29. Mise à nue

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Le moment est venu, je le sais. Il est temps qu'Embry sache tout de moi, tout ce qu'il y a à savoir, tout ce dont il reste une trace et tout ce qui fait ce que je suis.

J'ai peur, alors même que je suis persuadée de n'avoir aucune raison de me faire le moindre souci. Il s'agit d'Embry. Quoi qu'il découvre aujourd'hui, je suis certaine que rien ne changera. Et pourtant, il connaîtra tout mon passé, ce qui fait qu'il me connaîtra comme jamais personne auparavant. Mieux que James encore, lui dont j'avais oublié l'existence jusqu'à relecture de cette période de ma vie, la seule personne extérieure à ma famille à qui j'avais tout révélé.

Anxieusement, j'attends donc l'arrivée du quileute. Je ne lui ai rien dis de mes intentions pour ce soir mais, je crois qu'à ma voix au téléphone, il a compris que c'était important.

Je ne suis donc pas étonnée quand je l'entends frapper à la porte, si peu de temps après mon coup de fil. Je lui dis d'entrer et m'avance pour l'embrasser.

— Tout va bien, Aina ? me demande Embry en constatant l'air étrangement maussade sur mon visage.

— Viens, assieds-toi, lui proposé-je.

Une fois installés, je cherche mes mots.

— Embry, je t'ai souvent dit qu'il y avait plus à la Aina que tu vois aujourd'hui. Parce que je suis plus vieille que je ne le parais, et que j'ai vécu plus que ce qu'on pourrait penser.

Je marque une pause. Embry m'observe gravement, conscient que quelque chose se trame.

— Ce que je veux dire, c'est que je crois qu'il est temps que tu comprennes qui je suis vraiment, Embry, soufflé-je. Celle que tu connais, ce n'est qu'une partie de moi. De bien des façons, j'ai eu plusieurs vies. Tu en sais déjà un peu sur mon passé, mais pourtant si peu. Il te reste tant à apprendre sur moi. Sur la totalité de qui je suis.

Je cherche avec hésitation les prunelles d'Embry. J'y lis beaucoup de compréhension.

— Je ne demande que ça, Aina, me répond-t-il. Te connaître toi, toute entière.

— Alors il n'y a qu'une seule façon de le faire.

Sous ses yeux intrigués, je m'éclipse du séjour. Arrivée dans ma chambre, j'hésite un instant devant la boîte qui renferme mes précieux carnets, ces extensions de ma mémoire fragile, ces bouts de moi. Suis-je vraiment prête à les partager avec quelqu'un ? avec Embry ?

Au fond de moi, je sais que oui.

Je me saisis du premier carnet, celui à la plus vieille reliure, celui qui contient le début de mon histoire, la plus lointaine donc j'ai connaissance. Mes origines. Puis, maintenant sûre de moi, je repose le carnet avec les autres.

Je retrouve ensuite Embry dans le salon. Il attend patiemment. Je pose à côté de lui la boîte puis lui tends doucement le premier carnet dont il se saisit avec précaution, conscient de sa préciosité. Il m'interroge du regard et j'inspire profondément.

— Il y a des choses que je ne peux pas dire, murmuré-je. Des choses sur lesquelles je ne peux pas mettre de mots, qu'il m'est impossible de verbaliser. Tu peux cependant les lire dans ces carnets. Ce sont mes mots, même s'ils ont été écrits par une lointaine Aina, et que les événements qu'ils racontent n'existent plus dans ma mémoire aujourd'hui. Pourtant, c'est l'histoire que raconte ce carnet qui m'a construite et qui a fait de moi ce que je suis maintenant. Si tu veux me comprendre, me connaître toute entière, tu dois lire mes carnets.

— Est-ce vraiment ce que tu veux, Aina ? s'enquit doucement Embry. Veux-tu vraiment partager tout ça avec moi ?

— Tu seras la première personne à les lire, moi exceptée. Mes carnets renferment toute mon histoire et elle n'est pas toujours joyeuse. Pourtant, je pense qu'il est temps que je la partage avec quelqu'un et je crois que tu es la bonne personne pour ça. Alors, oui, je le veux, si tu le veux aussi.

Aina [Embry Call]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant