L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]

Chapitre 28.I : La gouvernante

Chez les Espions, nous apprenons aux Apprentis à se connaître. Il y a ce qu'ils sont, mais ce qu'ils peuvent devenir. Selon l'endroit d'où ils viennent, ils n'auront pas les mêmes facilités. Il y a des choses qui ne s'apprennent pas. C'est pour cela que nous renvoyons souvent les Espions vers des missions qui les font retourner dans leur milieu de naissance.
Mémoire de la Mentor Salamandre, an 1008.

𝓣éo s'observa dans le miroir, vérifiant une nouvelle fois sa tenue. Elle avait l'impression d'avoir perdu la main, à ne faire que des missions mineures en Lunae depuis six mois. Pourtant, en regardant son reflet, elle devait bien avouer qu'il serait difficile à quiconque de savoir ce qu'elle était en vrai.

– Dis, t'as bientôt fini de t'admirer, Abeille ? demanda Velam.

Assis sur le bout de son lit, il la regardait d'un œil, tout en tentant de comprendre la manière dont elle lui avait noué sa cravate. Téo lui renvoya un sourire.

– Bientôt. Tu vois, Velam, nous devons être irréprochables. Alors, s'il te plaît, cesse de toucher à ta cravate.

– Mais ça fait bourgeux !

– Nous devons être des bourgeux. Et encore, sache que nous ressemblons aux bourgeux les moins riches.

Ils étaient arrivés il y avait deux semaines à la cité d'Amrynen. Téo avait dû laisser Lys de Neige dans des écuries publiques, et au bout de seulement un jour, elle avait décrété qu'elle n'aimait pas cet endroit – Velam semblait d'accord avec elle. L'air empestait le sel, le ciel était bien trop bruyant (Téo découvrait sa haine des mouettes et goélands), et le vent soufflait fort. Sans oublier qu'il faisait déjà chaud ici, alors qu'ils n'étaient qu'en début Geminer. Non, elle n'aimait pas cette cité, et ses cheveux aussi – jamais ils n'avaient autant bouclé.

Enfin, en deux semaines, elle avait eu au moins du temps pour se renseigner sur les Grynsgram – ce qui n'était pas compliqué en soi, car c'était l'une des familles les plus influentes d'Amrynen. Mais, autant il avait été facile de se renseigner, autant il était compliqué de s'infiltrer dans cette famille.

Elle aurait pu demander un poste de servante. Or, elle n'aurait pas pu se déplacer comme elle le voulait dans la demeure des Grynsgram. Et pour faire entrer Velam avec elle, cela aurait été un cauchemar. Puis elle avait repéré une place qui lui serait utile. Sauf que celle-là étant prise, il lui avait fallu faire quelques concessions.

Le regard de Téo se perdit sur le flacon presque vide, posé près de la glace. Pour être au plus près des Grynsgram, elle s'était dit qu'être gouvernante serait une bonne idée – elle pourrait facilement prétendre qu'elle éduquait Velam. Ainsi, il lui avait fallu se débarrasser de celle présente, pour au moins deux semaines. Non, elle ne l'avait pas empoisonné – elle n'était pas du genre à tuer des innocents.

Tout du moins, elle était fière d'elle. Après un dernier regard au miroir, où son reflet portait la tenue de la bonne petite gouvernante, elle vérifia que ses affaires étaient bien en ordre (si son plan fonctionnait, elle ne dormirait plus là ce soir) et que ses armes étaient cachées, avant de sortir de sa petite chambre d'auberge, Velam sur ses talons. Derrière elle, elle la referma, alors que les bruits des habitués déjà arrivés pour boire un coup dès le matin lui parvenaient d'en bas.

Elle descendit. Elle espérait ne pas se faire trop remarquer, ce qui était impossible. Non seulement elle était la seule femme, mais elle était aussi la seule bien habillée, avec, en plus, un jeune garçon comme unique compagnie. En passant entre les tables, elle reçut quelques remarques salaces qu'elle ignora, et lorsqu'on tenta de la toucher, elle saisit le poignet de l'homme, avant de le tordre avec force. Velam haussa deux sourcils étonnés – il n'était pas aussi habitué qu'elle.