Chapitre 12.I : Les histoires d'Abeille

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An 1430

Je me suis découverte une nouvelle passion. Depuis que je suis devenue Espionne, tous les Apprentis tiennent à ce que je leur raconte mes missions, alors que la plupart d'entre-elles sont mineures. Et je dois bien avouer une chose : j'adore les voir se regrouper dans la bibliothèque, tandis que je leur fais le récit de mes péripéties. Un jour, j'ai dit à Dytal que j'aimerais que ce lieu soit plus vivant. Je pense dire vrai en affirmant que c'est chose faite.
Journal intime de Téonary Naryn, an 1430.

  𝓢'il y avait bien une chose qu'Absolyn n'aimait pas – en plus des serpents, des gosses et de ces saletés de petites femmes-dragons –, c'était de recevoir de la neige dans les yeux. Il cligna rapidement des paupières, dans une tentative de dégager le flocon importun, tandis que son œil s'embua. C'était une sensation désagréable, et il s'en serrait passé volontiers. Surtout lorsque Telia, à ses côtés, ricana, n'hésitant pas à se moquer de lui.

Amrynen se trouvait assez au nord de l'Astriale pour qu'il neige à cette période de l'année. Pour ce genre de dérangement, Roumys lui manquait encore plus. Absolyn se promit que, lorsque le mandat de Telia se terminerait, il retournerait dans sa cité natale.

En attendant, il était toujours l'associé de la maire de la cité marchande. En tant que tel, il se devait de l'accompagne, lorsqu'elle allait voir si tout Amrynen se portait bien.

D'où la raison pour laquelle il se trouvait dans les rues si tôt, alors que c'était son seul jour de congé. Il avait passé la soirée précédente à compter et recompter les bénéfices de Bena.

Il faisait nuit noire, l'aube était loin. Heureusement, tous les lampadaires étaient allumés à cette heure-ci, éclairant son chemin. Il avait tous les sens en éveil (il le reconnaissait, il laissait aussi son esprit vagabonder, prêt à détecter les pensées de quelque malfrat qui pourrait être de sortie), mais profitait tout de même de la promenade, Telia silencieuse et pendue à son bras pour ne pas glisser.

Bena l'avait traité de fou (ses termes exactes étaient plutôt « espèce d'imbécile sans cervelle ») lorsqu'il lui avait dit qu'il avait l'intention de sortir, juste après que sa maîtresse lui ait demander de le suivre pour une petite urgence.

Il ne voyait pas du tout pourquoi.

En passant devant la boulangerie, une bonne odeur de pain chaud leur parvinrent. Absolyn avait déjà travaillé dans ce genre d'endroit, il y avait un ou deux siècles (les années finissaient par se mélanger, à force). Il n'y avait pas passé beaucoup de temps, très rapidement viré parce qu'il faisait brûler le pain. Visiblement, il était trop négligent pour ce métier. Enfin, tout cela pour dire : il savait et sentait que le pain n'était pas encore cuit.

– Mmm, cela me donne faim, déclara Telia en fermant les yeux pour savourer l'odeur. Quand nous repasserons, j'en achèterai, de ce pain, pour le petit déjeuner. Cela sera délicieux avec cette confiture que tu m'as fait, l'automne dernier. Voudras-tu déjeuner avec moi ?

– Non, la compagnie d'une minome acariâtre et inquiète est bien plus agréable que la tienne.

Telia lui jeta un regard blasé, tout en sachant qu'il s'agissait là de sa façon d'accepter.

Au grand soulagement d'Absolyn, elle lui avait pardonné son mensonge. Même s'il ne regrettait pas celui-ci (tout ce qu'il voulait, c'était qu'on le laisse tranquille : après tout ce qu'il avait fait pour le pays, il estimait qu'il avait le droit d'évoluer dans le plus grand anonymat si l'envie lui prenait), il était bien content que sa maîtresse accepte de le revoir. Elle faisait partie de son quotidien, il aimait bien débattre avec elle, l'agacer, faire fondre son visage de glace.

L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant