Chapitre 8.I : La fête de Fanie

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La fête de l'Astriale est une tradition qui dure depuis des siècles. Elle est en l'honneur du jour où notre beau pays a mis fin à la première ère, à sa Guerre des Pouvoirs et à son Oligarchie des Douze.
Traditions de l'Astriale, de Celest Fracfor, an 1001.

𝓔myria s'arrêta d'un coup, sans prévenir, sans se retourner. Zym, avec qui elle discutait, l'esquiva sans mal, avant de venir se mettre face à elle, les lèvres pincées, l'air totalement sérieux.

Ils devaient avoir l'air malins, tous les deux, face à face dans les couloirs de l'aile l'ouest, à se dévisager dans le blanc des yeux. Emyria entendit quelques rires tandis que les Apprentis quittaient le réfectoire. Elle secoua la tête, se remit en route.

– Dieux, c'est même pas une blague, hein ? souffla-t-elle en se sentant pâlir.

– Je sais que je déconne sur beaucoup de choses, Em, mais pas sur ça, déclara Zym en haussant un sourcil.

Emyria jura entre ses dents, pique-rouge. Elle tourna sèchement dans le couloir des Espions, avant de s'adosser avec force au mur. Zym vint tranquillement s'installer face à elle. S'il était en colère, cela ne se voyait pas. Il avait toujours eu des réactions étranges, Emyria était habituée.

– Tu veux bien me dire ce qu'elle a de plus que moi, cette bourgeuse ? gronda-t-elle. Elle se comporte comme une gamine, foire tout ce qu'elle fait, prend rien au sérieux, donc pourquoi c'est elle qui a été choisi pour partir avec Jill ?

– Je veux pas prendre sa défense – tu sais bien que je la déteste – mais ça fait longtemps qu'elle est plus la bourgeuse cervelle d'oiseau et poussin – à mon grand regret. Toi même tu le sais bien, car elle t'a quand même battue.

– Me parle pas de cela ! rugit-elle.

Une porte s'ouvrit, et Antilope passa la tête pour regarder ce qui se passait (et pour les prier de se taire, car à son grand âge, on avait besoin de plus de temps pour récupérer). Emyria se força à sourire, s'excusa. Après tout, Antilope n'y était pour rien, et ne méritait pas sa colère. Et puis, Emyria adorait Antilope.

Zym cilla tout en grattant distraitement sa joue pleine de grains de beauté. Puis il haussa les épaules, reprit son chemin vers sa chambre. Outrée qu'il l'ignore de la sorte, Emyria lui attrapa le poignet pour l'empêcher de partir. Elle était bien plus forte que lui, la question ne se posait même pas.

– Tu peux au moins t'estimer heureuse en sachant qu'Arysia déteste Abeille, et qu'elle la laissera jamais trop s'approcher du seul Apprenti qu'elle a jamais formé, dit-il en reprenant sa place face à elle.

– Mais comment tu sais tout ça, Zym ? s'étonna-t-elle.

– Si je te révélais mon secret, ça serait pas drôle, je pourrai plus avaler la goutte en me foutant de ta gueule, et je perdrais un de mes avantages sur toi. Je suis pas une cervelle d'oiseau, merci bien.

Emyria grogna. Étoile, bien sûr qu'elle le savait. Zym était peut-être un peu lunatique, il n'empêchait qu'il n'était pas du genre à rester à la traîne. Il était plutôt toujours en avance. Ce n'était pas pour rien qu'il s'appelait Lièvre.

Elle s'apprêtait à ajouter autre chose, lorsque quelqu'un tourna dans leur couloir. Elle jura mentalement en reconnaissant Téo, Saleann et Wuly, toujours fourrés ensemble. Elle salua ses camarades d'un mouvement de tête, ne put s'empêcher de suivre Téo du regard. Si seulement ce dernier pouvait tuer...

Emyria jura dans sa barbe. Elle avait la sensation que Téo dansait carrément devant elle, en se vantant, arrogante comme toujours. Cela l'agaça de plus belle. Elle n'avait pas le droit de lui voler le seul homme qui comptait dans sa vie.

Elle lui avait déjà volé sa réputation auprès des Apprentis ainsi que de meilleure Espionne...

– Il va falloir qu'on remédie à ça, susurra-t-elle doucereusement. Je veux dire : la bourgeuse peut pas se prendre pour la meilleure, alors qu'elle n'a aucun mérite. C'est inacceptable, Zym, tu m'entends : inacceptable !

– On verra ça une prochaine fois, Em. Attends au moins qu'on ait une raison plus valable de lui faire quelque chose.

Emyria haussa un sourcil, le dévisagea. Elle connaissait cet air. Elle l'avait déjà vu plusieurs fois, quand il prévoyait de forcer Jill à venir s'amuser avec eux.

– Toi, tu as un plan, affirma-t-elle.

– Peut-être qu'étoile, peut-être que non, sourit-il en faisant jouer ses sourcils. Sois juste un peu patiente.

Elle pinça les lèvres, mais ne dit rien. Toutefois, ce n'était pas pour cette raison qu'elle ne pensait déjà pas à une façon de se venger. Elle n'avait pas besoin de Zym pour imaginer des plans plus tordus les uns que les autres. Surtout lorsqu'elle était pique-rouge.

Emyria était l'une des premières à être allée voir Téo, lorsqu'elle était arrivée à la confrérie. Elles avaient été amies, avaient partagé le même dortoir, et elle savait que sa cadette connaissait ses sentiments pour Jill. Et voilà qu'elle lui tournait autour d'un peu trop près à son goût, après l'avoir déjà ridiculisé plusieurs fois !

Si elle l'avait su, à l'époque... se faire trahir de la sorte... insupportable et intolérable. Elle se sentait insultée, son honneur piétiné sans façon.

Oh que non, elle ne laisserait pas faire. Quoi qu'il en était entre-elles, Emyria était désormais certaine que leur amitié n'avait plus aucun pouvoir contre la tornade de haine l'ayant envahie.

Elle jeta un coup d'œil vers la chambre de Téo. Qu'elle profite encore un peu, avant que la tornade vienne s'abattre sur elle.
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Publié le 03/09/2022

L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant