L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]

Chapitre 22.I : Regarde-moi si tu l'oses

Il y a bien une chose que j'ai toujours appréhendé, bien plus que mon Espionnage ou mon union avec Jill lorsqu'il m'a proposé de m'unir à lui. Laquelle ? Torturer. J'aime soigner, employer les plantes dont les noms me sont tout aussi connus que mon prénom, mais je ne me suis jamais imaginée en train de tuer – même si la science des poisons m'a toujours fascinée.
Journal intime de Téonary Naryn, an 1430.

  𝓥elam fit la moue, et Téo pinça les lèvres. Il fallait bien avouer une chose : son Apprenti s'en sortait dans plusieurs les matières, était même le meilleur en Écriture et en Histoire, il restait toutefois le pire menteur qu'elle avait jamais vu. Même Loup ne parvenait pas à lui faire entrer dans la tête qu'il était obligé de se faire passer pour quelqu'un d'autre lorsqu'il serait en mission.

  – Velam, par tous les dieux, que t'ai-je déjà dit ? soupira Téo en croisant les bras.

  – Pour mentir correctement, faut que je crois en mon mensonge, récita Velam.

  – Alors, pour l'amour des dieux, arrête de lever les yeux lorsque tu déclames ton identité !

  En temps que Mentor personnelle, il était de son devoir de l'entraîner à mentir – pas seulement, évidemment, mais elle devait l'aider à vaincre ses lacunes. D'où le fait qu'ils trouvaient dans la salle de classe vide à cette heure-ci, alors que les autres Apprentis étaient probablement en train de s'entraîner au combat avec leur Mentor personnel à eux. Vraisemblablement, il semblait logique que Téo parvienne à lui apprendre à mentir correctement – après tout, elle était un mensonge à elle toute seule.

  Pourtant, c'était loin d'être gagné.

  Heureusement, elle avait acquis un peu de patience au cours de ces dernières années. En plus, elle ne s'énervait pas aussi facilement que Fennec. Tant mieux, ou il était presque certain que Velam serait en larmes. Le problème, c'était qu'elle ne pouvait même pas hausser la voix, car il avait immédiatement les yeux mouillés. La trop grande sensibilité de l'Apprenti et les principes qu'elle devait lui inculquer étaient comme deux pièces de puzzles ne pouvant s'emboîter.

  Ne lui restait plus qu'à essayer de tailler une de ces pièces pour la faire entrer dans l'autre.

  – Mais je sais qui je suis ! protesta Velam. Je connais mon prénom, alors pourquoi le changer si je sais que c'est pas le mien ? Je sais bien que je m'appelle pas Artel, que je suis pas un gamin de la rue, et que j'ai pas approximativement treize ans ! Je peux pas être masque si je connais la vérité.

  – Velam, ce ne serait pas un mensonge, sinon. En plus, un bon mensonge est basé sur la vérité. Le problème, c'est que nous ne sommes pas des métamorphes, et que nous ne pouvons pas changer de visages au grès de nos identités. Mais nous ne pouvons pas te permettre d'en avoir une seule. Parfois, tu vas être obligé de retourner sur un lieu où tu t'es déjà rendu sous un autre nom, mais en en portant un autre, parce que tu dois devenir servant, et non pas noble ! Sais-tu quels problèmes cela pourrait poser ? Lorsque tu mens, tu dois être ton mensonge. Tu dois adopter des tics différents, mais pas trop pour ne pas caricaturer. Tu dois en dévoiler assez sur le rôle que tu interprètes, mais pas trop pour ne pas paraître suspect. Pour éviter ces erreurs, il faut que tu crois en ton mensonge encore plus que tu veux le faire croire. Il faut qu'il soit en toi, qu'il te semble naturel, que tu le connaisses autant que tu te connais toi, pour être capable de l'interpréter à n'importe quel moment.

  – J'aime pas mentir, et c'est loin d'être naturel. À partir de quel moment on oublie ce que l'on est réellement pour ces masques ? Et puis, qui est capable de mentir en permanence ?

  Moi, songea-t-elle sans répondre. Elle mentait tout le temps. Parfois sur de petites choses, parfois sur des plus grosses. Elle mentait tellement que ses camarades ne la croyaient que lorsqu'elle jurait sur son honneur. À la place de répondre cela, elle dit :