ce qu'il avait offert à Delfina, en échange de ses informations : une influence incontestable. En devenant son épouse, elle serait certaine de l'obtenir. Or, pour le bon fonctionnement de son plan, il devait paraître agacé quant à cette nouvelle. D'une certaine façon, il l'était un peu. Le mariage, c'était se passer la corde au cou. Fonder une famille, cela ne l'avait jamais intéressé. Kan aimait déjà sa famille, certes un peu éparpillée. Noal, Téo, Belle-Nehla, Thyllineg... les voilà, les membres de sa famille. Il n'avait vraiment pas envie d'y intégrer Delfina. Malheureusement, il fallait faire des concessions dans la vie.

Quant à son nom de famille, c'était autre chose. Les orphelins ne pouvaient changer de nom que par deux façons : pour les filles, il leur suffisaient d'épouser quelqu'un, mais si un garçon ne voulait plus de son nom d'orphelin, il fallait payer cher, très cher. Ainsi, peu d'orphelins changeaient de nom. Kan aurait pu s'estimer heureux d'avoir ce privilège, mais depuis dix-huit ans, il s'appelait Melym, un nom qui faisait de lui ce qu'il était. Et il ne voulait pas en changer. Surtout qu'il se doutait que c'était pour une question d'alliance.

Noal pinça ses lèvres, avant de reposer son livre à côté d'elle.

– Je vois. Tu nous as encore espionné, je me trompe ? fit-elle.

– Oui. Et je ne m'excuserai pas, car il s'agissait de magouiller dans mon dos, ce qui est insupportable.

– Delfina Ombrenn est une gentille fille. En plus tu la connais depuis des années, et dans mes souvenirs, vous étiez proches.

S'il avait été proche avec Delfina, alors Isebell était sa meilleure amie. Kan n'était pas particulièrement proche de ses camarades, même s'il appréciait Isebell et Ynaseriam. Son amitié avec ces deux-là pouvait casser à n'importe quel moment, si leurs intérêts communs changeaient. Quant à Delfina, au cours des années passées, il avait dû lui parler une ou deux fois, et uniquement pour un travail collectif. Elle restait bien trop étrange pour lui. Enfin, il y avait le jeune Milho Veleress, mais celui-ci avait réussi le concours d'entrée à l'école des Gardes d'Alcade. Kan en était heureux pour lui, même s'il était triste d'avoir perdu un bon ami. Inconsciemment, il avait considéré Milho comme un jeune frère.