– 𝓗eralt ! appela Absolyn en dévalant les escaliers.
Il avait hésité, longuement, avant de suivre Morlann Heralt. Il se sentait tant mal à l'aise dans ces soirées, qu'il souhaitait retrouver sans chambre, et lire pour tuer le temps. Il avait même envisagé à un moment de quitter le palais pour profiter de la fête de l'Astriale dans les rues d'Ylthenas.
Absolyn avait toujours préféré ces fêtes paysannes, plus sincères, plus joyeuses et bien moins dangereuses que ces soirées de bourgeux.
Mais non, ses plans avaient été chamboulés. Et par qui, s'il vous plaît ? Par cette satanée fille. Saleté de dragon. Vraiment, à cet instant-là, il se disait que sa soirée ne pouvait être pire.
Et puis Heralt était arrivé, complètement saoul, à la surprise d'Absolyn. Ce devait bien être la première fois qu'il le voyait dans cet état. S'était-il passé quelque chose avec son amant ? Peut-être. Dans tous les cas, une chose était bien sûre : Heralt était saoul.
Pourtant, s'il y avait bien une chose définissant Morlann Heralt, c'était qu'il adorait les potins — sans eux, Absolyn ne serait jamais entré au conseil d'Amrynen. À sa manière de suivre la fille, il avait dû vouloir en apprendre plus sur elle, pour raconter plus tard ce qu'il savait. Et, généralement, plus tard signifiait dans l'instant chez Heralt.
Or, il n'avait même pas rejoins Absolyn pour lui raconter ses potins, ce qui l'intriguait.
D'où la raison pour laquelle il lui courait après.
– Heralt ! insista-t-il.
Morlann s'arrêta, puis se tourna, surpris, vers lui.
– Qu'y a-t-il, Enwel ?
– Est-ce que vous allez bien ? Est-ce que vous n'avez rien à dire ?
Il croisa les bras en fronçant les sourcils, tandis qu'Heralt le dévisageait.
– Votre sollicitude me touche, mais je vais parfaitement bien. Aurais-je fait quelque chose qui vous déplaît ?
Absolyn grogna en lui-même. Il n'avait jamais eu de tact, et était incapable de passer par quatre chemins pour se faire comprendre. À l'Infernyn la complexité, autant être clair.
– La fille à la robe rouge. Celle que vous avez rattrapé, Heralt. On dirait qu'elle vous a mis dans un sale état.
– La fille... ? Quelle fille ?
Absolyn le dévisagea sans ciller, autant perplexe que surpris. Il se décala d'un pas avant qu'un couple de convives au moins aussi saouls que Morlann ne lui rentre dedans. Trouvant qu'ils étaient bien trop audibles à la périphérie de la salle de balle, Absolyn fit signe à Heralt de le suivre. Il grimaça en se faisant frôler par de nombreuses personnes – décidément, il détestait vraiment ce genre de fêtes – avant de s'arrêter au pied de l'estrade où jouaient les musiciens.
Là, comme cela, personne ne les entendrait.
– Heralt, il y a moins de dix minutes, vous avez discuté avec une fille. J'étais là. Vous ne vous souvenez pas d'elle ?
– Mais puisque je vous dis que non ! Vous êtes parti de la fête, je vous ai suivi parce que trouve idiot de votre part de ne pas en profiter, et... et... (Morlann haussa les sourcils, stupéfait) et je ne me souviens pas vous avoir retrouvé. Alors que je sais que je vous ai vu. Par tous les dieux.
Ahuri, il attrapa un verre sur le plateau d'un domestique. Absolyn s'empressa de s'en emparer avant qu'il ne le porte à ses lèvres, et le reposa sur le plateau.
– Je vous confirme que vous m'avez bien vu. En même temps que cette fille.
– Eh bien, je ne me souviens pas d'elle. Qui est-elle ?
– Ça, je n'en sais rien. Par contre, ce que je suppose, c'est que cette fille s'est faite oublier de vous.
Heralt lissa sa moustache. Il semblait soudain plus sobre, comme si cette affaire l'avait dessaoulé entièrement.
– Une lion, donc.
Il jeta un regard pensif à quelques mètres d'eux. En le suivant, Absolyn s'aperçut qu'il dévisageait une des filles de Téonal Lion (quand il disait que les masques ne cachaient rien) discutant avec le fils de la dirigeante.
– Pourquoi donc ? s'interrogea à voix haute Heralt. Ce n'est guère malin de la part de cette fille. Si elle souhaitait vraiment se faire oublier, elle aurait mieux fait de ne pas employer son don, et de respecter les règles. Par tous les dieux, c'est interdit d'utiliser son don en soirée, et ce pour une bonne raison !
Cela, Absolyn y avait déjà songé. Tout le monde savait que l'utilisation des dons était interdite lors de ce genre de rassemblement, surtout lorsqu'il y avait des invités étrangers ! Même s'il n'y était pas, il avait déjà entendu parler de fêtes ayant dégénérées entre les partis à cause des dons. Depuis, tout manquement à cette règle était punissable de plusieurs années de prison.
– Enwel, vous souvenez-vous à quoi ressemblait cette fille ? questionna Heralt, l'air résolu.
– Etoye. Une petite brune. En rouge. Pas très mince, pas très belle non plus.
– Soyez plus objectif. Et plus sympathique : vous-même n'êtes pas particulièrement attirant.
Absolyn leva les yeux au plafond, claqua la langue contre son palais. Il était objectif. Quant à la remarque d'Heralt, elle ne le toucha pas plus que cela : quand on avait autant vécu, on ne se souciait plus vraiment de son physique.
– Pas plus de la vingtaine. Sa robe était abîmée, d'ailleurs maintenant que j'y pense. Ah, et elle était accompagnée, plus tôt dans la soirée, de son mari. Un jeune homme. La vingtaine également. Blond, je crois. Yeux bleus — ça, je m'en souviens, parce qu'ils me rappellent quelqu'un. Je n'y ai guère fait attention après, je dois bien le reconnaître.
En même temps, son attention se focalisait sur la fille. Il était surprenant de constater qu'il avait envisagé plus de mille moyens de lui faire ravaler sa superbe en à peine quelques minutes.
Heralt acquiesça.
– Ce n'est pas grand-chose, mais c'est déjà mieux que rien. Bien.
– Qu'est-ce que vous allez faire ? demanda Absolyn tandis qu'Heralt se rendait vers la porte d'entrée.
– Ce qu'il faut faire. Transmettre vos descriptions à la sécurité, pour contrôler toute personne correspondant à ces portraits. Il s'agit d'une lion, donc elle est sous l'autorité de Téonal Lion. Or, nous savons tous que certaines personnes agissent pour d'autres sénateurs, voire pour certaines organisations malsaines. Je ne veux pas provoquer Téonal si je me trompe, alors autant régler cette affaire discrètement.
Absolyn comprenait. Les temps se compliquaient déjà à cause de la menace des Selestems Ouroboros. Pas la peine d'en rajouter. Surtout si cette fille était bien une Ouroboros.
Ainsi, il s'adossa à l'estrade, et balaya la foule du regard. S'il pouvait aider, autant le faire, cela le distrayait.
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Publié le 17/09/2022
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L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]
Fantasía« Ils sont quatre. Tous se croisent. Aucun ne fait attention aux liens qu'ils tissent. Téo est devenue Espionne. Ayant été la meilleure Apprentie, elle ne souhaite qu'une chose : être la meilleure Espionne. Malheureusement, elle enchaîne maladress...