Chapitre 18.II

28 7 0
                                    

𝓙illan fut réveillé en sursaut. Il grimaça, fit tourner son cou, sa nuque raidie d'avoir dormi toute une nuit adossé au bord d'un lit. La chandelle posée sur la petite table s'était presque entièrement consumée, sa faible lueur avalée par la lumière du jour tombant par la fenêtre de l'infirmerie. Passant sa main dans son dos pour masser sa nuque, il cligna des yeux, agressés par les vifs rayons, avant de chercher ce qui avait bien pu le réveiller. Son regard se porta sur Téo, toujours inconsciente et immobile dans son lit.

Cela faisait déjà presque deux semaines depuis cet accident de noyade qui aurait pu lui coûter la vie. Après une chute de tension presque fatale, Nyrle avait demandé à ce que Téo soit surveillée en permanence. La guérisseuse tenait à ce qu'on la prévienne au moindre changement, positif comme négatif.

Jillan s'était porté volontaire, évidemment. Dès ses tâches quotidiennes effectuées, il était le premier à revenir à l'infirmerie, même si quelqu'un le remplaçait. Il restait silencieux, pas très loin, même s'il sentait les regards de Nyrle, Ydalt, Papillon, Dytal et Canard sur lui quand il les croisait.

Heureusement, la nuit passée, il s'agissait de son tour de garde.

  Et normalement, il n'aurait pas dû s'endormir.

Il se frotta le visage dans une tentation de se réveiller pour de bon, lâcha un bâillement en tentant de savoir quelle heure il était. Peut-être six heures. Ou sept. Il n'avait jamais été doué pour se repérer à l'aide de la position du soleil.

Un mouvement attira son intention. Téo n'était pas aussi calme qu'il l'avait pensé au premier abord. Jillan fronça les sourcils en se levant, grimaça face à la protestation de ses muscles, avant de s'approcher.

Le visage trempé de Téo se crispait, comme si elle souffrait. Elle glapit de douleur. Cela lui serra le cœur, surtout qu'il ne pouvait rien y faire. Elle pinçait inconsciemment sa peau, au niveau du poignet gauche.

Ce n'était pas la première fois, qu'elle s'agitait ainsi. Jillan avait prit l'habitude de lui parler, dans ces moments. Il n'était pas doué avec les mots, évitait de les employer, mais il avait la sensation que cela l'apaisait. Alors il lui racontait des choses sur lui, ses missions, ses anecdotes. Oh, il n'avait pas son talent. Cependant, ce n'était guère important.

Jillan savait qu'il aurait dû aller prévenir Nyrle, mais il n'avait pas le courage de laisser Téo seule dans cet état.

– Ne t'inquiète pas, je suis là, murmura-t-il. Tu es en sécurité. Personne ne te fera de mal.

Il posa rapidement sa main sur son front, et constata qu'elle était brûlante de fièvre. La guérisseuse avait prévu le coup, et leur avait expliqué quoi faire dans ce cas. Si bien qu'il trempa un carré de tissu dans une bassine d'eau fraîche posée près de la chandelle, avant de le déposer sur son front.

Mais à peine le bout de tissu était entré en contact avec sa peau, que Téo ouvrit les yeux en grand, tout en se relevant d'un coup.

Tout est lié ! hurla-t-elle.

Surpris, il bondit en arrière, manquant de peu de tomber sur le lit voisin. Il s'insulta mentalement de tous les noms, avant de hausser les sourcils devant l'expression de Téo.

Les yeux toujours écarquillés, elle ne semblait pas le voir. Les cheveux collés contre son front, elle avait des allures de fa'dingue avec sa bouche entr'ouverte. Et surtout, elle tremblait de tout son corps.

Cela ramena Jillan à la réalité. Il ne savait pas comment s'occuper d'une personne dans une sorte de transe (il avait déjà vu les béliers lorsqu'ils avaient des visions, mais ils n'avaient jamais eu ce même air agité), mais pour une fois, il suivit ses instincts.

Même s'ils n'étaient toujours pas bons, certes.

– Téo ! Tout va bien, lui dit-il en posant doucement ses deux mains sur ses épaules.

Il sentait sa chaleur corporelle à travers sa chemise de nuit – au moins, elle n'était plus aussi glacée que lorsqu'il était parti la repêcher. Il essaya de croiser son regard, mais elle avait les yeux fous, et semblait être en proie à des visions d'horreur.

– Tout est lié, répéta-t-elle.

Il ne comprenait pas ce qu'elle voulait dire par là. Qu'est-ce qui était lié ? Cela pouvait être diverses choses. Puis, elle fronça soudain les sourcils, comme si quelqu'un lui avait répondu. Jillan devinait l'importance de ces trois mots pour elle, même s'il n'en saisissait pas le sens.

Si – non, quand – elle se réveillerait, et ne délirerait plus, il se promit de lui rappeler ses paroles pour savoir si elle savait ce qu'elle avait voulu dire. Mais pour l'instant, il se devait de l'aider à se calmer, et à se recoucher, pour son bien.

– Allez, couche-toi ; tu as besoin de te reposer, fit-il en tentant de la rallonger.

Il ferma brièvement les yeux, soupira en se souvenant que Téo était taureau. Et il était difficile de forcer un taureau à faire quelque chose qu'il ne voulait pas faire – sinon, il y avait de grande chance de terminer en bouillie immangeable même pour une basse-cour.

– Téo, est-ce que tu voudrais bien te recoucher, s'il te plaît ?

Il tentait de l'amadouer.

En vain. Non seulement elle ne le voyait pas, mais elle ne semblait pas l'entendre non plus. Il se se gratta derrière l'oreille en réfléchissant à une idée. Cependant, aucune ne lui vint à l'esprit – ce dernier était bien trop embrumé par le sommeil. En réponse à cette pensée, il bâilla de nouveau.

Bon, il n'avait plus qu'à la laisser comme cela en espérant qu'elle ne bougerait pas d'un pouce. Il devait aller chercher Nyrle. Il souffla sur le reste de chandelle, observa Téo à travers le sillon de fumée, avant de se diriger vers la porte.

– Tout est lié...
___
Publié le 12/11/2022

L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant