L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]

Chapitre 27.I : Les mystères de Willum

Mon fils, Kanwill Orgel, me remplace dans la plupart des rencontres. Il parle en mon nom, et je ne vous prierai de bien vouloir cesser de l'importuner et de mettre sans cesse sa parole en doute dès que vous le croisez. Cordialement.
Lettre de la sénatrice Noal Vierge au sénateur Téonal Lion, an 1431.

– 𝓝on, je ne me représenterai pas, affirma Absolyn. Ce n'est pas mon objectif, de passer une partie de ma vie en tant qu'associé. Et non, même si tu me proposais d'être maire, je refuserais également. J'ai d'autres projets. Et puis, je peux laisser ma place à un autre.

– Et pourquoi pas ? répliqua Telia. Depuis que nous sommes tous les deux au pouvoir, j'ai l'impression qu'Amrynen a reprit espoir sur certains points ! Nous avons fait un excellent travail, tu ne peux le nier, Ab !

– Peut-être, mais ce n'est qu'une impression.

Ce qu'Absolyn ne disait pas non plus, c'était qu'il hésitait à reprendre le chemin du voyage. Même s'il ne le dirait pas pour ne pas blesser Bena et Telia, il avait l'impression de s'enraciner à Amrynen. Ce n'était pas ce qu'il voulait.

Il résidait ici depuis presque huit ans. Même si le passage des années ne le marquait pas, il ne voulait pas penser qu'à lui. Telia avait déjà vingt-six ans, et c'était déjà beaucoup pour une humaine – un quart de siècle, sachant que les humains ne vivaient rarement que jusqu'aux trois quarts. Certes, ils étaient amants, mais ils ne seraient jamais plus. Avec lui, elle s'était engagée dans une relation sans avenir, pour plusieurs raisons, en plus de leur différence de psylina.

Telia affirmait haut et fort qu'elle ne se remarierait pas – c'était son choix, il le respectait. Mais rien n'était jamais immuable. Si elle changeait d'avis, elle refuserait d'aller voir ailleurs, parce que lui, il était là.

Et puis, Absolyn n'était pas fait pour rester éternellement au même endroit. Peut-être resterait-il encore un an ou deux, mais il était hors de question qu'il se représente en tant qu'associé. Il laissait volontiers Maleo ou Morlann Heralt récupérer sa place – même si, par rapport à maire, ce n'était rien –, si cela leur faisait envie.

Le regard de Telia lui pesait, tandis qu'ils se promenaient sur les plages de la Baie des Poissons. Il faisait beau aujourd'hui, et assez chaud pour un jour de printemps. Autant en profiter. Au loin, ils pouvaient voir le profil des bateaux, qui avaient fière allure. Et Absolyn reconnaissait volontiers être fier de les avoir remit à l'eau. Au moins, la défense marine d'Amrynen était assurée, cela le rassurait.

– Ab, tu as été un excellent associé, tout en gardant ton siège de la défense au conseil, argumenta Telia. Les Amrynois t'aiment – alors qu'au premier abord, tu es quand même assez antipathique, et je sais de quoi je parle. Je ne comprends pas pourquoi tu refuses. Quoi ? Tu ne veux pas passer une partie de ta vie comme associé ? Mais que sont les six années d'un mandat quand on en a sept-cent-deux ?

– Telia, siffla-t-il.

Absolyn ouvrit son esprit pour capter les pensées premières des personnes les entourant, en espérant que personne n'ait entendu les propos de Telia. Heureusement, les autres promeneurs étaient trop plongés dans leurs conversations pour avoir seulement eut la pensée de les écouter, eux.

– Tu aimes diriger, poursuivit-elle en ignorant son avertissement, et ne dis pas le contraire, parce que je sais que c'est vrai. Tu n'abuses pas du pouvoir que l'on te donne, et tu as trop d'expérience pour commettre des erreurs monumentales. À toi tout seul, tu as vécu plus de vies et acquis plus de savoir que nous n'en aurons jamais.

Cela, il ne pouvait pas le nier. Pour autant, ce n'était pas une raison pour se représenter si lui n'en avait pas envie. Déjà, la première fois, cela avait été le choix de Maleo, et il avait été forcé d'accepter uniquement pour que ce ne soit pas Jolya Lerum la nouvelle maire. Jolya Lerum, finalement morte avant même que les résultats ne soient donnés. Et au final, quand on y pensait, Telia aurait très bien pu se débrouiller sans lui : elle en avait les épaules.