L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]

Chapitre 27.III

𝓓elfina Orgel – autrefois Ombrenn – observait l'extérieur de chez elle par la fenêtre, tournant distraitement son alliance. Assise dans un fauteuil de son salon, elle entendait bien Noal Vierge lui parler, mais elle n'écoutait guère.

Enfin, elle se décida à lui porter un peu d'attention, car après tout, elle restait quelqu'un de poli.

– ...se trouve mon fils ? termina la sénatrice.

– Pardon ? fit Delfina en réalisant qu'on lui avait posé une question.

– Je vous demandais : où se trouve encore mon fils ? Vous devez bien le savoir : vous vivez ensemble.

Vivre ensemble, c'était en dire trop. Cinq mois qu'elle était mariée à Kanwill, et il était parti on-ne-savait-où seulement une semaine après leurs noces. C'était dire à quel point il était tout aussi heureux qu'elle de ce mariage. Ainsi, elle n'avait pas vu Kanwill depuis autant de temps que Noal. Il était loin d'être un époux exemplaire, mais cela ne l'étonnait pas — et pas seulement parce qu'il l'avait prévenue.

Delfina caressa distraitement son ventre rebondi. Oui, cela faisait tellement longtemps qu'elle ne l'avait pas vu, que Kanwill n'était même pas au courant qu'elle attendait un enfant. Saginer – le mois de leur mariage – était aussi le mois où les femmes vierges pouvaient tomber enceintes. Delfina ne s'en était pas rendue compte immédiatement. Elle avait passé – et réussi – le concours pour le service de renseignement. Et, comme elle l'avait promis, elle mettait de côté ses informations pour son époux.

À espérer qu'il rentre un jour.

– Je n'en sais rien, dit-elle avec franchise. Ce n'est pas comme si nous étions proches.

– Vous êtes mariés, protesta la sénatrice. Et en plus, vous attendez son enfant.

– Il ne m'aime pas, et je ne l'aime pas, c'est tout. Il n'est pas au courant de ma grossesse – comment le pourrait-il ? Je sais juste, comme vous, que ce n'est pas la première fois qu'il part ainsi.

– Avant, il me disait à l'avance où il allait...

– Je sais aussi qu'il ne veut plus vous parler, c'est tout. Mais ce n'est pas grâce à moi que vous le retrouverez, cela, je peux vous l'affirmer.

Enfin, Delfina devait bien avouer une chose : ce mariage était mieux qu'elle l'avait pensé. Au début, elle pensait qu'elle devrait sauver les apparences. Mais même cela, Kanwill s'en fichait. Ils n'échangeaient pas de lettres, s'étaient à peine parler durant la semaine où ils s'étaient installés dans un manoir offert par Noal, et se croisaient si peu qu'il lui avait fallu deux jours avant de réaliser que son époux était parti.

En réalité, elle se fichait un peu des activités mystères de Kanwill. D'accord, ils se connaissaient depuis des années, travaillaient ensemble et étaient mariés. D'accord, il était le père de son enfant. Cela se limitait à cela. Il lui avait offert de l'influence, elle lui offrait des informations. Ce marché était juste.

Seuls quelques changements majeurs modifiaient sa vie. Elle avait une maison pour elle seule, on ne l'appelait plus « Mlle Ombrenn », mais « Mme Orgel », et enfin, elle allait devenir mère. En soi, presque rien.

Delfina réalisa qu'elle avait encore ignoré Noal quand elle vit le regard de celle-ci posé sur elle.

– Vous disiez ? fit-elle de nouveau.

– Est-ce qu'au moins, vous vous supportez, Kanwill et vous ? demanda la sénatrice, l'air inquiet.

– Bien sûr. (Elle pointa son ventre). Si je ne le supportais pas, croyez-moi, je ne serais pas dans cet état. Nous sommes capables de vivre ensemble – enfin, je pense, il est parti bien vite. Pas besoin de s'aimer pour cela, c'est tout.

– Hum hum. Si jamais vous recevez des nouvelles de lui, vous pourrez m'en informer ?

– Comptez sur moi.

À partir de ce moment, Delfina estima qu'elle n'avait plus besoin d'écouter sa belle-mère. Elle repartit dans la contemplation de son jardin par la fenêtre, toujours en tournant son alliance et en caressant son ventre. Elle ne faisait peut-être pas une belle-fille très sympathique, mais cela, ce n'était pas son choix.
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Publié le 14/01/2023