Chapitre 14.III

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  – 𝓚anwill, quel plaisir de vous revoir parmi nous, déclara une voix légèrement sarcastique.

Kan leva la tête. Il ne l'avait pas remarqué parce qu'elle était silencieuse, son livre ouvert devant elle, mais Isebell l'observait derrière ses gros binocles, sur la mezzanine de leur salle de classe. La tête ailleurs, il avait oublié – ce qui ne lui arrivait jamais, ordinairement – son livre de cours. Entre leurs examens prochains, les voyages qu'il devait faire au nom de sa mère, et ses réflexions sur les Selestems Ouroboros, il ne savait plus où donner la tête.

– Isebell. J'espère que vous allez bien.

– Oh, autant que cela peut l'être, dans cette classe d'incapables. Vous ne savez pas la dernière ! Delfina Ombrenn, cette... cette... cette espèce de petite arriviste sans le moindre sang noble, s'est permis encore bien des folies ! Ce matin, alors que vous étiez absent, elle a osé me provoquer ! Alors que Mme Vyllas lui demandait de rendre nos copies, elle a osé se tromper exprès, en me donnant sa copie, à la note supérieure à la mienne.

Kan secoua la tête, son livre son le bras. Ne souhaitant pas avoir mal au cou, il grimpa à la mezzanine, tout à ses réflexions.

Il revenait d'un voyage à Denatys. Sur le retour, il était passé à Oplatys, pour voir Téo, et pour lui souhaiter son anniversaire. À son grand étonnement, elle l'avait oublié. Son propre anniversaire. Quelque chose disait à Kan qu'elle avait autant la tête ailleurs que lui.

Ce qui ne l'avait pas empêché de lui raconter sa dernière mésaventure. Il avait grimacé en entendant cette histoire de maison, de réunion secrète. Oh, bien sûr, il la croyait. Il avait peut-être même sa petite idée sur ce qu'il s'était passé. Un cancer avait très bien pu repasser après Téo pour effacer toutes les traces. Après tout, les cancers avaient un don de création : ce mur, qui provoquait tant de soucis à sa sœur, pouvait très bien être neuf.

Cela avait paru l'apaiser. Tant mieux. Mais en conséquence, Kan n'avait pas osé lui apprendre les soupçons qu'il nourrissait.

Isebell le suivit du regard tandis qu'il s'installait face à elle.

– Allons, ce n'est guère mature de votre part, avança-t-il. Et même de la part de Delfina. N'êtes-vous pas trop âgées pour vous faire la compétition ainsi ?

– Ce n'est pas qu'une simple compétition. Ne le savez-vous donc pas ? Cette droguée vise le même poste d'archiviste que moi. Je suis certaine qu'elle l'a fait volontairement. Quelle saleté.

Isebell siffla de plus belle, tourna sa page vivement. Kan eut pitié d'elle. Quelque chose lui disait qu'Ynaseriam lui manquait. Elle n'avait plus personne à embêter en permanence. De plus, Kan la laissait de plus en plus seule.

Il la dévisagea discrètement. Téo lui avait raconté pour ses géniteurs à elle. Passé le premier choc, Kan n'avait pu s'empêcher de comparer Téo et Isebell. Après tout, elles étaient demi-sœurs. Et, maintenant qu'il le savait, il ne pouvait s'empêcher de retrouver quelques similitudes entre-elles. Leur sale caractère, le fait qu'elles étaient rancunières, leur langue acérée... elles étaient pareilles. Cependant, Isebell, plus jeune de quelques mois et bien plus choyée, se trouvait être aussi plus immature et insupportable. Kan se demandait si elles auraient pu s'entendre.

Peut-être. Après tout, visiblement, elles détestaient toutes les deux leur père. Leur voilà déjà un point commun.

– Je vous vois, en train de m'observer ; vous n'êtes pas très discret, ricana Isebell en relevant la tête.

– Pardon.

– Je vous pardonne pour cette fois.

Puis, sournoise, elle ne le quitta pas des yeux, le mettant plus que mal à l'aise. Elle le savait, évidemment. Elle était douée pour agacer les autres. Soudain, elle se leva, se pencha au-dessus de la table. Kan recula dans sa chaise, surpris. Cela n'arrêta pas Isebell. Sans-gêne, elle enleva quelque chose de sa cape.

L'Astriale - Les Mensonges du Printemps T2 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant